Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que la régulation juridique internationale et le droit international construit après la deuxième guerre mondiale subissent une dégradation généralisée entraînant des répercussions directes sur les règles consacrées par la Charte des Nations Unies, sur le régime juridique international et sur le droit interne des États, et en conséquence, sur le droit des peuples à disposer d’eux mêmes et plus encore sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels et environnementaux.
Les différentes règles de droit international, garantissant le droit des peuples, entre autres l’interdiction de l’utilisation de mesures économiques pour contraindre un État à subordonner l’exercice de ses droits, se trouvent remises en cause, dont celle du droit inaliénable de tout peuple de choisir son propre système politique économique, social et culturel qui est aujourd’hui soumis aux orientations des institutions financières internationales et des systèmes financiers qui contraignent certains pays à des programmes d’ajustement structurel et à ce qui est appelé « bonne gouvernance, transparence, à la démocratie mondiale, et à lutte contre le terrorisme… ».
Dès lors, demander que soit appliqué et respecté un droit, par exemple le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est mener un combat politique ayant pour base les instruments juridiques et la revendication de la reconnaissance, de l’applicabilité et de l’effectivité de ces droits .
N’oublions pas que « Nous, peuples des Nations » dans la Charte des Nations Unies avons demandé à ce que soient instaurés d’autres rapports de force en décidant d’associer nos efforts et en prenant comme intermédiaire pour la réalisation des buts et principes nos gouvernements respectifs.
Il s’agissait pour « Nous, Peuples des Nations » d’établir des relations internationales d’une autre nature basée essentiellement sur la volonté de « proclamer la foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits ». Cette intention s’est traduite, dès 1966, par l’adoption simultanée de 2 Pactes relatifs, l’un aux droits civils et politiques, l’autre aux droits économiques sociaux et culturels.
Ces deux Pactes ont un article commun qui aurait dû engager la nature et la forme des relations internationales si les gouvernements ou les institutions internationales n’étaient mues par des enjeux de pouvoir, de domination et de profit. Non seulement de par cet article commun, les peuples peuvent disposer librement d’eux-mêmes, déterminer leur statut politique et assurer leur développement économique, social et culturel mais de plus, ils peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans être privés de leurs propres moyens de subsistance .
Le droit à l’autodétermination est une règle de droit international largement reconnu et consacré par la Charte des Nations Unies et proclamé par l’ONU comme étant le droit de tout peuple à se soustraire à la domination coloniale .
En définitive, ce droit est avant tout la garantie d’une société pluraliste et démocratique, selon la formulation contenue dans la revendication en faveur d’un nouvel ordre économique international de 1974 .
Disposer de ses richesses suppose qu’aucun peuple ne peut être dépouillé de son environnement au profit de qui que ce soit. Il s’agit bien ici de l’affirmation que le droit à l’environnement, et de ce qu’il produit, reste et doit rester aux peuples. Toute autre considération revient à remettre en cause, à la fois, le droit inaliénable qu’ont les peuples à disposer librement d’eux-mêmes et la nature des relations internationales.
Remarque
Le concept même d’environnement est absent de la Charte, tout comme d’ailleurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais peu importe, le droit à la vie y est mentionné et pour qu’il soit effectif cela suppose que les Etats reconnaissent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et leur droit à disposer librement de leurs ressources.
Alors comment peut-on aujourd’hui se réfugier derrière la nature des instruments juridiques pour ne pas respecter ou faire respecter le droit fondamental qu’est le droit à la vie ?
D’aucuns prétextent que les Pactes sont de nature contraignante alors que les déclarations – celle de Rio sur l’environnement ou sur le droit au développement – ou les résolutions – par exemple la Résolution 1803 à propos de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles – ne sont qu’incitatives.
Tous ces instruments, pourtant, insistent sur le principe fondamental que les peuples ont un droit de souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources naturelles , que les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources conformément à leurs propres politiques en matière d’environnement et de développement . Sans parler de la Déclaration de principes –non juridiquement contraignante mais faisant autorité pour un consensus mondial- sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous types de forêts qui une fois encore précise que les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources.
Ce droit ne peut être réalisé sans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et sans les conséquences que ce droit entraîne à l’égard des autres Etats ou des institutions internationales y compris financières.
Prendre le parti de défendre les droits économiques sociaux et culturels en y incluant les droits environnementaux est un combat à mener simultanément sur les terrains juridique et politique, sans jamais privilégier l’un plus que l’autre. Ils sont en interdépendance totale. Pour cette raison, il faut aussi dénoncer toutes les tactiques mises en place aussi bien par les Etats et les institutions internationales que les transnationales et même parfois par certaines ONG pour bouter hors du champ des droits humains les droits environnementaux. C’est d’autant plus un combat primordial qu’aujourd’hui les pays du Nord utilisent le droit à l’environnement comme un instrument de domination empêchant le développement économique et social des peuples du Sud.
En conclusion et compte tenu du contexte imposé au « monde », c’est tout l’arsenal juridique dit « pluraliste » « hétérogène », avec une « tendance à la démocratisation » des rapports internationaux qui se trouve remis en cause. Sur le plan international, un petit groupe d’Etats puissants et d’entreprises transnationales prennent, à huit clos, des décisions qui déterminent la vie et les conditions de vie des peuples. La question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tel que comprise et entendue par l’article 1 des deux Pactes internationaux est donc bien plus qu’une question de dits spécialistes, c’est une question posée aux peuples sur la façon dont ils s’emparent de cette question et plus généralement de leurs droits qu’ils revendiquent et des formes que peut prendre cette revendication.
Une idée qui pourrait être présentée lors du sommet de Cochabamba car elle est en cohérence avec l’idée forte de cette mobilisation qui appelle les peuples à résister à leur dépossession de la question du climat et de tout ce qui est sous tendu par cela serait de lancer un appel pour un Bandung des peuples pour les droits car une fois de plus ce sont les peuples qui sont les victimes directes du libéralisme débridé, inhumain et violent. Les droits économiques sociaux et culturels et environnementaux mais aussi les droits civils et politiques chèrement conquis par les non alignés sont depuis de nombreuses années, systématiquement remis en cause par les décisions de nombreux gouvernements qui préfèrent privatiser la santé, l’éducation, le logement, les transports publics mais aussi re questionner, au nom d’une globalisation unilatérale, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour mieux les priver du droit à disposer de leurs ressources naturelles.
Face à ce système qui ne peut plus assurer la garantie et le respect de la dignité humaine et du « vivre ensemble », les peuples doivent faire entendre leurs voix diverses, leur attachement fondamental à leur droit à disposer d’eux-mêmes, leur droit à la paix et à la sécurité internationales.
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