Par Pierre Beaudet
Un débat organisé par les NCS avec l’appui de Masse Critique et d’Alternatives a permis des échanges riches et intéressants plus tôt cette semaine. Les nombreux participants et participantes ont compris que la tâche de redéfinir un programme de transformation pour le 21e siècle était gigantesque et allait bien au-delà de certains slogans et espoirs.
Certes la côte est d’autant plus haute à remonter que pendant des décennies, les mouvements de gauche et les organisations populaires qui ont lutté pour la justice sociale et la démocratie ont négligé la question environnementale. En fin de compte, prédominait plus ou moins subtilement la croyance que le socialisme allait régler les problèmes en transformant l’œuvre de croissance économique amorcée par le capitalisme. Les socialistes allaient une fois rendus au pouvoir redistribuer les richesses et améliorer la gestion économique, pensait-on. Derrière cette vision optimiste subsistait la foi dans le progrès, la science et la modernité, héritée des Lumières durant la période ascendante de la bourgeoisie.
Bien des précurseurs, écologistes avant la lettre, nous avaient cependant mis en garde, à commencer par Karl Marx lui-même qui craignait la capacité révolutionnaire du capitalisme à tout éliminer y compris le travail vivant et la nature.
Aujourd’hui, les illusions du passé ne sont plus très présentes. Tant la crise écologique est reconnue par à peu près tout le monde, sauf Stephen Harper. L’écologie a la cote, dans toutes sortes de versions, y compris à droite, sous la bannière du «green capitalism», qui consiste à ramieuter les processus de production et à faire payer la note de l’effroyable gâchis créé par le capitalisme débridé aux victimes, notamment les classes populaires.
À gauche, la question environnementale est devenue très importante également, en rupture avec un ancien socialisme «réellement existant». On essaie de penser, à l’échelle micro comme à l’échelle macro, des alternatives en matière de développement humain qui permet de protéger les conditions naturelles.
Tant mieux.
Cependant, il reste important de ne pas mettre de côté les «bon vieux» objectifs de la lutte pour l’émancipation. Dans le sud, ces objectifs incluent des «banalités» comme le droit de manger, que le capitalisme dénie à environ un milliard d’humains. Dans le nord, les couches populaires ont besoin d’une relance économique qui garantit des revenus et des emplois dignes, et non les «macjobs» qui continuent de prendre beaucoup de place.
Il faut donc agir avec un certain discernement. Personne ne peut être contre la vertu, mais il faut réconcilier la lutte écologique avec la lutte sociale, et cela ne peut se faire de manière unilatérale. Par exemple dans plusieurs régions du Québec, l’avenir n’est pas dans une transformation à la Disneyland, où tout doit devenir un parc vert. Il y a des ressources et celles-ci doivent être harnachées d’une manière responsable, y compris l’hydro-électricité, la forêt, l’agriculture. Ce n’est pas à certains écolos de droite bien protégés des centres-villes de décider ce qu’il faut faire dans les communautés, mais à celles-ci, en toute connaissance de cause. Si la gauche fait bien son travail, ces communautés seront équipées pour faire la rupture avec les «modèles» imposées par le capitalisme sur le monde de la coupe à blanc et de l’exploitation éhontée des ressources.
Le capitalisme peut survivre à la crise écologique, en la reportant sur les plus vulnérables à qui on va demander de se serrer la ceinture davantage. Le projet écosocialiste est de l’autre côté de la barricade. Nous ferons face à la crise écologique en leur faisant payer leurs dégâts, et en posant les jalons pour une autre approche.