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Quand l’Occident dissimule son colonialisme derrière un évènement sportif…

Samuel METAIRIE

Ça y’est nous y sommes. Quatre ans que le monde retient son souffle. Aujourd’hui, c’est le Grand Soir tant attendu par la majorité de la population de ce globe. Vendredi 11 juin 2010, enfin s’ouvre en Afrique du Sud la plus grosse compétition de football de la planète, où les humains de toutes les nations, du peuple aux élites politiques et économiques, vont pendant un mois de matraquage médiatique aveuglant, pouvoir à cœur joie s’adonner à la satisfaction universelle de leurs pulsions serviles, cyniques et mercantiles. Ah ! Enfin, va-t-on pouvoir oublier les maux de ce monde en emplissant nos cœurs d’un petit fond de bonheur, de solidarité, d’humanisme inter-frontaliers, ou autres qualificatifs tous autant dénué de sens les uns des autres lorsque les adeptes de ce “sport” trouvent à justifier leur lobotomisation télévisuelle malsaine sporadique ou quotidienne. Cette force des institutions à placer devant les yeux du petit peuple d’esclaves modernes, des myriades d’écrans de fumée, de rêve d’argent et de sensationnalisme sportif, que le petit microcosme journalistique spécialisé exacerbe dans la plus profonde illusion pathétique mange avec toujours plus d’appétit dans la gamelle capitaliste, néocolonialiste, dogmatique, arrogante et asservissante.

Mais ainsi va la vie, et tourne le monde. Le monde est injuste, inégal, mais nous légitimons nos actions en justifiant qu’il en va ainsi, que nous n’avons aucun pouvoir sur les choses. Et l’institution du football fait croire à ses admirateurs qu’elle leur donne des gages de bonheur en substitut des substrats de frustrations et de déceptions, confortant la petite société dans l’hypnose collective pour la rendre malléable corvéable à merci. Et d’ailleurs, les gens trouvent normal qu’autant d’argent spéculatif soit en jeu, ils vont même jusqu’à remercier collectivement l’équipe qui gagne pour son honneur, sa bravoure et son courage d’avoir arraché la victoire, alors qu’elle vole et exproprie indirectement l’argent du peuple par l’entremise des fonds spéculatifs.

Bref, ainsi, va-t-on une fois de plus pouvoir laver nos cerveaux d’hommes rationnels en oubliant enfin la crise économique, les profits actionnariaux, le chômage volontairement entretenu, la précarité, la faim du Tiers-Monde, l’exploitation des dominés, les expropriations de terres par les trusts agroalimentaires, la crise écologique, le scandale de la marée noire en Nouvelle-Orléans, la guerre au Moyen-Orient pour le pétrole … la paix, la colonisation génocidaire de la Palestine par le tandem États-Unis/Israël, le camps de concentration de Gaza, les crimes contre l’Humanité de l’armée de Tsahal, les politiques européennes d’expulsion des immigrés issus des pays que l’Occident assassine, affame, exploite et asservit. J’oubliais presque la dictature des marchés financiers, les banques, la crise grecque, l’ouverture de l’Europe aux ajustements structurels et aux plans d’austérité du FMI et l’imposture des caisses de l’État vidées, dans l’impossibilité d’assurer une couverture sociale décente (maladie, retraite, vieillesse) à tout le monde. C’est dingue ce que le football, via les médias, va pouvoir nous remplir le cœur de bonheur…

La Coupe du Monde de la honte du Football, un bataillon du néocolonialisme sportif au service de l’Empire.

Connaissez-vous la Coupe du Monde de Football ? Quelle question ! Trente deux équipes, dont une vingtaine issues de pays occidentaux, vont pouvoir fouler les pelouses de leurs crampons, et servir les bas instincts pulsatifs de milliers d’hommes et de femmes peuplant les stades en jouant aux gladiateurs des temps modernes. Sauf que ces gladiateurs sont devenus des hommes d’affaires intouchables, dont le salaire mensuel (disons honoraires ou dividendes) correspond, dans un pays comme le notre, à plusieurs années de travail d’un salarié français moyen. Juste pour pousser une balle avec ses potes jusqu’à 30 ans, pendant que de plus en plus de français (artisans indépendants, travailleurs précaires, services à la personne, travailleurs du social etc.) vont être obligés de travailler jusqu’à 65-70 ans, car n’ayant presque pas droit aux pensions de retraite (décote trop importante, manque d’annuités, retraites au rabais etc.), pomper pour le restant de leur vie sur leurs économies (s’il en reste) de toute une vie de travail pour subvenir aux besoins primaires. Pire, il paraît même qu’une prime de 390 000 euros, soit près de 25 années de SMIC brut, sera attribuée à chaque joueur de l’équipe de France en cas de victoire finale au tournoi. Près de neuf millions d’euros pour vingt-deux joueurs. Quelle sportivité ! A ce tarif, mieux vaut qu’ils perdent au premier tour.

Une question vient à l’esprit : si le football était vraiment un sport, ne pourrait-on pas payer ces gens raisonnablement, à hauteur du salaire minimum, et reverser ces sommes colossales vers les caisses des États pour garantir les services publics ? Ne pourraient-ils pas reverser ce capital vers ceux qui en ont besoin, aux pauvres oubliés par l’Occident, aux peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, au lieu de prendre l’Afrique pour une cour de récréation ?

C’est toute une société du rêve qui s’exprime, donnant l’impression que ce type d’évènement renforce la cohésion sociale internationale, alors qu’elle n’est qu’un abyssal coup de force économique organisé au bénéfice des plus grands fauves prédateurs de ce globe. Bref, le fait de voir défiler sur un terrain des dizaines et des dizaines de panneaux publicitaires faisant le crédit des plus grosses multinationales mondiales affameurs d’êtres-humains, de type Nike, Samsung, Mc Donald’s, Adidas, Coca-Cola, Goodyear etc., devrait à mon goût, en énerver plus d’un. Entre chaînes de télévisions ayant acheté les droits de diffusion, membres des équipes techniques, footballers, agents, directeurs, personnels de la FIFA, j’en passe, tout ce petit monde ne cherche qu’une chose : que l’équipe nationale gagne à tout prix pour accroître les parts de marchés et les profits. C’est très résumé, mais voila l’art et le résultat d’un siècle de vomissures de propagande médiatique que l’on n’efface pas d’un coup de gomme, faire croire aux masses que ce qui débute aujourd’hui est un évènement sportif en leur vendant depuis l’enfance l’illusion que le sport rapproche les peuples.

Quand l’Occident fait de l’Afrique un terrain de jeu…

Me direz-vous, les milliers de personnes du monde entier qui vont se rendre en Afrique du Sud pour voir les matches vont faire vivre l’économie locale en consommant sur place, en créant l’échange avec la population locale…Et bien non. Combien de sud-africains ayant participé à la mise en place des infrastructures pour créer l’évènement vont faire partie de ceux qui vont réellement bénéficier de la consommation des occidentaux sur place ?

Pendant la coupe du monde, seuls les personnels salariés de la Fifa sont habilités à installer des points de vente sur le site, or les habitants locaux ont eu interdiction de le faire, alors que ce sont eux qui ont payé et vendu leur force de travail pour construire les infrastructures (stades, hôtels, commerces…). Les habitants auront l’interdiction de pénétrer dans les sites où se déroulent les matches, pour que les touristes occidentaux, casquettes sur le crâne et bananes remplies d’appareils photos à la taille, n’aient pas à côtoyer ni observer la pauvreté de la population du pays dans lequel ils viennent d’atterrir. Et les médias français qui aujourd’hui aimeraient crier “cocorico” critiquaient il y a deux ans les conditions dans lesquelles s’organisaient les jeux olympiques de Pékin… Il est plus facile de crier honte à la dictature populaire chinoise que de montrer comment notre propre pays et ses voisins font la même chose dans un continent où tous les État européens ont du sang sur les mains depuis deux cent ans. Et cela continue : la somme des bénéfices générés par un mois de compétition ira dans les comptes bancaires des capitalistes européens…

Ce n’est pas une sinécure, mais il est temps de se rendre compte que chaque œil rivé sur le tube cathodique pour admirer ces milliardaires pousser une balle constitue un consentement à la criminalité ambiante du système économique régissant nos frontières. Aux quatre coins du monde, surtout dans les pays plus pauvres, c’est partout la même logique du capitalisme : l’appareil économique occidental s’implante, génère des marges commerciales et des bénéfices. Il fait de l’argent sur place en exploitant la main d’œuvre locale, et rapatrie ses capitaux dans les grandes banques européennes. La coupe du monde de football, ou plutôt la poursuite de la partie de poker, faisant tapis sur la vie des Hommes pour le pillage néocolonialiste des pays d’Afrique par les puissances européennes. L’espoir des sud-africains de voir cet évènement se réaliser pour la première fois en Afrique, et dans leur pays, injectant des deniers et du souffle dans l’économie, risque bien vite de s’étioler, de s’étouffer et de se remplacer par de la hargne. De la hargne, de la haine et de la rancœur vis-à-vis des puissantes entreprises multinationales et du petit monde sportif qui fait tourner la machine sans complexes, dans un pays où la fin de l’Apartheid n’a jamais apporté la fin du racisme ou des inégalités de salaires fondées sur la couleur de peau.

Mais hélas, la coupe du monde n’est pas la seule à faire de l’Afrique un paillasson, il fut un temps où le Paris-Dakar fonçait à grande vitesse sur des kilomètres de sable en traversant des villages à toute allure sans aucun soucis pour la population et les cultures locales, laissant sur son passage fumée, poussière, vapeurs d’échappement, carcasses de voitures voir même des corps sans vie…encore une fois pour des poignées de dollars.

En écrivant tout ceci, j’entends déjà les blâmes les palabres et les foudres des admirateurs sportifs me dire que le football est un moyen d’accession pour de nombreuses population au bien-être matériel et social, à la cohésion sociale, à l’ascension sociale, que beaucoup de sportifs sont issus des classes populaires, et parviennent à la richesse par leur talent. Certes, c’est indéniable, ce sport n’a jamais trop été l’instrument des classes dominantes, il servait même de vecteur de l’exaltation du sentiment national dans les États fascistes du XXème siècle. Autrefois instrument du nationalisme, désormais au service du grand capital…le fusil change d’épaule, mais il continue de tuer.

Certes, ce sport constitue un espoir pour beaucoup de gens au Brésil, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, etc. Mais pour combien qui attendent en vain de pouvoir se frayer un chemin décent sans être laissé pour compte, abandonné par leur système en admirant avec fierté et envie ce qu’ils ne pourront jamais faire ?

Vivement le 12 juillet 2010, lendemain de la finale, que tout ce marasme soit terminé. Pour autant, aucune chance que les gens du monde entier qui subissent la spirale ne s’attaquent ce jour là à l’ennemi commun pour imaginer une société plus juste, humaniste, égalitaire, solidaire et sociale.

Samuel Métairie

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