Lieu de contre-culture à l’échelle monde, le Forum Mondial de l’Éducation (FME) s’est intéressé le temps d’une conférence à l’enseignement occidental. Un procès à charge d’une pensée dominante.
« Il y a dans le paradigme occidental deux espèces humaines, l’une qui est blanche et supérieure, l’autre qui est ne l’est pas », a affirmé Denis Kosseim, professeur de Philosophie et militant de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québéc (FNEEQ) lors d’un atelier, dans le cadre du FME, vendredi dernier. L’expression ne manque pas d’air. Et pourtant, le propos de l’homme au discours sobre et argumenté tient bon. Comme il le répète à maintes reprises : « l’éducation occidentale ne cesse d’opposer les concepts les uns avec les autres », suivant la maxime politicienne du diviser pour mieux régner. Loin d’être inné, notre capital de connaissances s’acquière au fil du temps par l’intermédiaire d’un certain nombre de vecteurs. Et l’un des canaux d’acquisition du savoir est l’éducation. D’où l’idée que notre vision du monde résulte pour partie de ce que nous apprenons par le biais des institutions éducatives. Denis Kossein n’hésite pas à affirmer que « les manuels scolaires occidentaux […] forment un système cohérent et efficace de transmission d’une idéologie, sous la forme d’une vision du monde dans laquelle la race est le premier principe explicatif ». L’Histoire en porte bien, malgré elle, les stigmates. Mais avec d’autant plus de malice : « [on] a préétabli que le cerveau humain préférait des explications simples, facile d’accès et donc raciales plutôt que celles socio-historiques qui [seraient] réservées aux seuls intellectuels ». Établie ouvertement par le passé, la distinction raciale dans l’éducation occidentale, demeure par ailleurs prégnante dans les manuels scolaires actuels. L’anthropologue Denis Blondin, s’est attelé à la lourde tâche de révéler les références racistes présentes dans près d’une centaine de manuels québécois primés par le Ministère de la culture. Au final, il releva plus de huit cent cas de sous-entendus racistes ! « Un des exemples, déclare Denis Kossein, est celui d’une question à la fin d’un manuel demandant ’’que peut faire un être humain pour les gens dans ces pays là [sous-développés] ? ’’, sous entend que les gens de « ces pays là » ne sont pas des êtres humains. Aussitôt, on rit jaune et s’offusque dans l’assemblée. Pas étonnant, c’est un Forum Social. Mais qu’en est-il un peu plus loin, à quelques milliers de kilomètres de là, où la chose s’intègre au système nerveux et s’exprime dans les comportements ?
Un dualisme problématique
Au cœur du processus, se trouve le dualisme. « Nous ne sommes pas comme eux, affirme-t-on dans l’éducation occidentale. Nous sommes rationnels et non irrationnels, pragmatiques et non dogmatiques, scientifiques et non religieux, progressistes et pas traditionalistes, pluralistes et pas fondamentalistes, démocratiques et pas élitistes, relativistes et pas absolutistes, amoureux de la liberté et non de l’autoritarisme, des individus et non des membres d’une communauté oppressive, des chercheurs de la vérités et pas des trouveurs de révélations […] et surtout, il est dit que nous sommes évolutifs et pas fixes. Des modernes et pas des arriérés. » De fait, l’analyse rend la pareille à la vieille rengaine du savant civilisé – blanc de préférence – qui supplante l’arriéré barbare – noir tant qu’à faire. Pour mettre un terme à cette opposition autant stérile qu’infondée, c’est le principe premier de dualisme qu’il faut éclater. Vaste projet…
L’anti-racisme au service du racisme
Concrètement néanmoins, un retournement à la marge de l’éducation occidentaliste est envisageable. D’abord dans la pensée et surtout par les actes à mener en pleine connaissance de cause. Et pour ce faire, explique Denis Kossein, le système de pré-pensée occidentale ne doit plus tenir lieu de référence comme il le demeure dans certaines organes militantes. L’anti-racisme par exemple n’est pas en mesure de combattre le racisme tel qu’il le fait. C’est à lui d’inventer son attirail argumentaire plutôt que de piocher dans celui déjà existant. « Pour faire simple, le raciste va dire ’’tu sais comme moi par notre éducation commune que nous sommes supérieurs. La différence entre toi et moi c’est que tu ne l’avoue pas. Abandonnes donc cette idée non-fondée d’égalité’’. Et l’anti-raciste n’a pas de réponse car son système éducatif lui a imposé un ensemble de références à caractère racial. » Le suivisme argumentaire dans la lutte est jonché d’embûche. Mais pas de quoi se démobiliser pour autant. Car des pistes combatives demeurent, comme celle du Forum Social qui a définie son calendrier en fonction de son intérêt plutôt qu’en fonction des dominants nécessairement… occidentaux.