Il faut penser la question de la colonialité du pouvoir alors que la mondialisation lance ses tentacules dominatrices et étouffantes sur l’ensemble du monde. Elle étreint les peuples en les maintenant dans une précarité de plus en plus grande et lorsque ses objectifs rencontrent des résistances, ses alliés portent la guerre au nom de valeurs démocratiques et humanitaires qui, dans leurs propres pays, sont bafouées.
Racisme et colonialité
Cette organisation capitaliste mortifère est basée sur la croyance qu’il y a une hiérarchisation des « races » et des cultures, avec l’idée forte que la civilisation européenne est supérieure à toute autre. 50 ans après les indépendances, on peut dire que si le colonialisme n’existe plus sous ses formes directes, la colonialité n’a jamais disparu des esprits et particulièrement de ceux qui organisent le monde au regard de leurs intérêts.
Les conséquences s’expriment, entre autres par une réécriture et une mystification de l’histoire et par l’expression d’un racisme venant frapper de plein fouet ceux et celles qui en sont victimes. La race « comme mode et résultat de la domination coloniale moderne » (1) n’a jamais cessé d’investir tous les champs du pouvoir capitaliste et le racisme, ainsi que le souligne Frantz Fanon est devenu « l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d’une structure donnée » (2).
A cela s’ajoute la construction d’une représentation concernant une certaine « identité nationale » devant assurer une « pureté » biologique, religieuse et culturelle, afin de cimenter la cohésion sociale pour se protéger de supposés ennemis. . Comment s’en sortir ? Nous sommes dans l’obligation de reconnaître que les races, dans les sociétés contemporaines, sont réelles parce que la catégorisation raciale existe et entraîne une stigmatisation, une domination et une perpétuation des inégalités.
La seule manière de changer cette situation à une société idéale n’est pas de fermer les yeux sur ces constructions, mais de les déconstruire et de mettre à jour leur arbitraire, leurs effets discriminants. En ce sens, « explorer la décolonialité » oblige à se focaliser sur le principe de la reconnaissance comme une question de statut social et politique afin de ne plus appréhender les membres par leur origine ethnique originelle, mais en leur reconnaissant un statut de partenaires égaux et différents dans les interactions sociales. Cela oblige à travailler sur la transformation des conditions structurelles de la domination pour déconstruire la catégorisation raciale.
Notes
1. Anibal Quijano, « Race et colonialité du pouvoir », Mouvements 3/207, n° 51, pages 111-118
2. Frantz Fanon, Peaux noires et masques blancs