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Québec solidaire, version France

Depuis des mois, la gauche française tourne en rond. Le Front de Gauche, initiative du leader socialiste Jean-Luc Mélenchon et du Parti communiste (PCF) ne cesse de se tirer dans les pattes, ce qui fait mal, considérant qu’il avait obtenu plus de 10 % aux dernières élections nationales. À côté des ex membres du PS et du PCF cependant, le Front de gauche avait attiré une partie importante de la « militance sociale », et aussi des petits partis d’extrême-gauche frustrés de ne pas être en mesure de se sortir de l’isolement. Or voilà que cette mouvance, la « troisième tendance » si on peut dire, décide de se regrouper. Le processus ressemble, sans être identique, à ce qui s’était passé au Québec avec la fusion entre des militants et des militantes venant du mouvement des femmes, de l’altermondialisme, de l’écologisme avec des formations de gauche. Dans l’entrevue qui suit, Christophe Aguiton explique. Les membres et lecteurs des NCS vont se souvenir de Christophe qui est venu participer deux fois à nos travaux en 2011 et 2012. (Pierre Beaudet)

Regards.fr. Comment est née cette idée de processus nommé « Ensemble » ?

Christophe Aguiton. C’est un processus qui a démarré pendant la campagne présidentielle de 2012. La dynamique de celle-ci a attiré des dizaines de milliers de personnes vers le Front de gauche, mais elle a aussi posé deux problèmes politiques, à savoir : comment permettre à ces militants ou simples citoyens de s’intégrer au Front de gauche ? Et par voie de conséquence, quelle devait être la place des composantes constituées dans le Front de gauche ?

Ce débat a porté sur toute une série de choses : comment aller vers des adhésions directes au Front de gauche, quelle place donner aux assemblées citoyennes, aux fronts thématiques, etc. Et il a amené des responsables de plusieurs « petites » composantes du Front de gauche, Convergence et alternatives, Gauche unitaire et la Fédération pour une alternative sociale et écologiste [FASE, ndlr] ainsi que des courants s’intégrant à la campagne électorale comme les Alternatifs et la Gauche anticapitaliste à se réunir avec des militants issus du mouvement social pour réfléchir à ces questions et tenter un rapprochement politique.

Des rencontres ont donc eu lieu durant toute l’année 2012, dans un processus appelé « Tous ensemble », mais sans permettre de faire un réel saut qualitatif. Plusieurs raisons à cela, certains voulaient donner la priorité à l’élargissement du Front de gauche et aux adhésions directes, d’autres voulaient tester des rapprochements possibles avec le Parti de gauche, d’autres enfin voulaient vérifier la solidité des accords politiques avant de se lancer dans un rapprochement.

En parallèle, à la fin 2012, les cinq organisations ont commencé à se réunir entre elles, à élaborer des textes communs et ont publié un bulletin, « Trait d’union ». Finalement les deux processus ont fusionné, ce qui a permis la tenue d’une réunion nationale le 15 juin 2013 qui a décidé de lancer le processus de rapprochement entre ces forces – sauf pour la Gauche unitaire qui s’est divisée en deux, moitié pour et moitié contre. Les 23 et 24 novembre, un nouveau mouvement va donc se créer, pour une étape de transition pendant laquelle les courants constituants continueront à exister.

Quelle est votre identité politique ?

Le mouvement qui va se créer est issu de trois cultures politiques : une partie vient de la LCR ou du NPA, une autre de la culture communiste, avec l’Association des communistes unitaires et une troisième de la culture alternative, très présente à la FASE et bien sûr chez les Alternatifs. Mais ce qui fait la force de ce rapprochement, c’est l’existence d’accords politiques qui ont été vérifiés par la pratique commune de ces différents courants sur de nombreux terrains  : l’internationalisme avec le mouvement altermondialiste, l’écologie avec des luttes comme celle de Notre-Damedes- Landes, le féminisme, la défense et la promotion des pratiques alternatives, le refus de toute hiérarchie et subordination entre forces politiques et le mouvement social, la conviction de la nécessité d’une refonte radicale des pratiques démocratiques, etc.

Quel rôle entendez-vous jouer dans le Front de gauche ? Quelle est votre valeur ajoutée ?

Ce nouveau mouvement peut apporter trois éléments importants pour le Front de gauche. Tout d’abord un élargissement politique grâce à une sensibilité à des questions qui ne sont pas ou peu portées par le PCF et le PG. Deux exemples pour être plus concret. Il s’est tenu à Bayonne, il y a un mois, une initiative très importante pour promouvoir les pratiques alternatives, sociales et écologiques, « Alternatiba » qui a réuni plus de 10 000 personnes, venant du pays basque et au-delà ; le Front de gauche devrait s’impliquer massivement dans ce type d’initiative et le mouvement en gestation peut y aider. Et si l’on regarde les mobilisations internationales les plus récentes, deux d’entre elles, en Turquie et au Brésil, ont porté sur des questions urbaines, une thématique mise en avant par le géographe David Harvey sous le nom de « Droit à la ville » et qui pourrait inspirer le Front de gauche ; là aussi le nouveau mouvement pourrait le faciliter…

C’est ensuite l’insistance dans l’idée que le Front de gauche doit s’élargir politiquement mais aussi socialement, et que cela ne peut se faire par la simple croissance des partis constituant le Front de gauche. Peu parmi les dizaines de milliers de personnes qui se sont investis dans la campagne présidentielle de 2012 rejoindront le PCF, le PG ou notre nouveau mouvement. Il faut donc permettre des adhésions directes, revivifier les assemblées citoyennes, etc. Et, enfin, l’existence d’une troisième composante peut aider à réduire les tensions qui existent dans le Front de gauche. Aujourd’hui, le Front est composé de deux partis importants et de petites composantes qui ne pèsent que très peu. Tout désaccord entre le PCF et le PG se transforme alors en un bras de fer que personne ne peut désarmer. Le simple fait d’être trois composantes importantes devrait permettre de décrisper, et donc de stabiliser, les relations en interne.

 

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