Mercredi 10 août 2016 à 9 h à l’UQAM, DS-2585
La tendance du capitalisme aux expansions soudaines constitue le trait le plus remarquable de l’évolution moderne; en fait l’expansion a pris dans sa phase finale actuelle, l’impérialisme, une énergie si impétueuse qu’elle met en question toute l’existence civilisée de l’humanité.
Rosa Luxemburg, 1919
Depuis la crise de 2008, la restructuration néolibérale s’accélère : financiarisation, privatisation, réduction des services, tout cela au nom d’une nécessaire « austérité ». En plus des impacts gravissimes sur les couches moyennes et populaires, ce processus modifie la structure du pouvoir par la centralisation, la limitation des droits et la répression, au nom d’une nouvelle « ingénierie » de l’État et de la « New public management » (nouvelle gestion publique). Au-delà de son aspect, en apparence irrationnel, cette approche a des objectifs politiques précis pour consolider le pouvoir des dominants. Pour la confronter, il faut remonter à ses racines, analyser le processus et concevoir des stratégies de résistance adéquates.
Les intervenants
Philippe Hurteau est chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). Il s’intéresse aux mutations de l’État sous l’effet du néolibéralisme. On retrouve ses textes sur le site de l’IRIS (http://iris-recherche.qc.ca/publications)
Dominique Plihon est professeur d’économie à l’Université Paris XIII. Il est porte-parole d’Attac France depuis 2013. Plusieurs de ses textes récents se retrouvent sur le site d’Attac-France (https://france.attac.org/)
Michal Rozworski est un économiste et syndicaliste œuvrant à Toronto. Il écrit pour Jacobin, Ricochet et plusieurs autres publications, ainsi que sur son blogue (Political eh-conomy).
La crise n’est pas un incident de parcours
La crise introduit des inflexions durables dans la trajectoire de l’économie mondiale. C’est un nouvel ordre mondial qui se dessine avec beaucoup d’incertitudes. Au-delà de ces fluctuations transitoires, on peut émettre le pronostic selon lequel le rôle moteur des pays émergents aura tendance à s’épuiser dans la mesure où ils auront tendance à recentrer leur croissance sur la demande intérieure au profit de leur production nationale. Cette transition risque cependant de durer longtemps et de s’accompagner de manière croissante de déséquilibres et de tensions.
La mondialisation introduit des lignes de partage qui ne suivent pas les frontières des nations, mais tendent à découper, au sein des pays, les secteurs capables de se brancher sur le marché mondial et ceux qui en sont exclus : le développement de la précarité et de la pauvreté dans les pays les plus riches obéit au fond au même processus de mise en concurrence généralisée qui a pour effet une déstructuration des sociétés.
Les États-Unis ont manifestement comme objectif de rétablir leur suprématie économique en reconstituant ce que l’on appelait la « Triade » à travers le projet de grand marché transatlantique. Au Sud, les modèles émergents devraient buter sur leurs limites : selon les pays, dépendance aux matières premières, pression démographique, saturation du processus de rattrapage technologique, etc. L’intensification des échanges Sud-Sud et des intégrations régionales pourraient contrecarrer ces involutions. Mais, de manière générale, le talon d’Achille du capitalisme mondial est l’épuisement relatif des gains de productivité, les économies du Sud n’étant plus un relais suffisant pour ceux du Nord.
Le paysage que nous lègue la crise est donc porteur d’inquiétudes et d’interrogations sur le devenir de l’humanité et sa compatibilité avec un développement soutenable.
Michel Husson, Extraits de « Développement, crise, et mondialisation », in Beaudet et Haslam, Enjeux et défis du développement international (P.U.O, 2014)
Quelques références
- TREMBLAY-PEPIN, Simon (dir.), Dépossession, une histoire économique du Québec contemporain, Montréal, Lux, 2015
- HUSSON, Michel, Le capitalisme en 10 leçons. Petit cours illustré hétérodoxe, Paris, Zones, 2012