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Du socialisme à l’écosocialisme

Depuis les quarante dernières années, un consensus social quant à l’urgence d’agir pour freiner la détérioration de l’environnement s’est progressivement imposé. La pierre angulaire de cette action est sans contredit la remise en question profonde des systèmes économiques fondés sur une logique consumériste et de croissance sans fin, qui assujettissent  les écosystèmes à leurs exigences sans tenir compte de leurs limites. Cette remise en question ne date pas d’hier et se poursuit toujours.

Déjà en 1972, dans son rapport Halte à la croissance, le Club de Rome amorçait une réflexion allant dans ce sens, initiant une prise de conscience quant aux conséquences délétères du développement industriel ainsi qu’à une inévitable pénurie des sources énergétiques. Toujours en 1972, le premier Sommet de la terre se tenait à Stockholm et donnait naissance au Programme des Nations Unies pour l’environnement. En 1987, la notion de développement durable se répandait à la suite de la publication du Rapport Brundtland, intitulé Notre avenir à tous. Ce rapport de la Commission  mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies définit cette notion, entre autres,  comme étant «un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.» En fait, depuis, au plan international, Sommets et Commissions se multiplient, illustrant tous la même chose : il y a péril en la demeure, ce péril ne cesse de croître, sa principale cause demeure toujours la même et il y a urgence de mettre en place les moyens nécessaires pour renverser la vapeur.

Dans ce contexte et compte tenu de son rôle social, on peut reprocher au mouvement syndical de s’être engagé assez tardivement sur les questions environnementales et souvent sur la pointe des pieds, en invoquant que le développement de l’emploi et la protection de l’environnement sont incompatibles. Pourtant, les syndicats ont un rôle fondamental à jouer en cette matière et, heureusement, ils le font de plus en plus.  D’abord, au plan strict de la préservation des emplois, certains secteurs de l’économie québécoise sont eux-mêmes victimes de la façon dont les ressources naturelles ont été et continuent d’être exploitées, comme celui de l’industrie forestière. Aujourd’hui, dans ce secteur, des travailleuses et des travailleurs sont à l’origine d’expériences prometteuses tant en termes de développement économique régional que de protection de l’environnement. Dans les milieux de travail, les salarié-e-s sont aux premières loges pour identifier quels moyens l’entreprise qui les emploie peut mettre de l’avant pour améliorer son bilan environnemental. Ainsi, c’est grâce à l’action syndicale que certaines usines ont rectifié le tir quant à leurs émissions polluantes.

Mais il y a plus. S’il veut jouer convenablement son rôle d’agent de transformation sociale, et compte tenu des enjeux économiques et politiques, le mouvement syndical n’a d’autre choix que d’embrasser pleinement la lutte pour la protection de l’environnement au-delà des relations de travail. Cette lutte s’inscrit en droite ligne dans ce qu’à la CSN, nous appelons le deuxième front, soit l’élargissement de l’action syndicale à l’ensemble des luttes populaires. Que l’on travaille ou non, que l’on soit syndiqué ou pas, nous habitons tous et toutes une planète qui étouffe. D’ailleurs, des travailleurs et des travailleuses sont engagés dans le mouvement écologiste depuis belle lurette.  Certains font d’ailleurs pression sur leurs syndicats pour qu’ils emboîtent le pas.

S’il est fondamental, le rôle du mouvement syndical face aux enjeux environnementaux n’est pas toujours simple, comme en témoigne, par exemple, le récent changement de position de la CSN dans le dossier de l’amiante. Si la centrale syndicale a reçu l’appui de groupes environnementaux comme Greenpeace, elle a essuyé des critiques provenant non seulement de chambres de commerces, mais aussi d’autres organisations syndicales. L’engagement du mouvement syndical envers la protection de l’environnement exige de poser des gestes difficiles puisque certains de ceux-ci questionnent la logique même sur laquelle repose le système qui structure l’économie du monde occidental.  Mais le rôle social du mouvement syndical offre la possibilité de développer et de promouvoir sur la place publique, une réflexion collective critique et indépendante, à l’intérieur de ses structures bien sûr, mais aussi en alliances avec les autres composantes de la société civile. Les présents enjeux écologiques nous imposent un rendez-vous avec l’histoire que nous ne devons pas manquer.

Dominique Daigneault, secrétaire général du CCMM (CSN)

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