Pierre Mouterde
Sociologue et essayiste, membre des NCS et de Québec solidaire
S’il y a bien quelque chose de positif dans la crise de la pandémie du coronavirus, c’est qu’elle permet de voir ce qu’en d’autres temps on peinerait à distinguer mettant brutalement en lumière des pans entiers de la réalité jusque là négligés et gardés dans l’ombre.
Ainsi en va-t-il de l’idée d’indépendance du Québec. Réinterprétée à l’aune de la crise sanitaire que nous sommes en train de vivre, elle pourrait soudainement apparaître sous un jour beaucoup plus séduisant qu’elle ne l’a été ces dernières années. Car en dépit du caractère mondialisé de la pandémie touchant de proche en proche toute l’humanité, c’est à l’échelle de l’État-nation que, dans les faits, nous sommes arrivés un peu partout sur la planète Terre à nous organiser collectivement pour y faire face. Ramenant, par exemple, sur le devant de la scène l’idée que les systèmes d’éducation et de santé publics devraient être, à l’encontre de la vulgate néolibérale, des services essentiels dans lesquels il ne faudrait pas hésiter à investir massivement. Ou encore, rappelant combien il pourrait être utile de prendre conscience, à l’ombre d’un État redevenu pour un temps un peu plus « providence », de l’importance de l’autosuffisance médicale ou alimentaire. Et que dire de ces manques flagrants d’autonomie et de pouvoir qui ont fait grand bruit au tout début du confinement, lorsque le gouvernement Legault – projeté soudainement en première ligne – a constaté qu’il n’avait, pour protéger la santé des Québécois et des Québécoises, aucun pouvoir sur les aéroports, les ports et les frontières, complètement dépendant qu’il était des velléités fédérales ?
L’urgence
ll y a donc des vérités qui, mises de côté ou oubliées, redeviennent, à l’occasion d’événements décisifs, objets de réflexions inattendues et de regards neufs. Des vérités qui méritent d’être remises au goût du jour.
En ce sens, l’indépendance pourrait bien être pour le Québec une des clefs politiques et stratégiques des temps difficiles que nous traversons, un de ces changements de cap radicaux qu’exige aujourd’hui notre civilisation et dont la crise du coronavirus montre comme jamais l’urgente nécessité. Car à l’ombre de ce mal invisible et si difficile à contenir, de cette peur diffuse qui rôde, cette crise nous révèle l’extrême précarité de notre mode de vie contemporain, grevé d’une multiplicité de crises (sanitaire, écologique, économique, politique et culturelle) qui s’emboitent étroitement les unes dans les autres et qui, dès que l’on met les choses en perspective et que l’on prend une distance historique, appellent à des transformations structurelles.
La crise sanitaire déclenchée par la COVID-19 n’est en effet qu’une crise de plus, mais elle s’ajoute aux diverses crises qui se sont dressées sur notre chemin ces dernières années et en redouble et complexifie les impacts. Qu’il suffise de penser à la crise économique de 2008 et aux difficultés et fragilités non encore réglées qu’elle a fait naître dans le monde, ou encore à la crise environnementale, dont on débat depuis au moins 2001 sans pour autant parvenir à s’entendre sur des solutions pertinentes. Ou à la crise de la représentation politique, dont le chaos géopolitique actuel comme le retour en force de régimes autoritaires ou populistes de droite montrent toute l’amplitude.
C’est donc à partir de ces nouveaux éclairages et des questionnements abrupts soulevés par la COVID-19 que nous essayerons ici de montrer comment le vieux paradigme de l’indépendance et du socialisme des années 1960-1970 pourrait – une fois réactualisé et réinséré dans les grands enjeux du XXIe siècle – garder toute sa vigueur et son actualité.
Certes, et bien des articles de ce dossier le montrent1, le bateau de l’indépendance du Québec a donné l’impression ces dernières années de prendre l’eau, tout au moins auprès de secteurs importants de la population. C’est ainsi que l’alternative politique « fédéralisme/souverainisme », si dominante au cours des années 1960-1970, a paru laisser la place, au fil de préoccupations culturelles inédites, à une nouvelle alternative, marquée cette fois-ci par la distinction « gauche/droite ». De plus, l’indépendance a semblé perdre de l’importance, en particulier au sein des générations montantes du Québec et par conséquent d’une certaine intelligentsia radicale.
Il faut en prendre acte, comme il faut tenir compte et tirer leçon des défaites référendaires de 1980 et de 1995 qui n’ont pas manqué de peser sur le devenir historique des idéaux souverainistes. Mais dire cela ne veut pas dire pour autant abandonner l’idée d’indépendance. Il reste au contraire à montrer comment – à condition de l’actualiser et de tirer les leçons du passé – l’indépendance reste une idée politique clef, d’une grande fécondité pour l’avenir des classes populaires du Québec. Une idée qui leur permettrait de retrouver le sursaut d’énergie politique qui leur manque tant aujourd’hui et qui demeure nécessaire pour mettre en route les changements de cap radicaux à effectuer au Québec, tout comme pour mener à terme les longues transitions vers d’autres modes de vie et de production plus égalitaires et moins prédateurs vis-à-vis de la nature.
Ce que l’histoire a laissé derrière nous
Il est vrai qu’il y a eu, en soixante ans, au Québec, d’indéniables changements d’ordre économique, social, politique et culturel dont il faut prendre acte. En ce sens, nous ne pouvons plus penser l’indépendance dans les termes du passé, fût-il à travers le prisme de ceux qui défendaient le paradigme de l’indépendance et du socialisme et voyaient l’indépendance du Québec comme partie prenante des luttes du tiers-monde et de la décolonisation, antidote à la condition de « nègres blancs d’Amérique » des classes populaires québécoises pour qui les oppressions économique, sociale, politique, religieuse et culturelle se combinaient étroitement2.
Bien de l’eau a coulé sous les ponts, et depuis se sont ouverts, au cours d’une période non négligeable (1960-1990), des espaces d’affirmation nationale indéniables. On peut penser, à l’ombre de la Révolution tranquille et du développement d’un État provincial tout à la fois « providence et entrepreneur », à la nationalisation d’Hydro-Québec, à la mise sur pied de la Caisse de dépôt et placement du Québec, au renforcement des syndicats, ou encore aux effets de la loi 101 sur la primauté du français dans l’espace public, à la mise en place de systèmes d’éducation et de santé publics et laïcs, à l’affirmation d’une culture québécoise créatrice et vivante. On peut penser aussi à la modification du tissu démographique québécois, plus diversifié, au développement d’une bourgeoisie nationale dont les fractions entrepreneuriales et financières n’ont pas cessé de prendre de l’ampleur.
Ce qu’il faut noter cependant, c’est que tous ces efforts d’affirmation souverainiste, toutes ces avancées, ont été ralentis puis littéralement paralysés par les deux échecs politiques notoires qu’ont représentés les référendums perdus en 1980 et 1995. Ils ont aussi été considérablement affaiblis par l’affaissement du projet sociopolitique péquiste et sa transformation progressive d’un projet politique nationaliste populaire de type keynésien à un projet identitaire de type social-libéral, voire néolibéral. Avec comme référents symboliques, au départ en 1976, le fameux « préjugé favorable aux travailleurs », et en fin de course, en 2013, la si discutée « Charte des valeurs », en passant par le très révélateur « déficit zéro » de 1995.
C’est pourquoi ces volontés affirmées de souveraineté, même si elles ont pu atténuer ou infléchir certaines des formes traditionnelles de l’oppression nationale, n’ont pas pu régler la question de l’oppression proprement politique du peuple québécois. Cette désappropriation politique – au-delà de la négation du droit à l’autodétermination dont la Loi sur la clarté en est à ce jour le dernier signe et le plus manifeste– se caractérise notamment par l’existence d’un État provincial croupion ne disposant d’aucun pouvoir autonome en matière de politique militaire, étrangère et constitutionnelle ni d’aucun pouvoir décisif et structurant en termes écologiques et économiques.
La situation est d’autant plus inquiétante que depuis le début des années 1980, et plus spécialement à partir du milieu des années 1990, un nouveau mode de régulation de l’économie de marché capitaliste, le mode de régulation néolibéral, a fini par s’imposer au Québec. Tendant à saper ou à remodeler une bonne partie des transformations socioéconomiques effectuées lors de la Révolution tranquille, notamment par le renforcement de la privatisation, de la dérèglementation et de la libéralisation/internationalisation des échanges (ALENA, accords de libre–échange avec l’Europe, etc.), ce dernier a grugé d’importants espaces d’autonomie gagnés précédemment.
Plus récemment encore, dans le sillage de la crise des surprimes de 2008, on a vu s’affirmer’bélfédé .’, une nette tendance à la re-primarisation de l’économie capitaliste canadienne et à son recentrement autour des lobbies miniers, pétroliers et financiers de lOuest, impliquant une nouvelle mise au pas de l’économie quécoise depuis les pouvoirs régaliens de ’État ral,relais décisif de la mondialisation néolibérale Ce phénomène se traduit aussi par une marginalisation et un décentrement économique du Québec au sein de lespace canadien, complétant ainsi sur le plan économique, la reprise en main que la Loi sur la clarté avait commencé à instaurer sur le plan politique.
Un arc-en-ciel de nouvelles sensibilités sociales et politiques
On peut donc conclure que malgré des acquis non négligeables, principalement gagnés entre les années 1960 et 1990, le Québec connaît toujours des conditions économiques, sociales et politiques qui alimentent des formes spécifiques d’oppression nationale et suscitent des volontés renouvelées de souveraineté, même si les unes comme les autres prennent aujourd’hui des formes inédites. On peut penser, à titre d’exemple, à la toute-puissance des GAFAM3 et à la façon dont non seulement ces compagnies contournent les pouvoirs des gouvernements sur le plan fiscal, mais encore imposent de nouvelles formes de domination culturelle, à cent lieues des volontés souveraines québécoises.
D’où le relatif flottement idéologique autour de la question nationale du Québec, notamment au sein des générations montantes, ainsi que la relative indétermination des arguments politiques portant sur l’indépendance proprement dite. En effet, si l’on s’attarde à ce bloc des 30 à 40 % de la population québécoise qui, selon les sondages, garde encore un intérêt marqué pour une forme ou l’autre de souveraineté, que remarque-t-on ? Au-delà des contradictions et des hésitations propres aux franges péquistes et aux difficultés majeures que connaît l’ex-vaisseau amiral de la souveraineté du Québec, ce que l’on peut observer, c’est que l’on ne semble pas tant rejeter l’idée d’indépendance que le fait de lui préférer d’autres enjeux, apparemment plus vitaux, plus essentiels : par exemple les questions écologiques, les luttes féministes pour l’égalité, les luttes contre les discriminations systémiques au nom d’exigences démocratiques plus grandes; ou encore les dimensions plus culturelles et proprement identitaires du phénomène national, dont la droite et l’extrême droite monopolisent chaque fois plus l’interprétation autour de la peur de l’étranger et d’une légitimation renouvelée du racisme.
Quoi qu’il en soit, c’est ce qui explique cet arc-en-ciel de nouvelles sensibilités politiques fragmentées que l’on retrouve de manière marquée tant du côté des partisans et partisanes de l’indépendance que des forces progressistes prises dans leur ensemble.
Aussi, si l’on fait exception des arguments traditionnels de gauche opposés à la lutte pour l’indépendance, c’est plutôt l’émergence de nouvelles sensibilités, de nouvelles préoccupations collectives qui, vis-à-vis de la pertinence de l’indépendance, paraissent révélatrices et porteuses d’avenir. En ce sens, ce n’est pas un hasard si la question de l’assemblée constituante est redevenue centrale dans la mouvance souverainiste, ainsi que celle du type de régime politique auquel elle pourrait donner jour’ . Car à travers ces thèmes, ce nest plus seulement la forme, mais aussi le contenu de l’indépendance qui deviennent objets de réflexion: comment faire, comme le rappelle Sol Zanetti, ’ït, ?’,pourque l’indépendance dune nation concide avec une véritable souveraineté populaire, avec un projet de sociéé égalitaire et puisse s’exprimerde part en part de manière démocratique Plus encore, comment faire pour que l’indépendance soit lexpression de véritables processus d’émancipation, ne laissant de côté ni les aspirations féministes, ni les enjeux environnementaux ou les volontés de décolonisation autochtone, ni même comme le note Catherine Dorion’’ô,’’. rn’ ., l’oppression marchande et capitaliste, qui serait selon elle devenue désormais avec lexpansion néolibérale plus importante que loppression religieuse ?
Vastes questions qui, plutt que de mettre une croix définitive sur l’indépendance montrent quon cherche – loin de toute stratégie par étapes – à lui ajouter de nouvelles facettes, à la repenser sur des bases beaucoup plus amples et globales; résultats sans nul doute de toutes ces crises combinées dont nous avons parlé précédemment.
Il faut le noter néanmoins, cette nouvelle approche sexprime sur un mode extrêmement intuitif et fragmentaire, voire poétiqueElle nourrit une éflexion menée encore largement en silo, enfermée la plupart du temps dans une perspective géérationnelle étroite, de sorte que toutes les dimensions plus politiques et stratégiques de cette nouvelle marche vers l’indépendance semblent pour linstantpassablement oubliées. Y compris des groupes les plus mobilisés à ce propos, comme Québec solidaire
Ce sont pourtant ces dimensions qui ont été mises de l’avant dans les décennies passées et qui ont fait de la question de la souveraineté une question politique clef pour le Québec (d’où le fameux enjeu récurrent de la date référendaire). Le défi consiste donc à repenser la marche vers l’indépendance en tenant compte des sensibilités nouvelles et prometteuses qui émergent, tout en leur donnant les dimensions politiques et stratégiques qui leur manquent cruellement et qui leur enlèvent une grande partie de leur force transformatrice.
Une indépendance pour le XXIe siècle
On tentera ici d’enrichir ce nouveau récit sur l’indépendance du Québec au XXIe siècle – un récit si nécessaire et à réécrire à moult mains – en proposant quelques pistes de réflexion4 dont ces temps de pandémie ne font qu’exacerber l’importance, notamment au regard des exigences de réorientation socioéconomique radicale et de transition écologique conséquente. Bien sûr, quelques-unes de ces idées circulent dans certains milieux souverainistes, et particulièrement au sein de Québec solidaire (quoique de manière très inégale), mais elles sont loin d’avoir été débattues et soupesées, retravaillées en profondeur et reprises comme partie intrinsèque d’un nouveau récit indépendantiste. Un récit autour duquel pourraient se rassembler des secteurs de plus en plus nombreux de la population québécoise, soucieux non seulement de « bien commun », mais aussi de « souveraineté populaire », en particulier vis-à-vis des nouvelles formes de dépendance et de désappropriation imposées par la mondialisation néolibérale.
- Le rôle rassembleur de l’assemblée constituante. « Tous ensemble, mais pas tous pareils », c’est la formule de QS mise en avant par Sol Zanetti et Catherine Dorion. Mais si elle peut résonner comme un beau slogan, elle est loin de résoudre le problème de fond qu’elle évoque et qu’elle prétend régler : celui de reconstruire une large alliance populaire, pensée dans toute sa diversité, autour d’un même objectif politique et stratégique, l’indépendance. Or, cette tension entre la reconnaissance de la diversité et la volonté d’organiser politiquement une même marche vers l’indépendance ne pourra être résolue que si, comme l’ont toujours soutenu les partisans et partisanes de l’indépendance et du socialisme, on se donne les moyens d’unir le plus étroitement possible question sociale et question nationale. Et que si, à l’encontre de toute vision étapiste de la marche vers l’indépendance, on la pense comme un processus de « rupture démocratique continuée », c’est-à-dire comme un processus grâce auquel les aspirations sociales des classes populaires du Québec, actuellement si morcelées (féministes, écologiques, autochtones, syndicales, etc.) vont pouvoir s’exprimer, mais aussi se coaliser à cette occasion et se renforcer dans la quête commune d’un pays à soi. D’où l’importance politique clef du moment de l’assemblée constituante5 comme lieu où vont pouvoir se fusionner les aspirations sociales et nationales, au travers de l’élaboration démocratique de nouvelles lois fondamentales, pierres d’assise constitutionnelle d’un nouveau régime politique de type social et républicain,é,,. Ainsi pourra-t-on non seulement donner un contenu populaire une sorte de supplément d’âme social à l’ide d’indépendance mais aussi et surtout stimuler un appui populaire élargi qui seul peut garantir la possibilité d’une rupture victorieuse avec les diktats du fédéralisme canadien.
- La nécessaire mobilisation sociale et populaire. Il faut insister sur ce point : le caractère pleinement participatif, démocratique et populaire que l’on souhaite donner à la marche vers l’indépendance exige une mobilisation sociale, dont on est fort loin et qui devrait dépasser la seule mobilisation électorale et les 35 % de voix nécessaires actuellement pour former un gouvernement. Il requiert aussi de penser la marche vers l’indépendance à partir de la réactivation des mobilisations sociales ainsi que du réveil d’acteurs sociaux aujourd’hui divisés, fragmentés, engourdis et repliés sur eux-mêmes (particulièrement en cette période de pandémie). Or, sans l’appui décidé et organisé de larges secteurs de la population, en particulier des classes populaires et des organismes qui les représentent (les syndicats, les organisations sociales et communautaires, les mouvements sociaux), les indépendantistes ne disposeront pas des rapports de force politiques nécessaires pour faire plier ou reculer les oligarchies régnantes et les pouvoirs institutionnels favorables au statu quo. La bourgeoisie nationale étant en grande partie absorbée par les logiques de la mondialisation néolibérale, ce n’est qu’en s’appuyant sur les classes populaires comprises dans toute leur diversité’’él .’sd’ édé’,î’è que lon aura quelque chance de faire bouger substantiellement les choses et de reconstruire des rapports de force sociopolitiques favorables à l’indépendance. Dans limmdiat, cela veut dire penser à des organisations politiques indépendantistes autant « des urnes que de la rue », qui ne mettent pas – si on peut dire – tous leurs œufs dans le seul panier électoral, et qui cherchent à participer au retour en force des mouvements sociaux sur la scène politique. Le tout accompagné de mobilisations sociales chaque fois plus larges et puissantes !
L’indépendance comme ouverture sur le monde. Dernier éément et non des moindres: cette volonté d’indépendance pensée comme expression de la souveraineté populaire en acte appelle à penser l’indépendance du Québec comme ouverture nouvelle sur le monde Il ne sagit pas d’abord de penser l’indépendance comme éparation du reste du Canada, comme repli sur soi ou comme protection frileuse contre les prédations de la mondialisation néolibérale et les diktats de la tutelle féérale. Il sagit avant tout de la penser comme projet ouvert de construction de nouvelles solidarités entre nations (notamment les nations autochtones), peuples, provinces ou États d’Amérique du Nord qui pourraient décider d’établir entre eux de nouveaux liens politiques fondés surle respect du droit à l’autodétermination et sur desvolontés de souveraineté populaire et participative. Loin du féralisme dominateur et autoritaire canadien, actif relais de la mondialisation néolibérale ! D’où l’importance – si ngligée aujourdhui, y compris au sein de Québec solidaire – de revenir aux principes et pratiques de la solidarité internationale, et de tisser partout où cela est possible, en particulier dans les provinces du Canada anglais, des liens de solidarité entre peuples et organisations populaires.
On le voit, ces premières pistes, pensées en des temps de pandémie où toutes les cartes semblent devoir être brassées à nouveau indiquent bien comment le projet de l’indépendance et du socialisme ne pourra renatre que sil est capable de se mettre à la hauteur des défis posés par les transformations économiques, sociales et politiques majeures survenues depuis près de 40 ans, tout en restant fidle à l’objectif qui est le sien : unir aussi étroitement que possible les questions sociale et nationale.
Et peut-être est-ce cela l’intéressant : découvrir comment, dans la période que nous vivons, la marche vers l’indépendance, par ses vertus politiques unificatrices et ses exigences stratégiques rassembleuses, pourrait représenter une des meilleures manières de renforcer conjointement les forces progressistes et souverainistes, démultipliant d’autant leurs puissances de changement respectives; elles qui sont aujourd’hui si profondément marquées et affaiblies par les effets délétères de la fragmentation et de la division !
N’est-ce pas aussi en ce sens que l’indépendance du Québec, pensée comme souveraineté populaire en acte, reste plus que jamais à l’ordre du jour ?
1 Voir notamment l’article de Stéphane Chalifour et Judith Trudeau, « L’identité contre la nation », dans ce numéro des NCS.
2 Cette perspective s’appuyait sur une certaine approche marxiste voulant que les luttes de libération nationale étaient tout à fait légitimes et pouvaient se combiner à celles du prolétariat. En particulier pour les peuples n’ayant pas réussi au XIXe siècle à devenir, à l’instar du Québec, indépendants des puissances coloniales. Voir à ce propos le cas de l’Irlande analysé par Marx à partir de 1869, notamment dans : Les socialistes et la question nationale. Pourquoi le détour irlandais ?, Textes choisis et introduits par Pierre Beaudet, Paris, L’Harmattan, 2015.
La Loi sur la clarté référendaire, votée le 29 juin 2000 dans le sillage d’un jugement de la Cour suprême, prévoit – pour que le Canada accepte de négocier bilatéralement les modalités d’une sécession – que la question référendaire posée soit considérée suffisamment claire par la Chambre des communes et que soit suffisamment marquée la majorité qui se dégage à ce propos.
’bélfédé .’, Voir, dans ce numéro, l’article de Milan Bernard et Simon Tremblay-Pepin, « L’adversaire ».
3 GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.
’ Voir, dans ce numéro, l’article de Danic Parenteau, « Pour une république au Québec ».
, ’ït, ?’, Voir, dans ce numéro, les entrevues avec Sol Zanetti et Catherine Dorion, « L’indépendance incontournable » par Pierre Mouterde.
’’ô,’’. rn’ . Ibid.
4 Voir aussi, du même auteur, pour de plus amples développements : « La lutte pour l’indépendance du Québec. Axe stratégique d’une transition émancipatrice », Nouveaux Cahiers du socialisme, n° 22, automne 2019.
510 Il est question ici d’une assemblée constituante aux dimensions largement participatives et démocratiques ainsi que le souhaiterait QS.
,é,, Voir Eric Martin, Un pays en commun. Socialisme et indépendance au Québec, Montréal, Écosociété, 2017. Dans cet ouvrage, Eric Martin s’emploie justement à faire ce travail de réactualisation si nécessaire de la perspective « indépendance et socialisme ». Il fait le tour de quelques-uns des penseurs qui dans l’histoire du Québec ont cherché à en développer le potentiel émancipateur.
’’él .’sd’ édé’,î’è Les classes populaires, il faut être ainsi capable de s’adresser à elles à travers leurs caractéristiques concrètes, telles qu’elles se donnent à voir aujourd’hui : par exemple, celles de la diversité culturelle dont le Québec s’est considérablement enrichi ces dernières années; ou encore celles de la place grandissante occupée par les femmes notamment dans les fonctions de santé et d’éducation (si décisives en ces heures de pandémie).