Michel Vanni, L’Adresse du politique. Essai d’approche responsive, Paris, Cerf, 2009, 320 p., 24 € Bernard Waldenfels, Topographie de l’étranger, trad. F. Gregorio, F. Moinat, A. Renken et M. Vanni, Paris, Van Dieren Éditeur, collection « Par Ailleurs Riponne », 2009, 228 p., 22 € Camille de Toledo, Le Hêtre et le Bouleau. Essai sur la tristesse européenne, suivi de L’Utopie linguistique ou pédagogie du vertige, Paris, Seuil, 2009, 212 p., 16 € GX Jupitter-Larsen, Saccages. Textes 1978-2009, Paris, Van Dieren Éditeur, collection « Rip on/off », 2009, 28 € (avec CD inclus)
Par Yves Citton
Et s’il fallait concevoir la politique comme relevant d’une réponse forcément maladroite, à une question dont on ne sait jamais si elle se pose vraiment, ni à qui ? Et si l’incertitude dont témoigne cette question pouvait être perçue, dans l’Europe d’aujourd’hui, avec autre chose que de la tristesse, de la culpabilité ou du dépit ? Et si l’on essayait de redéfinir la conscience de « gauche » par le fait d’être « mal-à-droite » ?
C’est d’une façon remarquablement désespérée qu’ont été célébrés, cet automne, les vingt ans de la chute du Mur. Alors que les quarante ans de mai 1968 avaient au moins été l’occasion de réchauffer quelques vieilles polémiques, l’effondrement du Rideau de fer a fait l’objet d’une jubilation parfaitement paralysée : bien sûr que personne – à part quelques vieux Ostalgiques observés avec un amusement condescendant – ne regrette l’avant ; bien sûr que tout le monde repense avec émotion à la délicieuse surprise éprouvée sur le moment, à la vue d’un effondrement aussi rapide et irénique. Quant à en tirer quelque chose à espérer pour l’avenir, ou même pour le présent, il aurait sans doute été considéré comme naïf d’en exprimer le désir. La droite se contente d’y voir le triomphe de la « liberté » sur le « totalitarisme » . La gauche ne peut ni revendiquer un passé (« socialiste démocratique ») peu glorieux, ni se retenir d’idéaliser l’époque d’avant-la-Chute (les « Trente glorieuses »), au cours de laquelle la peur du rouge permettait quand même de contenir la domination aujourd’hui effrénée du capitalisme conquérant.
Un philosophe passe à travers le mur
Quelques livres récents enjambent heureusement la (vraie) frontière qui continue à séparer la France et l’Allemagne pour repeupler ce […]