AccueilNuméros des NCSNo. 20 – Automne 2018Luttes populaires à Pointe-Saint-Charles : résistance et résilience

Luttes populaires à Pointe-Saint-Charles : résistance et résilience

Dans toutes les « aventures » du mouvement populaire à Montréal, il y en a une qui est consistante. À Pointe-Saint-Charles, au sud-ouest de la ville, il y a eu et il y a toujours des luttes, des mobilisations, et surtout, des organisations qui continuent, bon an mal an, à rassembler, agir, éduquer, intervenir, confronter. Comment comprendre ce parcours extraordinaire ? Qu’est-ce qui permet à cette initiative citoyenne de persister ? Et surtout, comment les gens de la Pointe continuent-ils à résister aux assauts incessants de l’État et des entrepreneurs ?

À travers des décennies de lutte et de résistance, le milieu communautaire de Pointe-Saint-Charles a su garder sa vitalité et sa combativité. Quelques jalons tirés de l’histoire militante du quartier peuvent éclairer sa résilience face aux défis actuels qui confrontent le mouvement populaire au Québec.

Aperçu des origines du mouvement populaire à Pointe-Saint-Charles

Pointe-Saint-Charles est un quartier enclavé entre le canal de Lachine, le fleuve Saint-Laurent et le centre-ville de Montréal. Il possède un riche passé industriel et une histoire de luttes ouvrières qui remonte au XIXe siècle. Depuis cette époque, la population francophone et la population anglophone, principalement d’origine irlandaise, y cohabitent. Au fil des ans, elles ont participé dans des organismes distincts mais elles ont su regrouper leurs forces dans des résistances et des revendications communes.

Depuis les années 1950, la Pointe a connu un déclin économique accéléré par la fermeture du canal de Lachine et la relocalisation de nombreuses usines[1]. La détérioration des conditions de vie, accompagnée d’une importante diminution de la population, a suscité un mouvement de résistance qui s’est manifesté par l’apparition des premiers groupes populaires au milieu des années 1960.

Le Regroupement des citoyens de Pointe-Saint-Charles fut créé en 1964 par la population ouvrière du quartier avec le soutien d’animateurs sociaux progressistes liés aux églises[2]. La population se mobilise alors pour faire respecter ses droits en matière de santé, d’éducation, de logement et de conditions de vie. À l’époque, les services publics sont pratiquement inexistants et les gens du quartier s’organisent pour développer des services qui répondent à leurs besoins et intérêts avec l’aide de jeunes professionnels anglophones inspirés par les expériences d’action communautaire aux États-Unis.

La construction d’un réseau communautaire contrôlé par la population locale

C’est dans ce contexte que se développe depuis les années 1960 un réseau communautaire autonome et solidaire. Plusieurs organismes ont émergé vers la fin de cette décennie et poursuivent encore leur action 50 ans plus tard. Mentionnons la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, souvent citée comme pionnière des CLSC au Québec, et les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne qui ont inspiré la création du réseau québécois d’aide juridique. Ces organismes ont été suivis au tournant des années 1970 par le Carrefour d’éducation populaire et le Club populaire des consommateurs. Dans les décennies suivantes, le réseau communautaire s’est densifié, avec l’appui de ces premiers groupes populaires.

Le dynamisme du réseau communautaire repose sur un fort sentiment d’appartenance et sur une participation et une vigilance constantes d’une partie significative de la population du quartier. La mobilisation populaire a permis de maintenir une gouvernance locale et de résister aux tentatives de l’État pour forcer l’intégration des groupes populaires au réseau public. Ils sont toujours dirigés par des conseils d’administration de citoyennes et de citoyens élus en assemblée générale. Cette caractéristique essentielle contribue à leur autonomie et à leur pérennité.

Dépasser les services à la population pour agir sur ses conditions de vie

À travers leur histoire, ces organismes ont été des pôles d’éducation populaire et de mobilisation sur de nombreux enjeux. Ils n’ont pas hésité à dépasser la prestation de services pour défendre les droits sociaux et agir sur les conditions de vie de la population. Dès le début des années 1970, les groupes mobilisent la population pour lutter contre la détérioration de la vie de quartier et de la qualité des logements.

Les projets de rénovation urbaine entrepris par l’administration Drapeau qui a dirigé Montréal de 1960 à 1986 se faisaient au détriment de la population des quartiers ouvriers à proximité du centre-ville. Cette administration municipale réglait le plus souvent la question des taudis par la démolition pure et simple de secteurs complets pour les remplacer soit par des autoroutes et projets de prestige[3], soit par la construction d’importants complexes de logements sociaux perçus à l’époque comme des ghettos de pauvres[4]. La population de Pointe-Saint-Charles et le réseau communautaire résistent à cette politique de rénovation « forcée ».

Une première coopérative d’habitation, Loge-peuple, est créée en 1971. Puis, le Regroupement information logement se développe vers la fin des années 1970 pour consolider la défense des droits des locataires et développer des logements à but non lucratif. Au fil des ans, une proportion significative de logements sociaux et communautaires sera atteinte, avec 40 % des logements du quartier à l’aube des années 2000, ce qui a contribué à freiner les hausses de loyer et l’exode de la population ouvrière.

Au début des années 1980, le milieu communautaire du quartier s’est aussi mobilisé pour trouver des solutions au problème du chômage, développer l’employabilité et favoriser une reconversion économique et un développement compatibles avec les intérêts de la population. Il a fait pression sur le gouvernement dans le but d’obtenir du financement pour la relance économique du secteur. En 1984, le Programme économique de Pointe-Saint-Charles (PEP) est fondé par des groupes du quartier. Il s’agissait d’une première expérience de développement économique communautaire en milieu urbain au Québec. En 1989, après plusieurs débats, le PEP devient le RESO (Regroupement économique et social du Sud-Ouest) qui étendra son action aux autres quartiers du Sud-Ouest de Montréal.

Ces initiatives ont permis de freiner le déclin économique et la détérioration des conditions de vie de la population traditionnelle du quartier. Mais la Pointe n’échappe pas aux pressions des développeurs qui convoitent les rares espaces disponibles dans les quartiers à proximité du centre-ville.

Une concertation communautaire issue de la base au cœur des luttes urbaines

C’est dans le cadre des luttes sur les enjeux de rénovation urbaine et d’habitation que la Table de concertation communautaire Action-Gardien est créée au début des années 1980. Action-Gardien devient un lieu d’échange et de débat et un outil de cohésion du mouvement communautaire autonome dans l’analyse des enjeux et la défense des intérêts de la population locale.

En 1984, le mouvement communautaire propose sa vision de l’avenir du quartier dans un manifeste : Des choix pour la Pointe, un quartier à améliorer, une population à respecter. Les grands enjeux sont posés : opposition à l’ensemble résidentiel aux abords du canal de Lachine, maintien de la population résidente dans le quartier, développement du logement social, relance de l’emploi local et pouvoir de décision à l’échelle locale par et pour les citoyens et les citoyennes.

Parmi les moyens pris pour défendre et promouvoir cette vision, le milieu communautaire de Pointe-Saint-Charles fait son entrée sur la scène politique municipale en 1986 avec l’élection d’un militant du quartier sous la bannière du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM). Son programme politique repose essentiellement sur des propositions issues du milieu communautaire. Après plusieurs débats parmi les militants et les militantes du quartier sur les politiques mises en œuvre par le RCM et la déception sur l’absence de décentralisation du pouvoir municipal, ce conseiller, Marcel Sévigny, décide de siéger comme indépendant en 1992, puis de se retirer aux élections de 2001, préférant se concentrer sur des projets collectifs issus de la base militante.

À travers les années, la table Action Gardien a préservé une structure décisionnelle strictement communautaire, tout en se concertant et en interagissant avec l’ensemble des acteurs locaux, et ce, malgré les pressions des bailleurs de fonds qui privilégient des modèles de concertation multiréseaux incluant les acteurs institutionnels et privés. Les 25 organismes membres se réunissent encore aujourd’hui mensuellement pour valider les orientations et les stratégies d’intervention et mettre en commun les réalités et défis vécus dans les groupes. Les comités de travail issus de l’assemblée générale interviennent sur des sujets aussi diversifiés que l’aménagement, la défense des droits, la santé mentale, les jeunes, les aîné-e-s, etc.

Alors que dans les années 1990 la table Action Gardien a concentré ses énergies sur les mobilisations pour la survie des programmes sociaux, ce sont plutôt les luttes contre les plans d’aménagement de l’administration municipale et les projets de promoteurs immobiliers, ainsi que la promotion d’une revitalisation au bénéfice de la population résidente qui ont marqué les années 2000[5]. La Table de concertation Action Gardien reste un outil précieux pour définir des positions concertées du milieu communautaire et mobiliser la population dans ces luttes urbaines.

Un quartier mobilisé pour promouvoir sa propre vision de son développement

Les propositions pour le développement du quartier par et pour les citoyennes et citoyens ont été construites notamment avec les opérations populaires d’aménagement (OPA) de 2004 et 2007. Une OPA est une démarche de consultation concrète et accessible, misant sur la connaissance du quartier et de ses besoins qu’ont ses résidentes et résidents. En 2004, ils ont sillonné le quartier en compagnie de personnes-ressources pour élaborer leurs propositions en matière d’habitation, de transport, d’environnement et de sécurité. Quatorze ans plus tard, la démarche se poursuit pour concrétiser les propositions. Elle est pilotée par un comité de citoyennes, citoyens, intervenantes et intervenants qui ont créé un canal de communication en continu avec la mairie de l’arrondissement et qui organisent des allers-retours associant la population du quartier.

Ces démarches de participation et de consultation citoyennes ont permis de développer en amont une vision et des propositions crédibles pour un développement qui répond aux besoins de la population résidente. Elles ont favorisé l’appropriation des enjeux du développement urbain par les gens du quartier. Mais la mise en œuvre de cette vision se confronte à des projets développés par des promoteurs privés. Elle doit être portée par d’importantes mobilisations pour créer un rapport de force et faire pression sur les autorités publiques.

Parmi ces luttes, la plus médiatisée est l’opposition déterminée de la population locale contre le déménagement du Casino de Montréal aux abords de Pointe-Saint-Charles. Le rapport de force qui a permis de bloquer ce mégaprojet s’est construit avec la mobilisation d’une large partie de la population et des organismes communautaires du quartier et une diversité de stratégies déployées par la table Action Gardien.

Plusieurs actions ont été mises en œuvre d’abord pour démontrer l’ampleur de l’opposition dans le quartier : assemblées publiques et marche dans le quartier de centaines de personnes ; argumentaire distribué de porte en porte ; pétition signée par la majorité des gens du quartier déposée à l’Assemblée nationale ; bannières et affichettes dans les locaux des organismes et les fenêtres des maisons ; occupation symbolique sur les terrains visés en y plantant un drapeau citoyen. Par voie de conférences de presse et communiqués, les militantes et les militants ont contré la campagne promotionnelle de Loto-Québec et dénoncé les effets néfastes d’un casino à proximité d’un quartier pauvre ainsi que l’incertitude quant à la viabilité du projet. L’opposition s’est élargie au-delà du quartier par des alliances avec les quartiers voisins et les organismes luttant contre la dépendance au jeu, ainsi que par une campagne provinciale pour exiger l’abandon du projet et un débat public sur le rôle du gouvernement dans la promotion des jeux de hasard. Cette opposition a donné lieu à une commission parlementaire sur le projet du Casino et à des rapports reprenant une bonne partie de l’argumentaire développé localement[6].

La victoire dans la lutte de résistance contre le déménagement du Casino et l’implantation d’un centre de foires international devait être suivie d’une offensive pour proposer des alternatives de développement sur l’immense friche industrielle des anciens terrains ferroviaires du Canadien National. Ceux-ci avaient été acquis par un promoteur pour la somme symbolique de un dollar avec l’obligation de les décontaminer. De nouveau, il a fallu mobiliser la population pour contrer les plans du promoteur et faire pression sur les autorités municipales pour que le changement de zonage requis s’accompagne de conditions qui respectent les demandes du quartier.

Une deuxième OPA a donc été réalisée en 2007, au cours de laquelle des citoyennes, des citoyens et les groupes communautaires de Pointe-Saint-Charles ont été invités à élaborer des propositions d’aménagement du site, qui ont ensuite été mises en forme avec le soutien d’architectes et d’urbanistes. La table de concertation Action Gardien qui a été au cœur de cette lutte était alors en mesure de proposer des alternatives crédibles de développement sur cette immense friche industrielle.

Au-delà d’une importante participation aux deux exercices de consultation menés par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur les balises de développement, puis sur les plans du promoteur, le rapport de force s’est poursuivi dans la rue. Il fallait s’opposer aux activités du promoteur qui détérioraient un parc en bordure du secteur industriel et augmentaient le camionnage lourd dans des rues résidentielles avec des risques accrus pour les familles résidentes. Ces mobilisations d’une décennie et la vigilance constante de la Table de concertation et du milieu local ont permis de faire certains gains comme la protection du parc, une planification urbaine sur le site qui comprend une proportion de logements sociaux et communautaires dépassant les normes municipales et le transfert de propriété à la collectivité locale d’un grand bâtiment industriel, le Bâtiment 7.

Le Collectif 7 À Nous s’est réapproprié ce bâtiment industriel patrimonial, afin de le convertir en une « fabrique d’autonomie collective », un lieu de rassemblement alternatif incluant services de proximité, ateliers collaboratifs, agriculture urbaine, etc.[7] La conversion du Bâtiment 7 est pilotée par un collectif qui regroupe des militantes et des militants de différents courants sociopolitiques, issus des milieux communautaire, libertaire, de l’économie sociale. Elle reflète et prolonge certains traits marquants de l’histoire populaire du quartier qui a su dépasser les débats et différends idéologiques pour coaliser les forces, maintenir un pouvoir citoyen et innover sans cesse. Le Bâtiment 7, qui a ouvert ses portes en mai 2018, illustre la capacité du réseau de Pointe-Saint-Charles de s’organiser, de lutter contre une certaine vision de développement et d’innover pour en faire vivre une autre, à son image.

Des luttes populaires dépassant le cadre local pour viser les politiques publiques

À travers son histoire, le réseau communautaire du quartier n’a pas hésité non plus à susciter ou même à organiser des mobilisations plus larges sur des enjeux qui débordent le cadre local et ciblent les politiques publiques. Sans faire le tour de toutes les initiatives, soulignons la lutte de la Clinique communautaire pour la parité des prestations d’aide sociale pour les jeunes au cours des années 1980 et, plus récemment, sa campagne contre les frais abusifs en santé qui confrontent les politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux. Quant aux Services juridiques communautaires, ils ont été un pivot dans la bataille qui a mené à l’augmentation des seuils d’accès à l’aide juridique en 2017.

Dans la foulée de la politique du déficit zéro du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, le mouvement communautaire québécois entame une longue lutte contre les compressions dans les programmes sociaux et l’appauvrissement de la population. Une mobilisation mise en oeuvre à Pointe-Saint-Charles, Pauvreté zéro, contribuera activement à la campagne panquébécoise, lancée en 1997. Au début des années 2000, c’est le mot d’ordre J’ai jamais voté pour ça imaginé localement qui a rallié et inspiré une campagne québécoise contre les compressions dans les services publics. De nos jours, Action Gardien et plusieurs groupes du quartier, dont le Welfare Rights Committee et le Comité des sans emploi, sont parmi les membres fondateurs de campagnes montréalaises et québécoises, telles que le mouvement pour la tarification sociale du transport en commun ou encore Pauvre + captif qui lutte contre des mesures discriminatoires à l’aide sociale[8].

Le réseau communautaire du quartier a su ancrer ses revendications dans la réalité quotidienne des personnes qui vivent la pauvreté pour les mobiliser dans des actions de changement tout en ralliant des forces qui débordent du cadre local. Cette stratégie est essentielle pour agir sur les politiques publiques qui ont un effet structurel sur les conditions de vie de toute la population québécoise. Ces luttes contribuent par le fait même à renforcer la base citoyenne en s’associant au mouvement populaire plus large.

Des défis toujours présents

Au plan local, les luttes urbaines enracinées dans le temps et ancrées dans le tissu communautaire et militant du quartier ont permis des gains importants. Au fil des années, le réseau communautaire réuni autour de la Table Action Gardien a su innover pour développer de nouvelles approches et outils de mobilisation afin d’interpeler les élu-e-s locaux et freiner l’impact d’un développement urbain au service des intérêts de promoteurs immobiliers. Les stratégies de lutte contre des projets inacceptables ou sans retombées locales se sont combinées à des processus d’appropriation et d’élaboration par les gens du quartier de propositions concrètes pour le développement du quartier et de revendications qu’Action Gardien continue de défendre auprès des élu-e-s à travers des négociations ou des pressions citoyennes.

Mais plusieurs batailles ont été perdues, notamment la prolifération de condominiums de luxe en bordure du canal de Lachine selon un mode de développement promu par les élites politiques et les promoteurs. L’expansion du centre-ville avec la pression accrue des développeurs, la multiplication des mégaprojets immobiliers et la transformation du cadre bâti au cœur du quartier entrainent une hausse du coût des logements et la perte de logements locatifs. La composition sociale du quartier change avec un sentiment d’exclusion accru de la population moins favorisée. Pour ces personnes, le réseau communautaire reste un lieu d’expression et de défense de leurs droits sociaux collectifs. La lutte contre l’embourgeoisement du quartier et la réappropriation de notre milieu de vie doit s’intensifier. L’arrivée d’élu-e-s plus progressistes à l’administration municipale est certes bienvenue, mais ne doit pas pour autant faire baisser la vigilance. Les forces immobilières et spéculatives sont toujours bien présentes et nécessitent un constant rapport de force et une surveillance soutenue des décisions des autorités municipales. Dans Pointe-Saint-Charles comme ailleurs au Québec, le réseau communautaire se mobilise pour résister aux stratégies de l’État qui visent à lui déverser des responsabilités à moindre coût pour compenser les coupes dans le secteur public. Les groupes communautaires autonomes de Pointe-Saint-Charles sont confrontés aux mêmes défis qu’ailleurs : réduction des financements publics et transfert vers les fondations privées, atteinte constante à leur autonomie avec des financements publics et de fondations qui orientent les projets et activités, professionnalisation au sein des groupes, transformation de la composition des conseils d’administration, etc.

Un acquis notable est le maintien d’une situation unique dans certains organismes qui ont conservé un conseil d’administration citoyen tout en assurant des mandats relevant des services publics, comme la Clinique communautaire ou les Services juridiques communautaires. Mais là aussi, les normes professionnelles et administratives et les programmes de l’État constituent des contraintes de plus en plus présentes qui obligent à des négociations et des pressions pour garder une marge d’action permettant d’intervenir dans la défense des droits sociaux et des conditions de vie de la population du quartier.

La vitalité du mouvement populaire de Pointe-Saint-Charles repose sur la mobilisation citoyenne et sur la continuité dans le leadership collectif à travers des militantes et des militants impliqués dans les projets et les luttes locales, parfois depuis plusieurs décennies. Ils collaborent avec une relève militante attirée par le dynamisme bien connu du quartier, ce qui favorise la transmission des valeurs et des acquis tout en utilisant les nouveaux outils de mobilisation et de participation citoyenne.

L’histoire des luttes permet de mettre en évidence ces acquis à valoriser et à adapter pour faire face aux défis qui confrontent le mouvement populaire québécois. Au-delà des mouvements de résistance, le milieu communautaire doit poursuivre dans sa capacité à innover, sortir des sentiers battus pour construire localement son projet alternatif de société tout en se mobilisant avec d’autres à l’échelle du Québec et au-delà pour des changements structurels qui assurent un réel partage de la richesse et un développement collectif au bénéfice de tous et de toutes.

Jocelyne Bernier et Karine Triollet

Respectivement chercheuse et ex-coordonnatrice de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, et coordonnatrice d’Action Gardien

 

 

  1. Divers facteurs sont en cause, notamment l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959 et le développement des autoroutes favorisant le transport routier dans les années 1960.
  2. Notamment les mouvements d’action catholique, des prêtres ouvriers – les Fils de la Charité – et le centre communautaire de l’Église unie Saint-Colomba House qui vient de fêter ses 100 ans de présence dans le quartier.
  3. Au voisinage de Pointe-Saint-Charles, le quartier Victoriatown fut complètement rasé pour faire place à l’autoroute Bonaventure et à l’autostrade de l’Expo 67.
  4. L’exemple des Îlots Saint-Martin de la Petite-Bourgogne et des Habitations Jeanne-Mance du Centre-Sud.
  5. Pour une présentation détaillée des luttes urbaines dans les années 2000, voir Karine Triollet, « Une décennie de luttes urbaines à Pointe-Saint-Charles, vers une réappropriation citoyenne ? », Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 10, automne 2013.
  6. Mentionnons le rapport Coulombe commandé par le gouvernement et celui de la Direction de santé publique de Montréal.
  7. Pour plus de détail sur les projets, voir le site : <http://www.batiment7.org/>, ainsi que Marco Fortier, « La mise au monde d’une utopie », Le Devoir, 8 mai 2018.
  8. Voir les sites : <https://pauvreetcaptif.com/a-propos/>et <https://transportabordable.org/a-propos/>.

 


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