Tintin au Mali

tintin-en-afriqueL’armée française appuyée par diverses puissances impérialistes se déploie au Mali en utilisant des supplétifs africains et ce qui reste de l’armée malienne. Cette progression reste cependant ambigüe et lente étant donné le fait que la France ne veut pas exposer ses troupes. Dans le cadre actuel, les armées impérialistes cherchent à minimiser leurs pertes et à utiliser leur supériorité technologique au lieu de s’avancer dans des combats face-à-face. Inévitablement, ces guerres high tech sont très coûteuses en pertes civiles que les impérialistes appellent les « dommages collatéraux ».

Parallèlement à la dimension militaire, la France mène une féroce offensive médiatique et idéologique, peu originale il est vrai. La guerre est évidemment une grande opération humanitaire pour sauver les Maliens et éradiquer les méchants terroristes. En France, la plupart des partis politiques de « gauche » (à l’exception du Front de gauche et du NPA) et de droite sont unanimes. Les médias complaisants avec leurs journalistes étroitement contrôlés par le dispositif militaire français en rajoutent. Le message est relayé par Bruxelles, Londres, Washington, Ottawa et ailleurs. Cette « communauté internationale » bien pensante agit encore une fois en dehors des cadres et conventions de l’ONU, ce qui est peu surprenant, considérant la marginalisation de cette organisation depuis le déclenchement de la « guerre sans fin » au tournant des années 1990. Les observateurs et analystes sont toutefois assez sceptiques. Du point de vue opérationnel, les quelques milliers de soldats français ne pourront faire autrement que de pousser les adversaires dans le désert. Les contingents africains et encore moins les lambeaux de l’armée malienne ne pourront tenir le territoire.

Entre-temps, une grave crise frappe la population malienne, au nord comme au sud, menaçant des millions de gens de la famine.

Les rebelles

Les diverses factions ne représentent pas une force cohérente et organisée. Le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) est le mieux organisé, mais il repose sur des combattants étrangers à la population locale. Ils commettent des atrocités et n’ont pas d’ancrage. Mujao par ailleurs est plus riche et conserve de bons appuis en Libye de la part des factions islamistes radicales qui contrôlent plusieurs villes et territoires. L’autre mouvement islamiste, « Ançar Dine » (Défenseur de l’Islam) en a davantage, mais il a moins de capacités opérationnelles. Parallèlement, on trouve le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) composé essentiellement de touaregs dont une grande partie des corps d’élite de l’armée malienne qui ont fait défection l’an dernier et qui pour le moment se contentent de rançonner la population locale.

Aucun de ces mouvements ne dispose de bases solides et leur seule tactique est de se disperser dans le désert, ce qui laisse supposer que l’armée française pourra « libérer » prochainement les villes de Gao, Kidal et Tombouctou… En fin de compte, ces rebelles ne sont que la conséquence d’un énorme chaos social, économique et politique qui fait du Mali un « État en faillite ».

Qui sème le vent …

Depuis l’indépendance, la France s’est imposée au Mali qu’elle a transformée pour les besoins de « Françafrique », cet espère d’empire composé de businessmen, de voyous, de mercenaires et de colons. Comme les pays voisins dans le Sahel, le Mali a été ruiné par des politiques de prédation persistantes qui ont mené plusieurs fois le pays à la ruine et à famine. Durant la période récente cependant, l’impérialisme français a été mis à mal.

Un mouvement populaire a pris forme dans les années 1990 et n’a cessé depuis de contester les pseudo gestionnaires maliens proches de Paris. L’an passé, l’armée a commencé à se révolter et à pencher du côté du peuple. Des jeunes maliens sont partis combattre un peu partout y compris en Libye dans le cadre de la dislocation programmée de ce pays. Toutes les conditions étaient donc en place pour précipiter l’implosion actuelle, avec en plus un autre facteur important.

Le Mali, comme bien d’autres pays africains, est présentement le site d’une guerre non-déclarée entre les diverses puissances. Les États-Unis (et son larbin le Canada) cherchent à déplacer les Français. Tant les Américains que les Français sont anxieux devant la montée en influence de la Chine. Les enjeux sont importants, liés aux immenses dépôts énergétiques et miniers qui se trouvent au Mali, liés également à une dynamique régionale qui risque de s’embraser.

Articles récents de la revue

L’intelligence artificielle et les algorithmes : au cœur d’une reconfiguration des...

Dans cet article, nous explorons certaines reconfigurations de l’économie politique des relations internationales dans la foulée de l’avènement de nouveaux modes d’exploitation et d’expropriation...