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Syndicalisme ou rendement financier

Quelques semaines à peine après le scandale de son voyage en bateau avec l’homme d’affaires Tony Accurso, personnage qui, rappelons-le, bénéficie d’importants investissements du Fonds de Solidarité, le président de la FTQ Michel Arsenault refait les manchettes en annonçant le soutien financier du FSTQ à Pierre Karl Péladeau en tant que partenaire pour l’achat du Canadien de Montréal.

Même si la FTQ avait annoncé son intention d’être partenaire dans l’achat du Canadien peu importe l’acheteur, on comprend mal qu’elle n’ait pas suivi un minimum de principes syndicaux en excluant Péladeau pour son comportement anti-syndical.

On ne parle pas ici de sauver des emplois, non, on parle carrément d’investir pour augmenter le rendement du Fonds, qui a été malmené ces derniers temps comme la plupart des fonds d’investissement. On place notre argent pour assurer un bon rendement à nos actionnaires.

Mais de quelle sorte de syndicalisme est-on entrain de parler ? Quand on entend Michel Arsenault dire qu’il faut créer de la richesse on a l’impression de relire l’insipide livret d’Alain Dubuc. Mais créer de la richesse pour qui ? Avec le dernier conflit du Journal de Montréal, les entreprises de Pierre Karl Péladeau en sont rendues à leur 14e lock-out en 14 ans. Il a mis à la rue pendant plus d’un an les employées et employés de Vidéotron et du Journal de Québec précisément parce qu’il veut négocier à la baisse, augmenter la mobilité, réduire les salaires et avantages. Et il a pris tous les moyens légaux et illégaux pour y parvenir. Denis Bolduc, président du syndicat des journalistes du Journal de Québec (FTQ) est actuellement en cour pour défendre le jugement qui établissait en 2008 que Le Journal de Québec avait utilisé des scabs durant le conflit et que Québécor conteste. En plus, la direction du journal veut rouvrir la convention collective pour baisser le plancher d’emplois. On parle ici de plusieurs mises à pied imminentes.

Le récent règlement de la convention collective entre le SCFP(FTQ) et Vidéotron ne peut pas être pris en compte sérieusement comme une preuve de bonne foi de Péladeau, pas plus qu’il ne peut révéler l’habileté du président de la FTQ dans ce dossier. D’une part, Péladeau pouvait difficilement se permettre une bataille sur deux fronts et d’autre part les syndiqués, malgré leur combativité, ne désiraient probablement pas se retrouver encore en lock-out pour une autre année. Ces éléments ont surement milité en faveur d’un règlement. La décision de s’allier à un investissement avec Québécor est injustifiable et constitue un geste indécent envers tes travailleurs et travailleuses du Journal de Montréal et son comportement est irresponsable comme dirigeant de la plus grosse centrale syndicale au Québec. Au moment où il devrait travailler à une campagne de valorisation du syndicalisme de résistance à la crise économique, comme l’évoque entre autres le protocole convenu entre la CSN et la FTQ pour le secteur public, Michel Arsenault fait le choix de privilégier les rendements du Fonds de Solidarité au lieu d’appuyer les syndiqués de la CSN en conflit. Comment pourrons-nous maintenant reprocher aux patrons qui coupent des emplois pour rationaliser leur entreprise ou qui déménagent leur production dans des endroits où les salaires sont plus bas, de ne pas penser de façon humaine et solidaire ? Il y a fort à parier en tout cas que le gouvernement québécois saura retenir la leçon au moment des négociations.

Cette décision pose également toute la question de qui dirige, et selon quels principes, la FTQ ou le Fonds ? Fait inusité, la semaine dernière ce n’est pas le président de la FTQ qui a fait la tournée de ses militants et militantes, non c’est le PDG du Fonds de Solidarité, Yvon Bolduc qui a défendu la position d’investissement avec Québécor dans les médias mais également auprès des Responsables Locaux du Fonds qui sont aussi des militants et dirigeants syndicaux. Pendant ce temps, Michel Arsenault annulait la réunion du Bureau de la FTQ qui devait avoir lieu le 15 juin. La stratégie d’investissement de la FTQ via son Fonds de solidarité vient bel et bien de prendre, avec cette décision, le dessus sur les luttes syndicales. Le danger d’être des syndicalistes investisseurs, c’est d’intégrer la logique d’entreprises et c’est ce que la FTQ est en train de faire. Que ce soit finalement la compagnie Molson qui achète le Canadien, ne change rien. Le mal est fait et la FTQ a démontré publiquement son indifférence à la solidarité syndicale.

Il y a quelques mois le Conseil régional FTQ Montréal métropolitain invitait le président du Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal (CSN) Raynald Leblanc à venir expliquer l’enjeu de leur conflit. De façon enthousiaste l’assemblée avait alors voté une résolution d’appui à ces syndiqués qui mènent le même combat que ceux de la FTQ ont mené quelques mois auparavant. Heureusement que sur le terrain la solidarité s’exprime toujours. Le CRFTQMM sera aux côtés des travailleurs et travailleuses du Journal de Montréal et continuera de les soutenir.

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