Il apparaît clairement que le dernier budget du Québec renfermait des compressions moins importantes que les précédentes. La présidente de la FNEEQ, Caroline Senneville, est convaincue que les pressions des syndicats et des citoyens ont porté leurs fruits à cet égard : « Il y a eu un tout petit peu de nous autres là-dedans. » Elle en veut pour preuve la campagne « Je protège mon école publique » à travers laquelle « on a senti dans la population, en regardant les médias jour après jour, qu’elle se préoccupait des effets des coupes ».
Le mal a été moindre, mais l’opération minceur s’est poursuivie, comme elle l’indique : « Pour les cégeps, le budget total est de 1,8 milliard en 2016-2017 alors qu’il se situait à 1,77 milliard il y a deux ans. » En tenant compte de l’augmentation du coût de la vie, cette hausse apparaît comme minime, sinon inexistante : « Quand la facture d’électricité des particuliers augmente, celle des cégeps grimpe aussi. » Il apparaît donc « qu’on a fait en sorte de mettre un baume, mais que la blessure est loin d’être guérie ».
Il en découle que les jeunes qui ont été privés de services vont continuer d’en subir les conséquences durant le reste de leur parcours, ce qui entraînera au bout du compte des coûts supplémentaires dans le système. Et pour les universités, la situation n’est guère plus reluisante : « Le réinvestissement est particulièrement faible et presque deux fois moindre que dans le collégial ; il suffit à peine à tenir la tête hors de l’eau et il n’est pas à la hauteur des attentes pour répondre aux besoins. » Elle en conclut « qu’il est question de priorité nationale dans le discours mais pas dans les faits ».
La présidente se tourne vers le passé pour illustrer ce qu’elle conçoit comme une véritable priorité nationale en éducation : « Il faut avoir une vision de cette éducation. On ne peut pas parler de la Révolution tranquille dans l’ignorance de tout ce qui s’est alors passé dans ce domaine ; il s’est agi là d’un pilier important de tout ce bond en avant qui a façonné la société québécoise. »
Et qu’en est-il maintenant ? « On essaie de récupérer le discours public, mais ça ne s’incarne pas dans une vision large de l’éducation dans la société. On parle de brasser à nouveau les structures au primaire et au secondaire ; en enseignement supérieur, on veut attirer des étudiants internationaux, ce qui est payant ; on s’applique à se coller sur le marché de l’emploi pour lequel on va former des jeunes à des jobs qui n’existeront même plus dans 30 ans. »
Elle s’interroge : « Qu’en est-il de ces jeunes-là comme citoyens à part entière ? Il y a en cette matière une vision à la pièce qui est un peu beaucoup utilitariste. Il n’y a pas cette vision d’ensemble ou globale nécessaire qui sert à prendre en compte les préoccupations environnementales, la transition énergétique, les bouleversements sociaux, l’intégration de l’immigration et la formation continue des travailleurs, pour laquelle on figure d’ailleurs encore au dixième rang des provinces. »
Continuons le combat…
Il n’est pas question pour la FNEEQ de soutenir la gouvernance libérale malgré l’entente survenue lors des négociations dans le secteur public. Caroline Senneville prend position : « La lutte syndicale large demeure sur les attaques qu’on a subies. On a ciblé certains dossiers, comme celui des centres de la petite enfance [CPE] ; c’est la première étape dans le système d’éducation et, là encore, il y a un manque de vision. »
À l’occasion du 1er mai, elle souligne qu’il y aura des manifestations dans toutes les régions ; on va se déployer partout pour défendre le « Québec qu’on a à coeur ». À plus long terme, elle pose le constat que le gouvernement est encore là pour plusieurs mois ou années : « Notre lutte doit être envisagée sur un horizon de 2018 et faire en sorte d’influencer fortement la mobilisation citoyenne autour du moment démocratique fort que sont les élections. »
Entre-temps, dans un contexte où le gouvernement subit des coups durs à répétition sur le plan de l’intégrité, elle fournit cette explication sur le fait qu’il récolte malgré tout l’appui de l’électorat dans les sondages : « La lecture que je fais de ce comportement, c’est que l’insatisfaction populaire ne se canalise pas dans un parti politique ; aucun de ceux qui existent ne réussit à le faire actuellement. »
Elle attribue largement cette attitude à la question nationale : « Celle-ci est encore en flottement. On se trouve toujours en présence d’un parti souverainiste et on a des fédéralistes qui ne souhaitent plus ouvrir le dialogue pour intégrer le Québec dans la Constitution. On ne sait vraiment plus vers qui se tourner. »
Caroline Senneville lance que « c’est un peu schizophrénique ce qu’on vit ! Beaucoup de gens font semblant que cette situation n’existe pas et sont tannés d’en parler pour toutes sortes de bonnes raisons. C’est là un fait plutôt qu’une critique et cela fait que, politiquement, quand il y a des enjeux sociaux qui se dégagent, comme c’est le cas depuis plusieurs années, notamment avec le printemps érable qui était quand même quelque chose, il n’y a pas de parti politique qui soit capable de canaliser cette volonté populaire de façon majoritaire ».
D’où l’importance qu’elle accorde à la lutte syndicale : « Notre vision politique ne correspond pas aux mesures d’austérité que nous avons connues au cours des dernières années et nous allons devoir canaliser les énergies dans ce sens-là. »