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Sept questions clés sur le réchauffement climatique

Le réchauffement climatique s’est-il arrêté en 1998 ?

Tout s’est arrêté d’un coup en 1998. Depuis, les températures ont cessé de croître ; le réchauffement appartient au passé. Bien que fausses, ces affirmations qui circulent intensément sur le Net reposent sur un calcul de tendance bien réel. Entre 1998 et 2008, la croissance moyenne de la température globale terrestre n’a crû que de 0,02 oC à en croire les données du Hadley Centre et de l’université d’East Anglia (Royaume-Uni). Soit presque rien.

Selon le climatologue Stefan Rahmstorf (université de Potsdam, Allemagne), cette présentation est biaisée. Elle intègre en effet, dans la même série, deux années singulières : 1998 et 2008. La première a été marquée par le plus puissant El Niño jamais mesuré. Ce phénomène de réchauffement du Pacifique, qui survient tous les trois à sept ans, est responsable d’une brusque hausse des températures, qui s’ajoute à celle liée aux activités de l’homme. En outre, en 2008, on a observé le phénomène inverse, dit La Niña. Commencée par une année surchauffée par El Niño et achevée sur une année refroidie par son mécanisme antagoniste, la période 1998-2008 présente donc une croissance faible, mais statistiquement biaisée, de la température moyenne globale.

En outre, précise M. Rahmstorf, la température moyenne terrestre calculée par l’Hadley Centre et l’université d’East Anglia « n’intègre pas l’Arctique, où s’est produit le plus fort réchauffement ces dix dernières années ». De fait, rappelle Hervé Le Treut, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, « la température moyenne globale n’est qu’un indicateur du réchauffement comme un autre : on peut aussi rappeler que les trois dernières années ont vu les plus fortes réductions estivales de la banquise arctique » jamais mesurées.

Pour autant, un intense débat est en cours au sein du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) sur une possible pause du réchauffement au cours de la prochaine décennie, temporairement « masqué » par les phases froides de cycles naturels de l’Atlantique (Atlantic Multidecadal Oscillation) et du Pacifique (Pacific Decadal Oscillation).

En septembre, au cours d’une réunion de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le climatologue Mojib Latif, qui dirige une équipe réputée à l’université de Kiel (Allemagne), a ainsi déclaré « qu’il est possible que nous entrions dans une décennie, peut-être deux, dans laquelle les températures diminueront par rapport à aujourd’hui ». Ce qui, a-t-il ajouté en substance, ne serait pas la « fin » du changement climatique, mais seulement l’occultation, temporaire, de l’un de ses multiples effets…

Les scientifiques ne prédisaient-ils pas un refroidissement dans les années 1970 ?

Généralement illustrée par la couverture du magazine Time du 31 janvier 1977, barrée par ce titre : « The Big Freeze » (« Le grand coup de froid »), cette question est à l’origine d’une des plus tenaces légendes sur la science climatique.

John Fleck, journaliste scientifique à l’Albuquerque Journal et deux chercheurs, Thomas Peterson (National Climatic Data Center) et William Connolley (British Antarctic Survey) y sont allés voir de plus près. En fouillant dans les archives de la presse grand public d’abord. Puis en analysant les bases de données de la littérature scientifique publiée dans les années 1970, afin d’évaluer objectivement les idées qui s’imposaient alors dans la communauté scientifique sur l’avenir climatique de la planète.

Les résultats de leurs travaux, publiés en septembre 2008 dans Bulletin of the American Meteorological Society, sont éloquents. Sur 71 études sur le climat publiées entre 1965 et 1979, seules 7 anticipent une baisse des températures. La grande majorité d’entre elles, plus d’une quarantaine, prédisaient sans surprise, s’appuyant sur des principes physiques connus depuis plus d’un siècle, que les températures augmenteraient sous l’effet des rejets de gaz carbonique… Quant à la vingtaine d’études restantes, elles ne traitent pas la question sous l’angle d’une discrimination entre réchauffement et refroidissement climatiques.

Les températures augmentent, mais le Groenland n’était-il pas verdoyant en l’an mil ?

Pendant la période dite de l’optimum médiéval (entre 900 et 1 400 environ), marquée par des températures clémentes sur l’Europe, les Vikings sont parvenus à coloniser le Groenland – mot qui signifie « Pays vert ». Il n’en faut pas plus à certains pour avancer l’idée d’un Groenland aux paysages jadis verdoyants, image très éloignée de cette terre, qu’on se figure volontiers ensevelie sous une épaisse calotte de glace… L’idée est donc simple : si cette région s’est tant refroidie au cours du dernier millénaire, il faut alors relativiser l’ampleur du réchauffement actuel.

La réalité est très différente. D’une part, les deux principales colonies vikings installées sur la côte n’ont jamais totalisé que 3 000 à 5 000 individus environ. L’image d’un Groenland hospitalier et densément peuplé est donc fausse. Quant à l’étymologie, il suffit pour l’expliquer de revenir à la source. En particulier à la Saga d’Erik Le Rouge, le fondateur de la première colonie viking au Groenland, en 986. Que dit ce texte, daté des alentours du XIIIe siècle ? Qu’« Erik partit pour coloniser le pays qu’il avait découvert et qu’il appelait le »Pays vert« , parce que, disait-il, les gens auraient grande envie de venir dans un pays qui avait un si beau nom ».

Le Groenland ne fut donc pas « vert » il y a mille ans. Pas plus, d’ailleurs, qu’il n’est aujourd’hui « blanc ». « Contrairement à une opinion très répandue, le Groenland est loin d’être entièrement recouvert par les glaces, explique la climatologue Valérie Masson-Delmotte (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, CEA). Sur une bande de 20 km environ, au sud et à l’ouest, on trouve une végétation de type toundra, avec des buissons, des arbustes, etc. » Aucun des sites archéologiques vikings du Groenland n’est donc aujourd’hui enseveli sous les glaces…

Pour autant, les températures étaient-elles plus ou moins douces qu’actuellement ? L’analyse du pollen piégé dans des sédiments lacustres prélevés sur place montre que l’environnement végétal est « plus ou moins le même aujourd’hui qu’il y a mille ans », selon la palynologue Emilie Gauthier et le géologue Vincent Bichet (CNRS, université de Franche-Comté). Du coup, ajoutent-ils, « les conditions climatiques actuelles au Groenland ne sont pas très différentes de celles de l’optimum médiéval ».

Sur le reste de l’Europe, les changements actuels ne s’apparentent-ils pas à un simple retour à l’optimum médiéval ? A cette question, posée par la revue Regards croisés sur l’économie (Ed. La Découverte), le célèbre historien du climat Emmanuel Le Roy Ladurie répond par la négative, estimant que « le réchauffement actuel va bien au-delà ».

Les climatologues sont-ils trop pessimistes ?

Les scientifiques associés au processus du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) sont régulièrement suspectés d’assombrir leurs prévisions et leur diagnostics. Quelques faits mettent à mal cette idée très répandue.

Par exemple, le GIEC a imaginé plusieurs scénarios de développement économique, des plus sobres en carbone aux plus gourmands. Pour chacun de ces scénarios, le GIEC dresse une courbe de prévision des émissions jusqu’en 2100. Avec désormais près d’une décennie de recul depuis la publication de ces scénarios, dans un rapport spécial de 2000, on constate que la réalité des émissions mondiales au cours des dernières années se situe légèrement au-delà du scénario le plus pessimiste imaginé par le GIEC (scénario dit A1FI).

De même, dans sa dernière estimation de l’élévation du niveau des mers à l’horizon 2100 (entre 18 et 59 cm), publiée en février 2007. Le GIEC ignore volontairement un phénomène découvert au milieu des années 2000 : l’effondrement des calottes glaciaires. Celles-ci, en effet, ne se réduisent pas uniquement en fondant : elles « glissent » et se déversent dans la mer. Les observations de cette dynamique des inlandsis du Groenland et de l’Antarctique étaient jugées trop récentes et trop lacunaires au moment de la rédaction du rapport : les experts ont décidé de ne pas en tenir compte.

Or aujourd’hui, les observations satellites montrent que cette dynamique des calottes s’accélère : elle représente environ 500 milliards de tonnes de glace qui sont précipitées, chaque année, dans les océans. Le débat reste vif sur la manière dont va évoluer ce phénomène dans l’avenir. Mais un consensus se dégage dans la communauté scientifique pour admettre que les dernières estimations du GIEC sur l’élévation des océans étaient bien trop optimistes…

Autre exemple d’une prévision trop favorable des experts : la rapidité de la réduction de la banquise estivale arctique. La plupart des modèles numériques qui simulent le comportement de la glace de mer sous l’effet du réchauffement anticipent une disparition totale de la banquise arctique en été vers la fin du siècle. Or si elle se poursuit, la tendance actuelle verrait une disparition complète de la banquise arctique d’ici une trentaine d’années seulement.

Les variations de l’activité du Soleil, responsables de l’évolution récente des températures ?

De nombreux travaux ont été proposés pour expliquer le réchauffement actuel par les variations de l’activité du Soleil. La publication la plus célèbre en ce sens date de 1991, dans la revue Science par Eigil Friis Christensen et Knud Lassen. Elle mettait en évidence une corrélation étroite entre le nombre de taches solaires et les variations de températures moyennes de la Terre ; elle était en définitive biaisée et a été réfutée dans les règles. A la fin des années 1990, un autre chercheur, Henrik Svensmark, a cru observer un lien entre couverture nuageuse et intensité du flux des rayonnements cosmiques – un autre indicateur de l’activité solaire. Là encore, plusieurs recherches ont mis au jour des biais qui, jusqu’à preuve du contraire, invalident ces travaux.

Le Soleil oscille selon un cycle relativement régulier de onze ans. Il est depuis mi-2007 à un minimum profond de son activité : il n’a jamais été aussi calme depuis les années 1910 ! Pourtant, selon le National Climatic Data Center (NCDC) américain, les dix premiers mois de l’année 2009 sont, à période équivalente, les cinquièmes plus chauds jamais enregistrés…

N’est-ce pas plutôt l’élévation des températures qui fait monter le taux atmosphérique de CO2 ?

Au cours des derniers 800 000 ans au moins, le climat terrestre a oscillé – sur des échelles de temps de l’ordre de la dizaine de milliers d’années – entre âges glaciaires et périodes interglaciaires, analogues à la période actuelle. Les glaces de l’Antarctique ont conservé la mémoire de ces grandes variations climatiques. Or, explique le glaciologue Jérôme Chappellaz (Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement), « les données de la glace suggèrent que l’augmentation du CO2débute quelques siècles après le début du réchauffement observé en Antarctique à la fin de la dernière glaciation ». « La meilleure estimation actuelle situe ce retard autour de 400 ans, mais il y a encore une incertitude forte sur cette valeur », précise M. Chappellaz.

A première vue, ce serait donc l’élévation des températures qui provoquerait l’augmentation de la teneur atmosphérique de CO2. Pour comprendre cet apparent paradoxe, il faut savoir que les grandes et lentes oscillations climatiques du million d’années écoulées sont dues à des variations cycliques de l’orbite de la Terre et de son inclinaison sur son plan de rotation. Au cours d’un âge glaciaire, lorsque ces paramètres (découverts par Milutin Milankovitch) sont dans une certaine configuration, les températures augmentent d’abord légèrement, entraînant une fonte des calottes glaciaires, d’où une modification des courants marins. Et c’est précisément cette réorganisation de la circulation océanique qui provoque l’émission de CO2. L’augmentation de l’effet de serre entraîne à son tour les températures à la hausse, qui accentue les émissions de CO2.

En outre, dans la situation actuelle, l’argument n’a pas de sens. « Si c’est en effet l’augmentation des températures actuelles qui provoque l’augmentation de gaz carbonique dans l’atmosphère, alors, nous avons un gros problème de bilan, ironise le climatologue Edouard Bard (Collège de France). Parce que, du coup, cela voudrait dire que les 10 milliards de tonnes émises chaque année par l’homme disparaissent par magie ! » L’analyse des isotopes du carbone excédentaire dans l’atmosphère montre qu’il s’agit de carbone principalement issu des ressources fossiles. Enfin, à la fin des années 1990, une très légère diminution de l’oxygène présent dans l’atmosphère a été mise en évidence, validant une bonne fois pour toutes que l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère était bel et bien due à un processus de combustion consommateur d’oxygène.

Peut-on prédire le climat quand on ne sait pas prévoir la météo au-delà de quelques jours ?

La météorologie s’intéresse à des phénomènes chaotiques, dont l’évolution au-delà de quelques jours est par essence imprévisible. Elle tente de décrire l’évolution du temps à partir d’une connaissance fine des conditions atmosphériques en cours, que les modèles numériques prolongent. La climatologie est une science statistique. Elle s’appuie sur les bases de données de la météorologie et se nourrit des moyennes des mesures physiques, dans l’espace et dans le temps. Mais elle se nourrit d’autres disciplines, comme la glaciologie, l’océanographie, l’astronomie, pour reconstituer les climats du passé et tester ses modèles numériques. Ceux-ci peuvent ensuite simuler l’avenir, en fonction de la variation de la concentration des gaz à effet de serre. Pour prendre une image, la trajectoire de chacun des jets d’un pommeau de douche est difficile à prévoir (météo), mais on peut prédire quand la baignoire débordera (climatologie).

Stéphane Foucart


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