AccueilCahiers du socialismeMontréal-Nord Républik : vers un mouvement de la périphérie

Montréal-Nord Républik : vers un mouvement de la périphérie

Le samedi 9 août 2008, l’agent Jean-Loup Lapointe du SPVM, matricule 3776, s’amène dans un stationnement adjacent au parc Henri-Bourassa, à Montréal-Nord. Il aperçoit Dany Villanueva, son frère Fredy et des amis à eux dont certains jouent aux dés. En moins d’une minute, Lapointe descend de son véhicule, interpelle Dany Villanueva, le saisi, lutte puis chute avec lui, sort son pistolet et tire quatre coups de feu qui atteignent trois des jeunes présents.  Le lendemain, des citoyens se rassemblent sur la place Pascal. Une pancarte attachée sur un panneau d’arrêt dit « SPVM, le vrai gang de rue ». La taille du rassemblement augmente peu à peu et la tension monte. Des manifestants mettent le feu à des poubelles. Un camion de pompier arrive pour éteindre le feu. Il est repoussé à coup de pierres et de bouteilles. Les pompiers battent en retraite et les manifestants, comme exaltés par cette démonstration de force, passent à la révolte. Les images de cette nuit feront le tour du monde ; voitures brûlées, autobus attaqués, commerces pillés.

C’est dans ce contexte que naît Montréal-Nord Républik. M-NR s’apparente à une guérilla médiatique et urbaine. En effet, le collectif a pris les élites par surprise en les confrontant sur leur terrain de prédilection, les médias nationaux. L’étalement spectaculaire d’une série de revendications faisant voler en éclat la concertation officielle allait conférer à M-NR un statut d’acteur social turbulent certes, mais d’acteur, précisément. Paradoxalement, les autorités locales ont répondu à cette attaque imprévue en resserrant leurs liens avec les organismes communautaires et en courtisant les leaders naturels dans les rues. Seule la seconde approche, le travail de terrain, permet de modifier un paysage politique à long terme, mais seule  la stratégie médiatique était à la portée de M-NR, dans un premier temps, pour déjouer les élites avec vitesse et efficacité.

Depuis deux ans, les militantEs de M-NR ont été en contact avec diverses influences de la gauche québécoise et ont eu l’occasion de s’identifier à des causes qui élargissent les perspectives locales. Le groupe est d’abord engagé dans une lutte pour que justice soit rendue à Fredy Villanueva et à sa communauté, mais il a également affiché son support pour la bataille similaire que mène la famille de Mohammed Anas Bennis, tué par la police dans Côte-des-Neiges ou encore la cause de Quilem Régistre, mort dans le quartier St-Michel après avoir reçu sept décharges de pistolet taser. En plus des causes proches des migrants, de l’opposition au racisme ou encore de la situation particulière des femmes, le mouvement a fait entendre sa voix lors de la dernière campagne municipale, pointant du doigt les failles du système électoral municipal. En juin 2010, une délégation de M-NR a participé aux manifestations contre la rencontre du G-20 qui s’est tenue à Toronto, affichant l’internationalisation des préoccupations du collectif. Des membres du groupes ont également été actif sur des questions de solidarité internationale tel que lors du tremblement de terre en Haïti ou lors des massacres de l’armée israélienne à Gaza.

(Extrait d’un texte paru dans le numéro 5 des NCS, Migrations : Stratégies, acteurs et résistances)

 

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