Le site Web de nos amis de Presse toi à gauche ! a publié une lettre de Richard Fidler adressée à André Frappier au sujet de son article Le Québec et la question du NPD, mais également en lien avec les réflexions de Pierre Beaudet et François Cyr : Le NPD et la question québécoise : continuités et ruptures.
En publiant cette réponse, l’auteur souhaite poursuivre un débat concernant les perspectives des progressistes du Québec et du Reste du Canada au niveau fédéral. [NDLR]
Bonjour Richard,
J’ai lu avec intérêt ta réponse à mon article. Je crois qu’il y a deux aspects importants à souligner. Le rôle de la lutte de libération nationale au Québec et les perspectives progressistes dans l’État canadien. Dans ta lettre tu retiens avec justesse l’importance de la question nationale, et tu expliques les faiblesses du mouvement progressiste dans le ROC à cet égard. Tu rejettes également le Bloc québécois et le NPD sur la base de leur programme mais tu ne sembles malheureusement pas entrevoir de perspectives. C’est sur ces questions que j’aimerais m’attarder.
Je suis parfaitement d’accord avec le fait qu’historiquement la montée des luttes au Québec a eu un impact sur le niveau de lutte dans le ROC et sur la compréhension du rôle de la lutte de libération nationale au Québec. Je crois en effet qu’il y a un rapport dynamique entre les luttes du mouvement ouvrier et populaire au Canada et au Québec. Les progressistes au Québec doivent avoir comme priorité la construction de Québec Solidaire et son implication dans les luttes sociales pour en faire un véritable parti des urnes et de la rue. En même temps la lutte de libération nationale et pour l’émancipation sociale au Québec possède un caractère explosif. Elle ne peut que remettre en question l’État canadien comme fondement d’un système d’oppression et d’exploitation. La lutte pour l’indépendance du Québec, pour être victorieuse, ne pourra se réaliser sans une forte mobilisation de la population du Québec et par conséquent devra correspondre à ses aspirations de changement pour une justice sociale.
Objectivement cela remettra également en question les rapports sociaux dans l’ensemble de l’État canadien et nous permettra de redéfinir la société sur de nouvelles bases. Dans ce sens oui, le développement d’une alternative politique progressiste au Québec pourra avoir un effet dynamique.
C’est pour cette raison qu’il est absolument essentiel que les progressistes au Québec posent l’horizon politique en termes de liens avec les progressistes du ROC mais également en termes de développement d’une alternative politique progressiste au niveau fédéral.
Pour des raisons pragmatiques immédiates d’abord, on doit aussi combattre la droite montante au Canada parce qu’elle aura nécessairement des impacts au Québec, les décisions politiques au niveau fédéral ont des implications qui nous concernent tous et toutes, que ce soit la guerre, les coupures à l’assurance-emploi, le resserrement des lois sur la criminalité, les législations antisyndicales et j’en passe.
Mais également pour des questions stratégiques, la lutte pour l’émancipation et pour la justice sociale au Québec ne pourra se faire en vase clos. La situation au niveau international et les répercussions en Amérique du nord et plus particulièrement aux États-Unis ont des impacts directs sur notre propre situation. La question écologique étant la plus évidente.
Nous assistons à un appauvrissement grandissant de la population à l’échelle planétaire. Les entreprises magasinent les pays où ils recevront le plus de subventions et où les salaires seront les plus bas. Elles procèdent à des délocalisations de plus en plus sauvages comme cela a été le cas avec Électrolux. La situation économique aux États-Unis, qui a dépensé des centaines de milliards de dollars dans la Guerre en Iraq et en Afghanistan pour le contrôle stratégique du moyen orient et pour le contrôle des ressources pétrolières, est dans une situation plus que précaire. Je ne ferai pas ici l’analyse du gouvernement Obama qui décide de renflouer les banques, lesquelles avaient procédé à de la spéculation honteuse, mais qui n’investit rien dans le système public. Le fait est qu’une récession généralisée est à la porte des États-Unis et qu’une telle situation ne pourra être sans conséquences pour le Canada et le Québec.
D’autre part, l’establishment canadien a démontré à de nombreuses reprises qu’il n’assisterait pas les bras croisés à un changement social et constitutionnel au Québec. À plus forte raison dans le cas d’une lutte de libération nationale qui remettrait en question les institutions canadiennes et leur primauté envers les droits populaires. La question de la solidarité des progressistes du reste du Canada risque donc de devenir un enjeu important.
Comment alors construire une telle alternative ? Est-ce qu’on peut y arriver à côté du NPD ? Si oui il faut définir comment et avec qui. Je partage ton opinion sur la caractérisation du NPD et je sais que tu connais mieux que moi la situation politique dans le ROC, mais tu conviendras qu’on ne peut laisser ces questions sans réponse. Le NPD est un parti réformiste mais qui s’est construit à partir des organisations syndicales. Les résultats électoraux nous indiquent cependant que la majorité des travailleurs et travailleuses votent pour les conservateurs ou encore les libéraux ,à tout le moins dans le ROC lors du dernier scrutin. Au Québec la situation a été différente, entre autres pour des raisons exprimées dans mon dernier article (Le Québec et la question du NPD). La question pour moi n’est pas d’appuyer le NPD comme une fin en soi, mais de construire un réflexe de classe afin que le mouvement ouvrier et populaire s’approprie le terrain politique. C’est dans ce sens que j’ai parlé de construire le NPD mais j’ai indiqué « jusqu’à preuve du contraire, auquel cas d’autres tâches attendront les progressistes ». Si ma pensée n’était pas bien formulée, alors j’en profite pour faire le point. Pour l’instant le NPD est l’instrument dont nous disposons. Cela n’empêche en rien la construction d’une alliance pan-canadienne sur une base programmatique progressiste voire anticapitaliste et pour la reconnaissance de l’autodétermination du Québec. Cela demeure plus que jamais une tâche essentielle. Mais il faut également s’adresser à l’ensemble de la population ouvrière, chômeuse ou étudiante afin de dire non on ne votera pas Conservateur, non on ne votera pas Libéral.
Je ne t’apprends rien en te disant que la motivation d’un tel appui se trouve dans la volonté d’arracher les suffrages ouvriers et populaires aux partis capitalistes pour les concentrer sur le ou les partis du mouvement ouvrier, même si ces derniers sont réformistes, sociaux-démocrates et bureaucratisés, souvent à l’image du mouvement syndical lui-même. Les travailleurs et travailleuses ne doivent pas apporter un seul vote aux partis des banquiers et des Chambres de commerce, mais uniquement aux partis qui s’appuient sur leurs organisations de classe, et en dépit de leur programme, comme dans ce cas-ci pour le NPD.
André Frappier, 4 octobre 2011