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Pour un système scolaire plus démocratique

Marcel Pinard, Nouveaux Cahiers du socialisme, no. 26, L'école publique au temps du néolibéralisme. (Marcel Pinard est enseignant en adaptation scolaire au secondaire à la retraite).

Introduction

L’éducation au Québec a connu son lot de transformations au fil du temps. Elle a été inféodée à l’Église, puis aux exigences de la société capitaliste et de ses oligarchies industrielles, économiques et financières. Si la dépendance à l’Église a été grandement effacée, on ne peut en dire autant du capitalisme et de la marchandisation qui ont augmenté leur empreinte sur notre système d’éducation. En effet, les politiques néolibérales ont mis à mal notre système : compressions budgétaires, manque de personnel, intégration des élèves ayant des difficultés sans ressources suffisantes, développement de projets particuliers qui sélectionnent les élèves, tous des éléments qui ont appauvri notre réseau de l’éducation.

Finalement, le gouvernement caquiste, dans le sillon du projet du gouvernement libéral précédent, a sonné le glas de l’exercice de la démocratie dans le système scolaire en éliminant l’élection des commissaires et en privant un grand nombre de citoyennes et de citoyens de leur participation aux choix relatifs au système d’éducation par l’adoption du projet de loi 40 qui modifie la Loi sur l’instruction publique.

Le texte qui suit présente une démarche pour redéployer l’exercice démocratique en éducation et redonner aux citoyens une place dans le processus décisionnel qui détermine le développement du réseau de l’éducation public dont la mission est d’offrir  un enseignement de qualité à l’ensemble de la population du Québec.

Abolition des commissions scolaires

C’est en février 2020 que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) adopte le projet de loi 40 qui transforme de façon radicale la vie démocratique du réseau public de l’éducation. Par cette loi, le gouvernement abolit le conseil des commissaires qui était élu par la population et confie à un conseil d’administration la gestion de l’éducation sur le territoire de l’ex-commission scolaire devenue un centre de services scolaires. Ce conseil d’administration est composé de cinq parents d’élèves, de cinq membres du personnel et de cinq représentantes et représentants de la communauté domiciliés sur le territoire du centre de services et qui possèdent des expertises particulières ou qui sont issus de milieux divers[1].

Ce geste du gouvernement qui retire aux citoyennes et aux citoyens un droit démocratique qui s’est instauré chez nous depuis le début du XIXe siècle a suscité beaucoup de réactions dans le milieu de l’éducation.

Le processus électoral constitue un geste de participation politique. Guy Rocher, sociologue bien connu et membre de la Commission Parent, rappelle en 1994 que dans la hiérarchie des valeurs, c’est la liberté qui vient en tout premier lieu et que la démocratie est le type d’organisation politique et sociale le plus favorable à cette liberté[2]. Dans son rapport 2005-2006 intitulé Agir pour renforcer la démocratie scolaire[3],le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) souligne que « c’est donc avec la conviction que la gouverne de l’éducation doit être confiée aux citoyens que le Conseil s’est intéressé à l’exercice de la démocratie en éducation pour les ordres d’enseignement qui sont régis par les commissions scolaires[4] ».

Le Conseil précise également que la démocratie scolaire ne se limite pas à l’élection des commissaires, mais qu’elle concerne tous les aménagements faits au fil des ans pour permettre aux parents, aux usagers, aux différents personnels des commissions scolaires et à certains citoyens représentant la communauté de se prononcer sur les choix qui sont faits en éducation. À cet effet, la Loi sur l’instruction publique (LIP) a institué, en plus du processus électoral des commissaires, la mise en place des conseils d’établissement, des comités de parents, du comité sur les services aux élèves en situation de handicap ou en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation (EHDAA) et les comités des élèves (appelés parfois conseils des élèves) et défini les rôles et responsabilités de chacun.

En 2006, le gouvernement va plus loin et intègre à la LIP l’article 211.1 qui s’énonce comme suit : Sous réserve des orientations que peut établir le ministre, la commission scolaire adopte une politique relative à l’initiation des élèves à la démocratie scolaire prévoyant notamment une forme de représentation des élèves auprès du conseil des commissaires. En 2012, plusieurs commissions scolaires avaient adopté de telles politiques pour permettre une représentation des élèves.

Par ailleurs, le Conseil recommandait, dans son rapport annuel de 1997-1998, Éduquer à la citoyenneté[5], de faire de ce dossier un élément central du projet éducatif pour contribuer à la pérennité de la démocratie. C’est à partir de ce moment que le Programme de formation de l’école québécoise comporte un cours intitulé Histoire et éducation à la citoyenneté.

Alors que le milieu de l’éducation développait une préoccupation importante pour l’exercice de la démocratie, différentes voix et partis politiques[6] ont commencé à contester la légitimité des élections scolaires et à mettre en cause la faible participation des citoyennes et citoyens au processus électoral. Plutôt que de s’interroger sur les façons d’améliorer la situation et de favoriser une plus grande participation, le gouvernement libéral a choisi de mettre fin à cet exercice démocratique en déposant en 2015 le projet de loi 86 sur la gouvernance scolaire; mais finalement la partie sur l’abolition des commissions scolaires fut abandonnée. Par la suite, la CAQ a aisément[7] emboité le pas au Parti libéral et décidé, après l’élection de 2018, de légiférer pour abolir les élections scolaires. Dans un exercice volontairement écourté, en précipitant et limitant les consultations, et sans tenir compte des réactions de la société civile, la CAQ accouchait du projet de loi 40 qui fut adopté sous le bâillon le 9 février 2020.

Le système d’éducation et la démocratie scolaire furent l’objet de débats récurrents  depuis des décennies. Les gouvernements, copiant les modes de gestion du secteur privé, ont progressivement imposé la gestion par en haut à tous les services publics. On a implanté des réformes en éducation sans l’assentiment du milieu. On a comprimé et coupé dans les budgets. Dans l’ensemble du réseau, on a appris à gérer la décroissance sans vraiment mener les batailles politiques pour s’y opposer. Les commissions scolaires et les conseils des commissaires sont ainsi devenus de simples courroies de transmission des décisions gouvernementales. Les commissaires ont complètement abdiqué leur rôle politique principal, celui de définir des orientations pour répondre aux besoins de la population.

Des commissaires au rôle tronqué

Il faut dire qu’il n’y a jamais eu d’investissement dans le développement des connaissances et des capacités des élu·e·s scolaires afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées. Les commissaires étaient laissés à eux-mêmes et elles-mêmes, on leur expliquait comment gérer la décroissance tout en restant dans les bonnes grâces du ministère de l’Éducation.

Les commissaires n’avaient pas, de façon générale, de véritable préparation pour jouer leur rôle et développer une vision politique pour administrer les commissions scolaires : connaissance de la loi, connaissance des orientations du système, rôle politique d’un système d’éducation. Plusieurs étaient élus par acclamation, sans avoir à réellement exposer leur vision de l’éducation. Très souvent, elles et ils ne représentaient qu’eux-mêmes, faute d’une culture ou d’une appartenance à un groupe qui aurait pu les amener à développer un programme.

Il y avait peu d’échanges avec les citoyennes et les citoyens sauf lorsque surgissait un problème particulier qui soulevait de vives réactions chez les parents, par exemple la redéfinition des bassins des écoles qui entraînait le déplacement d’élèves d’une école dans une autre. Également, les gestionnaires trouvaient très lourd de composer avec des élu·e·s qui avaient peu de perspectives sur l’éducation, qui réagissaient parfois négativement aux décisions ou qui cherchaient à se négocier des avantages personnels. On allait même jusqu’à interdire aux commissaires de s’adresser aux médias en invoquant que seule la personne à la présidence représentait le conseil et pouvait intervenir auprès de ces derniers. Le gestionnaire s’assurait ainsi de contrôler le message véhiculé.

Finalement, la majorité des élu•e•s  avait peu de contact avec les écoles, les directions d’établissement, les personnels, les parents et les élèves, exception faite des activités protocolaires où les conversations étaient très restreintes. Quant aux échanges avec les représentantes et représentants des différents regroupements de personnel, ils se limitaient aux rares moments où ceux-ci faisaient des représentations sur des objets en litige, et ce, dans un climat assez lourd et des pourparlers très limités.

Une participation incomplète des parents et des élèves

Les parents étaient représentés au conseil des commissaires par des personnes issues du comité de parents et elles n’avaient pas droit de vote. Les rapports entre le comité de parents et le conseil des commissaires étaient parfois houleux.

Par ailleurs, la participation des parents aux conseils d’établissement et au comité de parents n’était pas toujours égale, et c’est sans doute encore le cas. Les informations incomplètes et la rapidité du processus décisionnel ont fait en sorte qu’ils étaient régulièrement pris au dépourvu face aux décisions à prendre, souvent en urgence. Signalons enfin que la composition des conseils d’établissement n’était pas toujours représentative des différentes catégories d’élèves de l’école.

Il n’y avait pas de lien direct entre le comité sur les services aux élèves en situation de handicap ou en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, auquel participaient des parents concernés, et le conseil des commissaires. Le cheminement de leurs revendications vers le conseil se faisait par les représentants du comité de parents qui, souvent, ne comportait que très peu de ces parents d’élèves en difficultés. Les échanges se faisaient avec le personnel des services éducatifs et des représentants des personnels affectés à ces élèves.

La participation des étudiantes et étudiants (généralement des représentants des conseils étudiants, composés d’élèves de 4e et 5e secondaire) était peu développée auprès du conseil des commissaires. Si les commissions scolaires ont mis en place des politiques sur l’initiation des élèves à la démocratie scolaire, en suivant l’article 211.1 de la Loi sur l’instruction publique, les activités étaient assez restreintes dans beaucoup de cas. En consultant les procès-verbaux des rencontres de certains conseils des commissaires, je n’ai trouvé nulle part de compte-rendu des échanges entre les représentants des étudiants et les membres des conseils des commissaires.

En terminant cette partie, on doit cependant reconnaître qu’à certains endroits, à certains moments, des efforts ont été faits pour mieux équiper les élu•e•s  (parents et élèves) et leur permettre de donner plus de sens à leur engagement. Mais il y avait une telle distance entre les gestionnaires redevables au ministère de l’Éducation et la capacité d’action des élu•e•s  que la situation ne pouvait s’améliorer.

On le voit donc : organiser et favoriser la vie démocratique, en éducation comme ailleurs, ne peut pas se faire sans une volonté réelle, des moyens pertinents et une transparence véritable.

Changer la donne de l’exercice démocratique

Si l’on veut changer le fonctionnement du réseau de l’éducation, il faut ramener l’exercice démocratique au cœur du processus et engager davantage les citoyens et les différentes instances du système dans un exercice de participation citoyenne plus large et davantage accompagné. La démocratie a besoin de structures et de règles pour vivre. Mais elle a surtout besoin de citoyennes et de citoyens capables de réflexion et d’analyse. Il est donc pertinent de se questionner sur les moyens de faire vivre une véritable démocratie participative où tous les acteurs pourront prendre la parole, débattre de leurs attentes et participer véritablement au processus décisionnel.

La participation démocratique des citoyennes et des citoyens doit se traduire par davantage d’information sur le système d’éducation, sur son importance comme véhicule de reproduction sociale, sur les objectifs à prioriser, les structures à mettre en place et les services à développer.

L’abolition des commissions scolaires et leur transformation en centres de services pratiquement soumis au Ministère[8] ouvrent un espace qui peut permettre de réfléchir à un nouveau modèle d’organisation locale et régionale de l’éducation. Il importe cependant de conserver une participation citoyenne large et de ne pas assujettir l’organisation à une autre structure de pouvoir (par exemple les municipalités) pour éviter les situations de conflit d’intérêts. Nous devrons réfléchir à la définition de cette nouvelle entité.

Cela commande donc des lieux et des moments de débats organisés pour permettre une réflexion citoyenne sur les enjeux d’un système public d’éducation capable de répondre aux besoins de toutes les personnes et adapté aux divers milieux pour promouvoir le développement d’une véritable citoyenneté.

Au niveau national, le Conseil supérieur de l’éducation devrait être chargé d’organiser partout, sur le territoire du Québec, la tenue et l’animation de débats qui se tiendraient à intervalles réguliers. Ces débats porteraient sur l’ensemble du système d’éducation (sa philosophie, ses orientations, son organisation, ses structures, son développement régional et local, les rôles et les responsabilités dévolus aux divers intervenants, les programmes de formation, etc.). Ils seraient ouverts à toutes et tous, citoyens, élèves, parents, personnels, cadres, fonctionnaires et responsables politiques. Les résultats de ces débats seraient par la suite communiqués à l’ensemble de la population. Cette démarche, selon nous, pourrait permettre d’atteindre un consensus plus large sur les orientations de l’éducation au Québec et favoriserait un engagement véritable des citoyens pour les questions d’éducation.

Au niveau régional et local, il faut de façon urgente rétablir une structure décisionnelle pour l’éducation. Cette nouvelle structure, comportant des personnes élues, permettrait aux citoyennes et aux citoyens d’intervenir pour préciser les attentes et traiter les enjeux régionaux ou locaux de l’éducation en tenant compte de la réalité immédiate, des besoins particuliers et de l’organisation des services. Dans ce contexte, on pourrait peut-être revoir la taille de ces nouvelles entités scolaires pour qu’elles soient davantage représentatives de leur milieu.

Afin de favoriser une participation plus éclairée et un engagement plus significatif, un certain nombre de gestes doivent être posés :

  • D’abord faire du processus électoral une activité plus mobilisatrice où on doit discuter des enjeux de l’éducation publique;
  • Prévoir une formation adéquate des personnes élues pour qu’elles puissent jouer leur rôle de façon active (histoire et évolution du système d’éducation, courants idéologiques qui le traversent, ses finalités, son fonctionnement et ses structures);
  • Clarifier le rôle de la personne élue comme responsable politique de l’organisation, et non comme exécutrice des directives de la direction générale;
  • Développer des activités de présence dans le milieu pour rencontrer les citoyens et leur donner plus de visibilité;
  • Mettre en place un « bulletin des élu•e•s  » qui leur permette d’informer les citoyens de leur territoire;
  • Développer un plan de communications qui supporte la présence des personnes élues dans le milieu;
  • Revoir la rémunération des élu•e•s et prévoir un quantum de libérations professionnelles pour leur permettre de s’acquitter correctement de leur tâche, entre autres pour être davantage présents dans le milieu et être plus à l’écoute des besoins et des difficultés rencontrées par les parents; on pourrait aussi prévoir du soutien technique et professionnel;
  • Tenir, dans la dernière année du mandat un colloque pour permettre aux personnes élues d’échanger avec les citoyens, les parents, les personnels et les élèves sur les orientations, les services et les attentes face au système d’éducation;
  • Prévoir dans l’organisation du travail des personnes élues des périodes d’échanges, en comité de travail, avec les représentants des parents, des élèves et des divers groupes de personnel;
  • Modifier la Loi sur l’instruction publique pour inscrire l’obligation pour les personnes élues de tenir deux rencontres par année avec les électrices et électeurs de leur territoire.

La participation démocratique des parents

Avec l’adoption du projet de loi 40 modifiant la Loi sur l’instruction publique, les parents deviennent la composante citoyenne la plus importante dans les interventions en éducation.

Ils peuvent intervenir dans l’école, au conseil d’établissement, où ils sont majoritaires. Ils interviennent de façon plus organisée au comité de parents et à la Fédération des comités de parents. Ils interviennent également au conseil d’administration du centre de services scolaires puisque la nouvelle structure les oblige à y élire cinq membres. Pour les parents des élèves en difficulté, le comité EHDAA est le lieu le plus significatif pour leur participation, ce qui n’exclut pas leur participation à d’autres niveaux. Les parents sont donc investis de pouvoirs qui échappent à tous les autres citoyens qui ne vivent pas la parentalité. Qu’il s’agisse des célibataires sans enfants, des personnes retraitées, des couples sans enfants, toutes ces personnes se voient exclues des débats sur l’éducation qui ont lieu au niveau des centres de services.

Il importe que la participation des parents soit fortement soutenue dans les conseils d’établissement et au comité de parents. Elle doit être autre chose qu’un exercice de gestion sur quelques aspects de la vie scolaire. Il faut également trouver des façons de faire pour que ces conseils d’établissement ne soient pas composés que de parents privilégiés dont les enfants sont inscrits à des projets particuliers par ailleurs interdits aux élèves moins performants. Il y a, là aussi, un enjeu de participation démocratique. Il faudrait dorénavant s’assurer que toutes les catégories d’élèves de l’école soient représentées au conseil d’établissement.

Il faut aussi offrir aux parents qui s’engagent sur ces comités une formation adéquate pour que leur participation ne se limite pas à débattre d’un petit budget, de frais de dépenses pour des activités sportives ou culturelles et de financement de projets particuliers réservés aux élèves plus talentueux ou plus fortunés. Cette formation devrait permettre une réflexion sur ce que représente l’éducation comme service public appartenant à tous les citoyens, sur sa mission de développement de personnes citoyennes critiques et ouvertes et sur les effets de la marchandisation de l’éducation selon laquelle chaque élève n’est qu’une ressource humaine de production.

Ce développement de la participation des parents rendrait plus dynamiques les colloques organisés par les nouvelles structures scolaires. Mais si les parents ont un rôle important à jouer dans la scolarisation de leurs enfants, il faut se rappeler que les orientations du réseau de l’éducation sont l’affaire de tous les citoyens et citoyennes dans le cadre de l’exercice de la démocratie.

La participation démocratique des élèves

L’école, au Québec, a heureusement beaucoup évolué sur la place qu’elle accorde aux élèves dans la vie scolaire. Les institutions supportent des expériences heureuses quant à l’initiation à la vie démocratique : parlement étudiant et simulation de séances de l’ONU. La Loi sur l’instruction publique a obligé les commissions scolaires à se doter d’une politique d’initiation des élèves à la démocratie scolaire. Elle a introduit également la participation des élèves à des comités étudiants (conseils étudiants) et prévoit, au secondaire, la participation de représentants et représentantes des élèves au conseil d’établissement.

Mais on pourrait aller plus loin. Si désormais les élèves peuvent se nommer des représentants auprès des élu•e•s  des nouvelles instances proposées dans ce texte, pourquoi ne pas favoriser la mise en place effective d’associations étudiantes au secondaire, à l’éducation des adultes et en formation professionnelle[9] dans chaque nouvelle entité scolaire ? Cela leur permettrait d’apprendre et de vivre l’exercice démocratique dans l’école, auprès de la nouvelle organisation scolaire ou d’autres organismes de la société selon leurs besoins. En leur assurant un accompagnement (en personnel et ressources), on pourrait les outiller sur l’organisation et la tenue de débats, le fonctionnement des assemblées délibérantes, l’organisation et la tenue d’élections et le rôle de représentation auprès d’autres instances. Cela les préparerait également à participer aux colloques des nouvelles entités scolaires proposées ici.

Dans ce contexte, la formation à la citoyenneté devient un élément important à développer dans le programme d’études du niveau secondaire afin de développer l’aptitude à réfléchir et à débattre de ce qu’est la démocratie et des responsabilités qui incombent aux citoyens pour la faire vivre de façon véritable.

La participation démocratique des personnels

L’ensemble des personnels, qui sont les intervenantes et intervenants les plus importants du système d’éducation, ceux qui font l’école, doivent aussi participer aux grands débats sur l’éducation. Leur expertise professionnelle, leur connaissance des jeunes doivent être exprimées dans les débats. Dans l’école, les divers groupes de personnel peuvent intervenir au conseil d’établissement où ils nomment des représentants; cependant la majorité appartient aux représentants de parents. Le conseil d’école est également une instance de participation du personnel enseignant prévue à la convention collective. Au niveau du centre de services, des comités syndicaux portent également les représentations des différents groupes de personnel : comité de relations professionnelles, comité de relations de travail, comités de perfectionnement, comités pour les services aux élèves handicapés ou en difficultés d’apprentissage, comités de santé et sécurité au travail. Toutefois, dans tous ces comités, le travail se heurte souvent à l’arbitraire patronal exercé par les gestionnaires. Comme citoyens cependant, ils doivent pouvoir participer aux débats dans la société civile comme tous les autres citoyens et jouir des mêmes droits tout en évitant les conflits d’intérêts.

Conclusion

L’éducation est un droit reconnu par l’UNESCO et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Les politiques néolibérales ont cependant mis à mal les services publics depuis plusieurs années dont le système d’éducation. Celui-ci a subi d’importantes coupes, ce qui a grandement limité sa capacité à répondre aux besoins des personnes. L’école est devenue une usine à fabriquer de la main d’œuvre pour répondre aux besoins du marché du travail d’abord et avant tout. Un travail important est donc nécessaire pour en recentrer la mission sur le développement des personnes et l’éducation à la citoyenneté.

Rénover l’exercice démocratique en éducation est possible avec la participation de l’ensemble des parties. Cela permettrait, à condition d’y mettre les ressources, de favoriser une participation citoyenne éclairée, de donner à notre réseau de l’éducation le leadership qu’il doit assumer dans le développement des services pour tous les élèves, et de mettre fin au développement d’écoles privées de toutes sortes qui génèrent et encouragent les inégalités sociales.

En éducation, comme dans d’autres secteurs de notre société, il faut revoir nos pratiques démocratiques pour développer une société plus inclusive et plus juste. C’est à cet effort collectif que ces réflexions doivent nous engager. En ce sens, l’idée de la tenue d’États généraux de l’éducation 2.0 pourrait être une avenue pour l’amorce de changements importants pour l’avenir du système scolaire québécois.


[1] Loi sur l’instruction publique, article 143; l’annexe 1 du projet de loi 40, p. 9, précise la procédure de désignation des membres du conseil d’administration.

[2] Guy Rocher, « Le droit et les juristes dans une “Société libre et démocratique”, selon Alexis de Tocqueville », Thémis, vol. 28, nos 2-3, 1994, p. 3.

[3] Conseil supérieur de l’éducation, Agir pour renforcer la démocratie scolaire, Rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation 2005-2006, décembre 2006, p. 6.

[4] CSE, op. cit. p. 7.

[5] Conseil supérieur de l’éducation, Éduquer à la citoyenneté, Rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation 1997-1998, octobre 1998, p. 83.

[6] On se rappellera que l’ex-parti de l’Action démocratique du Québec (ADQ) en a fait un élément formel de son programme à partir de l’élection de 2007 : Kathleen Lévesque, « L’ADQ abolirait les commissions scolaires », Le Devoir, 27 février 2007.

[8] Les problèmes liés à cette centralisation commencent à se révéler, notamment dans le contexte de la pandémie. Voir : Alain Fortier, Alain Grenier, Claude Lessard et Marc Saint-Pierre, « Abolition des commissions scolaires : où est l’autonomie promise ? », Journal de Montréal, 5 février 2021, et Marco Fortier, « Un “devoir de loyauté” qui dérange dans les centres de services scolaires », Le Devoir, 23 avril 2021.

[9] C’est d’ailleurs une revendication longtemps portée par le Mouvement québécois des étudiants en formation de demander l’inclusion des adultes du secondaire dans le champ d’application de la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants.

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