Les chiffres montrent depuis 2000 une nette augmentation des arrestations de migrants subsahariens, supplantant en quelque sorte leurs homologues nord africains. Ainsi, en 1996, les Africains subsahariens qui ont traversé la Méditerranée vers l’Espagne ne représentaient que 1,8 % du nombre total de migrants. Mais cette proportion a augmenté de 2 % en 1999 à 50,6 % en 2004. Selon l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime (rapport de 2006), de 200 à 300 000 Africains entrent clandestinement en Europe chaque année. De ce nombre, 100 000 sont interceptés en tentant leur chance sans compter ceux qui meurent en chemin. Finalement, l’invasion est elle vraiment un mythe ou la migration irrégulière africaine vers l’Europe a-t-elle significativement augmenté ces dernières années ? Sur la base de diverses études, entre 65 000 et 120 000 Africains subsahariens arrivent au Maghreb chaque année, dont environ 20-40 % finissent par traverser pour aller en Europe. Ceci va à l’encontre de l’idée répandue selon laquelle l’Afrique du nord n’est qu’une simple zone de transit mais souligne également le côté approximatif des informations disponibles. En fin de compte, les entrées irrégulières se chiffrent à quelques dizaines plutôt qu’à des centaines de milliers.
Ainsi, le Maghreb, et le Maroc en particulier, à partir des années 1990 est devenu le point de passage quasi obligé des migrants ayant de plus en plus de difficultés à obtenir l’indispensable « visa Schengen », dans cet espace européen institutionnalisé à l’échelle continentale par le traité d’Amsterdam en 1997. De plus, l’insécurité en Algérie ainsi que les émeutes de 2000 en Libye, ont renforcé la position du Maroc comme le pays de transit privilégié par les migrants, au-delà de sa situation géographique favorable (proximité de l’Espagne et les enclaves de Ceuta et Melilla). C’est sur des bateaux artisanaux (pateras) dirigés par des pêcheurs locaux que les migrants gagnent les côtes espagnoles. Le fait nouveau réside dans le changement de routes maritimes empruntées du fait de l’intensification des contrôles aux frontières et la répression de plus en plus systématique dans les pays du Maghreb, y compris au Maroc et en Libye. Les migrants se sont donc progressivement tournés vers les pays côtiers de l’extrême ouest du continent, tels que le Sénégal, la Gambie, la Guinée, la Mauritanie ou le Cap Vert, pour rejoindre les îles Canaries (par les cuyacos), afin d’éviter les zones devenues résolument hostiles à leur égard.
(Extrait d’un texte paru dans le numéro 5 des NCS, Migrations : Stratégies, acteurs et résistances)