Pour le mouvement féministe, faire de la politique autrement fait partie de son histoire. En effet, le mouvement des femmes s’est constitué en mouvement populaire dans les années 70 et a pris son ampleur dans les années 80. La société québécoise a assisté, à ce moment, à une transformation en profondeur des rapports sociaux de sexe. Ces transformations, souvent radicales, sont toujours en cours et ont touché l’ensemble de la société québécoise. Le mouvement féministe fait de la politique autrement en se fondant sur trois principes guidant sa composition, sa vision et son action : l’importance de l’autonomie du mouvement, la transformation des rapports sociaux pour atteindre l’égalité pour toutes et la remise en question du pouvoir dit traditionnel (entendre patriarcal).
L’autonomie du mouvement féministe a toujours été un enjeu de fond. L’autonomie de ses membres et des groupes qui le composent vis-à-vis les grandes structures telles que les partis politiques, les syndicats ou autres groupes communautaires, de même que l’autonomie vis-à-vis les hommes (la non-mixité), est essentielle à son action. L’émergence d’un parti politique se disant féministe, ne change rien au besoin de préserver cette autonomie, au contraire. Un mouvement se définit par sa capacité à être maître d’œuvre de ses orientations, de sa composition et de ses actions des plus libérales aux plus radicales. Un parti politique répond à des impératifs différents et ne peut satisfaire les besoins de transformations sociales et les choix organisationnels du mouvement féministe même s’il peut être un allié.
Le féminisme, comme analyse et comme vision politique, vise à transformer, en profondeur, les rapports entre les individuEs et les groupes de personnes. C’est là le vrai sens de la politique. Il faut se rappeler qu’à une époque pas si lointaine, être féministe, c’était diviser la classe ouvrière, c’était bourgeois ou contre révolutionnaire et ce n’était surtout pas ça LA politique. Avec son slogan, le privé est politique, ses revendications touchant autant l’État que les individuEs, ses remises en question des politiques de droite ou de gauche, le féminisme des années 80 a fait énormément de chemin et obligé une remise en question de la gauche.
L’autre principe essentiel pour faire de la politique autrement, c’est la remise en question du pouvoir patriarcal et de son caractère soi disant « naturel ». Le féminisme a fait valoir l’importance de reconnaître le pouvoir que l’on a, de le questionner et de s’engager à le partager dans une perspective d’atteinte d’une société plus juste et égalitaire. Peu de mouvements sociaux sont allés aussi loin dans la remise en question du pouvoir entre ses membres.
Ces principes féministes pourraient cependant être très utiles pour guider une réflexion pour faire de la politique autrement. Dans le contexte québécois : reconnaître l’importance de l’existence et du maintien des mouvements sociaux incluant leur autonomie, intégrer l’analyse féministe à nos actions afin de viser des changements en profondeur de notre société et accepter de partager le pouvoir nous permettraient d’avancer vers une réelle démocratie.
Diane Matte, coordonnatrice de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle