Cette organisation vient d’apparaître au grand jour après quelques années d’incubation. Nous avons demandé à un de ses initiateurs, Benoit Renaud (un militant syndical et politique de l’Outaouais) de nous l’introduire.
NCS : Quelle est la genèse de Révolution écosocialiste (RES)? D’où cela vient? Quel est l’objectif initial? D’où viennent les membres de RES ?
BR : En décembre 2018, un premier groupe de militantes et de militants a lancé une initiative en vue de la fondation d’une nouvelle organisation socialiste (qu’on a longtemps appelée la NOS). Il s’agissait, selon moi, d’une indication de l’impasse à laquelle était arrivée le Réseau écosocialiste, fondé en 2013 pour donner suite à la grande grève étudiante. Le Réseau était progressivement devenu un simple lieu d’échange plutôt qu’une organisation militante. Après l’élan initial, ce processus de regroupement de la gauche anticapitaliste s’était épuisé.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver parmi les membres fondateurs de Révolution écosocialiste plusieurs personnes ayant participé au Réseau (qui va se dissoudre en faveur du nouveau groupe). Mais plusieurs personnes extérieures à ce milieu se sont jointes à la nouvelle démarche. Celle-ci a consisté en une série de discussions sur un ensemble de sujet politiques jugés incontournables comme les oppressions et l’intersectionnalité, les partis politiques et Québec solidaire, le capitalisme et la lutte de classe, l’expérience de diverses organisations socialistes en Amérique du Nord, le colonialisme et les questions nationales dans l’État canadien.
Après une pause au début de 2020, les activités on repris en virtuel à partir d’avril, ce qui a mené à la fondation de Révolution écosocialiste en octobre, avec une base d’unité assez détaillée et des statuts provisoires.
NCS : Expliquez un peu la définition de « écosocialiste ». En quoi l’écosocialisme d’aujourd’hui est différent du socialisme d’hier ?
BR : L’écosocialisme se veut à la fois un rejet du capitalisme de marché et du productivisme encadré par l’État, tel qu’on a pu le voir dans le défunt Bloc de l’Est. La question de savoir si le modèle économique associé au « socialisme réellement existant » constituait une forme pervertie de socialisme ou un type spécifique de capitalisme pourrait mener à un débat intéressant. Mais l’essentiel, dans le contexte de notre siècle, est de mettre de l’avant la nécessité de rompre avec le capitalisme pour adopter des pratiques économiques compatibles avec la préservation des équilibres naturels et répondre rationnellement à la crise climatique.
Les mobilisations de masse des dernières années sur le climat et l’émergence de groupes plus radicaux au sein de ce mouvement (comme Extinction rébellion) nous indiquent que l’avenir de la lutte pour le socialisme passe probablement en bonne partie par une maturation politique du mouvement écologiste.
NCS : Qu’est-ce qui distingue RES des autres groupes de gauche au Québec ?
BR : La base d’unité développe plusieurs thèmes importants pour la définition d’un profil stratégique. Nous nous reconnaissons dans l’approche du socialisme par la base, axée sur la mobilisation et l’auto-organisation des classes subalternes. Nous adhérons aussi au féminisme intersectionnel et à l’idée que la lutte contre les oppressions constitue une nécessité stratégique contre un ensemble interdépendant de systèmes de domination tels le colonialisme, le capacitisme et l’exclusion sur toute autre base.
Nous croyons que l’action électorale, à travers Québec solidaire, est incontournable, mais nettement insuffisante pour opérer les changements souhaités. Par conséquent, le travail électoral et parlementaire devrait être subordonné au développement des luttes sociales. Nous avons aussi conclu que la perspective indépendantiste est indispensable pour les socialistes du Québec dans le contexte de l’État canadien, et ce, en solidarité avec les luttes des Premiers peuples pour leur autodétermination et dans une perspective rigoureusement inclusive, antiraciste et de solidarité internationale.
NCS : Vous vous présentez comme un « courant de gauche » dans QS ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que vous espérez faire dans QS ?
À terme, pour en finir avec le capitalisme et jeter les bases d’une nouvelle société, nous aurons besoin d’un parti écosocialiste de masse. Est-ce que Québec solidaire peut devenir un tel parti? Nous avons des avis partagés sur la solidité des obstacles sur le chemin d’une telle transformation. Mais nous nous sommes entendus pour tenter d’y arriver.
Il s’agit d’intervenir dans QS à trois niveaux. D’abord, encourager le parti à développer son enracinement dans les mouvements et les luttes sociales, le fameux parti de la rue. Ce qui devrait aller au-delà d’appuyer telle ou telle lutte et mener à un engagement collectif des membres dans les débats stratégiques qui traversent les mouvements. Par exemple, un retour au syndicalisme de combat sera nécessaire pour confronter la résistance des structures de pouvoir capitalistes à notre programme.
Le deuxième aspect est celui de la démocratie dans le parti. Nous avons besoin d’un parti qui fonctionne à partir de structures horizontales, inclusives et participatives. Les succès électoraux et la croissance de QS mènent fatalement à la constitution d’une couche de spécialistes de la politique. Le danger est que cette minorité bien placée en vienne à se substituer à la base militante ou à se voir comme le leadership du parti. C’est le phénomène bien connu de la bureaucratisation qui a miné tant de partis de gauche à travers l’histoire.
Finalement, nous devons aussi, bien entendu, chercher à obtenir des clarifications programmatiques allant dans le sens d’une rupture avec le système. Mais sans les développements souhaités sur le plan de l’enracinement social et de la démocratie interne, l’adoption de belles résolutions radicales serait une victoire à la Pyrrhus. Nous ne sommes pas des « résolutionnaires ». Révolution écosocialiste se veut une organisation orientée vers l’action en vue de construire les mouvements qui vont nous permettre de sortir de l’impasse civilisationnelle actuelle.