Le néolibéralisme est une théorie générale sur le fonctionnement des sociétés qui fait du marché la meilleure façon d’avoir des connaissances à leur sujet. Les prix – ces signaux qui reflètent nos choix de consommation individuels – indiqueraient les besoins de la société. L’importance de chaque besoin se révèle par le prix qui lui est accordé par le marché, seul processeur d’information suffisamment efficace et décentralisé pour en faire sens. Selon le néolibéralisme, il est impossible – pour un être humain ou un gouvernement – de prévoir ce que souhaitent les sociétés humaines, car les individus qui les composent sont toujours changeants. Il est donc vain pour un gouvernement de tenter de planifier rationnellement l’économie, et les débats politiques à ce sujet sont sans intérêt. Le marché est le seul accès rationnel que nous avons à ce que veulent les humains. En somme, le néolibéralisme étend à toute la société les prémisses d’une compréhension limitée et étriquée de la science économique. La conséquence politique de cette pensée est la transformation de l’appareil étatique pour qu’il réponde et s’adapte le mieux possible aux demandes exprimées sur le marché, voire qu’il se dote de marchés ou de structures qui imitent le marché afin de rendre l’État plus performant, plus en phase avec une information juste.
Le néolibéralisme s’accompagne d’un discours politique, populaire depuis les années 1980, qui propose de « faire le ménage », de « dégraisser » la machine étatique et d’améliorer son efficacité en s’inspirant du secteur privé. Si ces slogans politiques reflètent bien les mesures néolibérales mises en œuvre, ils sèment aussi la confusion à leur sujet. En effet, il est très rare que le néolibéralisme mène à une diminution de la taille de l’État : il peut dans certains cas mener à un accroissement de l’État dans certains domaines au détriment d’autres secteurs. Le néolibéralisme est d’abord une transformation de l’État, pas une augmentation ou une diminution de sa taille. Cette théorie générale de la société doublée d’un programme politique concret est apparue dans la sphère publique il y a quarante ans et est devenue la théorie dominante sur le rôle social de l’État.
Les mesures d’austérité sont, quant à elles, une série de politiques publiques où l’on demande à la population un effort exceptionnel de contrition pour atteindre un objectif présenté comme légitime par les décideurs publics. L’austérité doit donc clairement signifier soit une diminution de ce qui est offert par l’État, soit un accroissement substantiel de la contribution fiscale, soit les deux à la fois. Exemple classique de mesures d’austérité : celles appliquées lors de conflits armés. Pour stimuler l’effort de guerre, on édicte des rationnements de la consommation, une réduction des programmes sociaux, des perceptions fiscales plus importantes, etc. Plus récemment, on a justifié des mesures d’austérité pour venir à bout de crises des finances publiques, que celles-ci soient réelles ou imaginaires. Austérité et néolibéralisme se coordonnent parfois. En effet, les tenants du néolibéralisme peuvent se servir de mesures d’austérité présentées comme indispensables au rétablissement des finances publiques, dans le simple but d’imposer de nouvelles réformes néolibérales, d’intensifier l’application de leur programme politique. Nous croyons que c’est précisément ce qui se passe au Québec en ce moment.
[1]Extrait d’une étude de l’IRIS, Les mesures d’austérité et les femmes, février 2015.