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Transition écologique : et les militaires ?

Que cachent les discours de certains de nos dirigeants?

Le monde entier a les yeux rivés sur Glasgow, belle ville écossaise au demeurant, où se joue notre avenir en tant qu’humanité. Jamais on n’aura vu un tel décalage entre la société civile – en ce compris de nombreuses entreprises – et le monde politique et militaire. Comme si nous habitions deux planètes différentes. Sur la première, la majorité des habitants de la terre souhaitent préserver leur environnement naturel, leur sécurité alimentaire et énergétique et l’avenir de leurs enfants. Et, bonne nouvelle, de très nombreuses entreprises industrielles et commerciales partagent ces souhaits puisque cela leur permet d’envisager leur avenir économique sur le long terme.

Compétition nucléaire au Moyen-Orient

Sur l’autre planète, il y a les dirigeants politiques qui se partagent le monde en zones d’influence économique et militaire. Avec une toute autre perspective que celle de sauver la planète. Ainsi, la compétition pour du nucléaire civil et militaire a repris de plus belle dans les pays du Moyen Orient, dans le seul objectif de contrebalancer la puissance de l’Iran qui menace de développer l’enrichissement de l’uranium afin de contrer les menaces nucléaires d’Israël qui a toujours refusé de signer le traité de non- prolifération des armes nucléaires.

Ce 5 novembre, Anthony Bellanger de France Inter nous a résumé la situation : « le 3e et dernier réacteur de la centrale de Barakah d’Abu Dhabi est sur le point d’être couplé au réseau électrique. A terme, cette centrale produira un quart de l’électricité des Émirats. Et s’ils l’ont annoncé fièrement à la Cop26, c’est qu’à compter de 2025, la mise en service complète de Barakah diminuera à elle-seule de moitié les émissions de gaz à effet de serre du pays. »

Dans un pays où le soleil pourrait être la source principale, renouvelable et performante d’énergie, où le gaz est abondant et moins polluant que le pétrole, pourquoi se précipiter sur le nucléaire dont on connaît l’immense danger ? Parce que le nucléaire est stratégique, il permet de produire des bombes. Certes, les Emirats ont juré qu’ils n’enrichiraient pas l’uranium au point de fabriquer des bombes ; mais d’autres pays affichent leur détermination : l’Iran veut que les sanctions économiques et politiques qui pèsent sur lui soient levées et annonce disposer d’uranium enrichi à 60% (il en faut à 80 ou 90% pour fabriquer une bombe). La Jordanie met en route une usine d’enrichissement de l’uranium. L’Arabie saoudite met 100 milliards de dollars pour construire 16 réacteurs nucléaires d’ici 2030. Et pour 2060, l’Égypte sera dotée d’une grande centrale avec l’aide de la Russie, détaille Anthony Bellanger.

C’est une véritable pétaudière qui s’annonce, pour encercler l’Iran et renforcer Israël dont on connaît les options bellicistes sans cesse réaffirmées. Tout cela en écartant résolument les mécanismes de dialogues et de négociations possibles au sein des Nations Unies. Le multilatéralisme, voie royale vers des coexistences pacifiques, est exclu d’emblée. Au mépris total de la survie des populations humaines.

Pollution militaire

Dans la même logique belliciste, « le secteur militaire est toujours dispensé d’efforts pour le climat », clament Ben Cramer et Bernard Dreano, respectivement journaliste, chercheur associé au Grip (Bruxelles) et rédacteur du blog Athena21.org. et président du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim) et cofondateur de l’Assemblée européenne des citoyens (HCA-France).

Dans la tribune qu’ils signent sur le site Reporterre, ils dénoncent les pollutions gigantesques de notre atmosphère notamment par les avions militaires : « des avions de combat (comme le Rafale par exemple) consomment plus de 110 litres de carburant par minute. Plus globalement, le Département de la Défense des États-Unis a émis en 2017 des émissions de CO2 supérieures à celles d’un pays tel que la Suède (10 millions d’habitants). Quant au secteur militaro-industriel britannique, celui-ci émet chaque année plus de gaz à effet de serre que soixante pays individuels, comme l’Ouganda (45 millions d’habitants), selon un rapport de 2020. »

Ce sujet a soigneusement été écarté par les grandes puissances depuis le début des négociations sur le Climat. Or, laisser aller cette situation ruine la plupart de efforts consentis par les Etats et les populations pour réduire les pollutions atmosphériques. Les auteurs de cette tribune plaident pour l’instauration d’un « Conseil de sécurité climatique auprès du Conseil de l’Europe et que cette thématique figure parmi les priorités de la Sous-commission sécurité et défense du Parlement européen (Sede), avant d’être étendue à l’échelle des Nations Unies. »

On aimerait aussi que l’Europe se penche sur le sort dramatique fait aux Grecs par les autorités européennes et le FMI. Une grande partie de la population a sombré dans la pauvreté car il fallait absolument rembourser les dettes de l’Etat. Il n’empêche que le gouvernement grec actuel a augmenté ses dépenses militaires : « vingt-quatre avions de combat Rafale et trois frégates dernier cri, en attendant des F-35 et des hélicoptères Sikorsky, sans oublier drones, torpilles et missiles. », écrit Serge Halimi dans le Monde Diplomatique de ce mois de novembre. Un record européen d’augmentation des crédits militaires. Tout cela pour contrer la « menace » turque avec Chypre comme tête de pont tout en permettant à l’Allemagne de vendre des armements à la Turquie tandis que la France en vend à la Grèce… tout ce petit monde se retrouvant au sein de l’OTAN.

Le comble de l’absurde sera atteint « le jour où des sous-marins turcs achetés en Allemagne couleront des frégates grecques fabriquées en France. Athènes se résoudra alors sans doute à racheter aux Chinois, à qui il a dû les vendre sur injonction de la « troïka », des ports grecs où abriter ses navires. », ironise Serge Halimi.

Plus que jamais : les énergies fossiles

A Glasgow, les représentants des jeunes générations manifestent et clament leur ras-le-bol des bla-bla politiques. Ils ont raison si l’on en juge par cette analyse d’Hortense Chauvin de Reporterre : « La production de combustibles fossiles prévue par les gouvernements est plus de deux fois supérieure à ce qu’il faudrait pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris, c’est-à-dire une limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. C’est le constat inquiétant du Production Gap Report, publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement. »

C’est vrai qu’il faut du carburant pour faire voler nos avions militaires porteurs de bombes nucléaires…

Suggérons à nos dirigeants de sortir de leur schizophrénie politique et d’appliquer ces pensées de Gandhi, grand apôtre de la non-violence :

« Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais aucune pour laquelle je suis prêt à tuer. » Et aussi : « Vivre plus simplement, pour que d’autres puissent tout simplement vivre. »

ZOOMS CURIEUX par Gabrielle Lefèvre, le 05 novembre 2021


Sources:

https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-du-vendredi-05-novembre-2021

https://reporterre.net/Le-secteur-militaire-toujours-dispense-d-efforts-pour-le-climat

https://reporterre.net/Petrole-gaz-et-charbon-les-Etats-explosent-l-Accord-de-Paris

https://www.monde-diplomatique.fr/2021/11/HALIMI/64000

 

 

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