Dans la « nouvelle combinatoire productive » propre à l’après-fordisme et marquée par un virage vers une politique économique néolibérale, on assiste à une précarisation du travail qui résulte d’une dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail et qui concoure à la prolifération de formes différenciées d’intégration à l’emploi (Durand, 2004). Cette transformation est structurelle, les périodes de reprise économique ne créant pas suffisamment d’emplois permanents à temps plein pour empêcher la progression — sur le long terme — des formes d’emplois atypiques. La part de l’emploi atypique dans l’emploi total est ainsi passée de 16,7 % à 37.2 % entre 1976 et 2008.
Plus encore, le retour au laissez-faire et l’abandon par l’État de sa velléité d’encadrement du travail par l’encastrement du marché font en sorte que les travailleurs et travailleuses atypiques souffrent de nombreux déficits : moindre rémunération, accès restreint aux régimes d’avantages sociaux privés, éligibilité partielle aux régimes publics de protection sociale, à la représentation syndicale et à la négociation. Centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail et précarisation sont ainsi deux facettes d’une nouvelle réalité marquée également par une dynamique de rehiérarchisation des rapports entre les travailleurs sur la base du sexe et de l’âge et par une logique d’individualisation croissante des relations de travail qui tendent à se remarchandiser.
Face à cette transformation structurelle, le renouvellement du syndicalisme passe prioritairement par l’amélioration de l’offre syndicale auprès des travailleurs atypiques. C’est ainsi que plusieurs penseurs du syndicalisme invitent les organisations syndicales à se recentrer sur l’importance « d’intégrer des catégories nouvelles et autrefois négligées de travailleurs en s’étendant « vers le bas », c’est-à-dire vers les travailleurs précaires sur les marchés secondaires du travail ».
Extrait de l’article paru dans le numéro 7 des NCS