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Sortir de la logique infernale du néolibéralisme et de l’austérité

«Sur tous les continents de la planète, la crise des dettes souveraines est instrumentalisée par les élites financières et les gouvernements néolibéraux pour imposer l’austérité. Le projet politique des classes dominantes est de faire payer le coût de la crise aux travailleurs en réduisant leurs revenus et en s’attaquant à leurs conquêtes sociales.»

Dominique Plihon

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La crise qui sévit en Europe et dans d’autres pays avancés depuis 2007 est la conséquence directe des politiques néolibérales mises en oeuvre à partir des années 1980. Il s’agit d’une crise structurelle de grande ampleur, comparable aux grandes crises passées du capitalisme en 1873 et 1929, qui prennent leurs racines dans les contradictions internes de ce système économique.  Cette crise se caractérise par son caractère pluridimensionnel : financier, social, politique.  C’est en premier lieu l’échec de la finance libéralisée qui démontre que les marchés sont incapables de s’autoréguler, et  qu’ils ont besoin d’être étroitement régulés. Cette crise a également des racines sociales.  En modifiant le partage des richesses au détriment des classes moyennes, au profit des rentiers, par une libéralisation du marché du travail destinée à mettre en concurrence les travailleurs à l’échelle de la planète, ces politiques ont conduit à la montée de l’endettement des ménages paupérisés. Il en est résulté une crise de la dette privée qui s’est propagée des Etats-Unis vers la plupart des pays avancés à partir de 2007, ce qui a constitué la première phase de la crise. Les gouvernements de ces pays ont dû intervenir pour socialiser les pertes des banques  mises en difficulté par le surendettement des ménages. Il en est résulté une hausse brutale des dettes publiques, suscitant les attaques spéculatives contre les pays les plus endettés comme la Grèce, l’Irlande ou l’Espagne.  C’est la phase 2 de la crise.

Les politiques néolibérales ont contribué à la montée de la dette publique par deux autres canaux. En premier lieu, la baisse de la fiscalité sur les entreprises et les ménages les plus favorisés, supposée favorable à la croissance, a réduit les recettes publiques. Ce n’est donc pas l’excès des dépenses publiques et sociales qui  a été la cause structurelle de la montée des dettes publiques mais les cadeaux fiscaux consentis aux plus nantis. En second lieu, les politiques de libéralisation financière ont donné toute liberté aux spéculateurs pour attaquer les pays les plus fragiles et mettre ceux-ci en difficulté en exigeant des taux d’intérêt exorbitants.

C’est en Europe, plus particulièrement dans la zone euro, que la crise est aujourd’hui la plus profonde. Nous sommes  dans la phase 3 de la crise qui menace l’avenir de la construction européenne. La zone euro est coupée en deux : profitant de leur avantage compétitif, les pays mercantilistes les plus riches du Nord (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) exportent leur chômage vers les PIGS  du Sud (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) en accumulant des excédents commerciaux croissants sur ces derniers. Les déséquilibres ne cessent de s’accroître au sein de la zone euro. La responsabilité des politiques néolibérales est là-aussi écrasante ! Les gouvernants ont donné la priorité aux ajustements par les marchés. Résultat : la zone euro souffre d’un manque de solidarité et de l’insuffisance de politiques communes pour faire face à la crise. Contrairement aux Etats fédéraux existants, l’Union européenne n’a pas de fiscalité commune, et le budget européen est volontairement limité à 1% du PIB. La mutualisation des dettes publiques est impossible ; il n’y a aucune politique d’investissements publics communautaires, alors que la transition écologique rend ceux-ci nécessaires. La Banque centrale européenne (BCE) se refuse à acheter directement la dette publique des Etats en difficulté, en vertu du principe néolibéral du « no bail out ».

 

Sur tous les continents de la planète, la crise des dettes souveraines est instrumentalisée par les élites financières et les gouvernements néolibéraux pour imposer l’austérité. Le projet politique des classes dominantes est de faire payer le coût de la crise aux travailleurs en réduisant leurs revenus et en s’attaquant à leurs conquêtes sociales. Les PIGS européens, les plus touchés par la crise, se voient imposer – au mépris de leur souveraineté – des plans d’ajustement structurels par une troïka composée de la Commission européenne, la BCE et le FMI. Ces plans ont échoué car ils ont aggravé la situation économique et sociale de ces pays.

Seules des réformes radicales permettront de sortir de la crise et de la logique infernale du néolibéralisme. Quatre voies de rupture doivent être envisagées :

  • Modifier la répartition des richesses par un nouveau partage des revenus permettant de revaloriser le travail et de réduire la part des profits
  • Désarmer les marchés afin de réduire le pouvoir de la finance, en interdisant les paradis fiscaux et les instruments spéculatifs, et en instaurant un contrôle social sur le système bancaire
  • Restructurer les dettes publiques en annulant les dettes illégitimes et en mettant fin aux taux d’intérêt exorbitants imposés par les marchés
  • Réformer la fiscalité pour rendre celle-ci plus redistributive, comme cela avait été fait par les gouvernements progressistes à la suite de la crise de 1929. Dans l’espace européen, il s’agit de refonder les politiques économiques – monétaire, budgétaire et fiscale – dans le cadre d’un fédéralisme sous contrôle démocratique.

Ces transformations radicales ne seront possibles que sous  la pression des mouvements sociaux à tous les niveaux (régional, national, international). Les expériences récentes de luttes victorieuses en Europe (Islande) et sur le continent américain (Argentine) montrent les voies d’une reconquête du pouvoir par les citoyens.

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