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Les élections à Montréal : Une analyse politique pour l’avenir !

En novembre dernier, nous avons été témoins de la victoire de Valérie Plante comme Mairesse et de Projet Montréal comme parti au pouvoir de la métropole de Montréal. Qu’en est-il au juste de cette victoire basée sur 52% du vote populaire? Le premier élément qu’il convient de réaliser est que les Montréalais-es ont voté à 31.7%, une baisse de 9,3% (les Montréalais-es avaient voté à 41% en 2017). Dans les faits, Valérie Plante et Projet Montréal à 52% de 31.7% ont obtenu seulement 16.4% des Montréalais-es. En fait, le vote a baissé de 9,3% et un pourcentage des possibles votants est resté chez eux. Une victoire certes, mais une qui démontre, par l’analyse du pourcentage du vote, une faiblesse notable.

Ceci est un jeu de chiffres qui, s’il est néanmoins important, ne nous démontre pas véritablement la force de la victoire de Mme Plante et de Projet Montréal. Ceci doit nous préoccuper pour l’avenir de la gouvernance de la ville. Cette analyse vise à donner un portrait éclairant sur la force de gouvernance que possèdent maintenant Valérie Plante et Projet Montréal.

Sur les 19 arrondissements, Projet Montréal en a gagné 18, une victoire très solide et qui démontre le contrôle non seulement sur les arrondissements, mais aussi sur les quartiers qui font partie de ces arrondissements. De plus, Projet Montréal a gagné 46 conseiller-es de Ville et 38 conseiller-es d’Arrondissement.

C’est ce bilan qui démontre la force de Projet Montréal et le contrôle que peut avoir Projet Montréal et la Mairesse dorénavant: 1 mairesse, 10 arrondissements sur 19. Nous devons ajouter à ceci le contrôle de Communauté Urbaine de Montréal (CUM), car la Ville de Montréal s’y présente avec un-e maire-sse et 15 conseiller-es de Ville, faisant maintenant un total de 16 représentant-es de Projet Montréal sur les 27 personnes y ayant droit de vote. Ainsi, nous pouvons dire que pour son 2e mandat, Valérie Plante est quasi hégémonique sur l’Île de Montréal et, c’est ici que réside sa force, une complète domination sur la gouvernance de la Ville et de la CUM.

Si Projet Montréal veut tenir ses promesses et mettre en œuvre sa plateforme – sa vision verte et progressiste, ainsi que le logement social et abordable, ou même seulement une partie de sa plateforme plus modeste et limitée, le parti doit aborder la question du pouvoir dans la Ville. La prétention de Valérie Plante à pouvoir être le gouvernement de tous les Montréalais-es est erronée, si on analyse qui est dans l’opposition et comment faire face à cette situation. Même avec un tel mandat électoral, Projet Montréal sera limité par les forces suivantes: le fait que le municipal est le niveau de gouvernement le plus faible et que ses ressources sont basées principalement sur les impôts fonciers. Les limites qu’a ce pouvoir à trouver des revenus supplémentaires constituent pour lui un obstacle de taille et créent une relation de dépendance à l’égard du gouvernement provincial et fédéral.

Les autres sources de dissension seront politiques, notamment les forces de l’opposition au Conseil municipal et des Arrondissements, qui s’opposeront à certains aspects du programme de Projet Montréal, mais il s’agit là de la force la moins importante. Plus important est celui de la bureaucratie de la Ville qui agit pour limiter et restreindre les réformes dans les limites établies (voir “Sauver la ville : Projet Montréal et le défi de transformer une métropole moderne” de Daniel Sanger paru en 2021 aux Éditions Écosociété).

D’autres parts, plusieurs exemples récents suggèrent que le gouvernement provincial n’est pas un allié de l’Administration Plante. Prenons l’exemple des récentes impositions du REM et de Turcot par le provincial, alors que la Ville de Montréal tente de limiter le transport automobile en son sein. Aussi, les politiques provinciales sur l’immigration et la laïcité ont un impact négatif, qui affectent disproportionnellement les Montréalais-es par rapport au reste de la province. Le manque de fonds pour le logement social est aussi un problème qui sape toute intention positive de Projet Montréal en ce sens.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, la Ville fait face à une menace puissante provenant de capitaux locaux et internationaux qui tentent par tous les moyens de s’approprier les terrains et d’imposer leur vision de développement effréné de la Ville. Malgré des politiques telles que le 20-20-20 (qui n’ont dans les faits que peu de valeur et sont facilement contournées par les promoteurs), le marché libre fonctionne toujours pour ceux qui ont des capitaux à investir. Cela conduit à d’importantes contestations et revendications foncières et celles-ci seront clés dans la façon dont la Ville se développera au cours des prochaines années du mandat de Projet Montréal.

Ces projets incluent:

  • Hôtel Dieu
  • Royal Victoria
  • Blue Bonnets
  • Divers projets de Ray-mont Logistique
  • REM vers l’Est
  • Malting
  • Bassin Peel
  • Divers terrains vacants…

Projet Montréal et le gouvernement de Valérie Plante doivent se voir en opposition à ces forces s’ils veulent mettre en place un programme urbain vert incluant une large expansion du logement social et abordable. La logique de la gouvernance pour toustes les

Montréalais-es est déficiente. Projet Montréal doit plutôt gouverner pour la majorité, en mettant l’accent sur la redistribution des ressources pour les travailleur-ses et les résident es à faible revenu. Le parti doit considérer ce mandat comme étant en conflit avec la structure de pouvoir qui est dominante et pour ce faire, une force extra-parlementaire qui pousse et soutient les bonnes initiatives politiques est essentielle.

Deux éléments sont nécessaires :

  1. d’une part, le renforcement d’une coalition comme Prenons la Ville en mobilisation avec divers groupes et individus axés sur les municipalités locales, afin de former un contre-pouvoir à l’opposition auquel fait face Projet Montréal;
  2. d’autre part, la compréhension de la part de Projet Montréal que cette opposition doit être mobilisée pour soutenir son programme.

Si Projet Montréal tente de gouverner de manière traditionnelle, il échouera et sera obligé de concéder aux pouvoirs dominants en place. Prenons la Ville, en conjonction avec les groupes de défense du logement, de l’environnement et bien d’autres qui font activement valoir et défie la Ville de leurs exigences et leurs programmes, peut en fait devenir une force qui permettrait d’éviter cet écueil.

Finalement, nous avons observé un manque de volonté à élargir le processus démocratique à une plus grande participation citoyenne. Nous ne voyons pas dans leur programme quelque chose qui permettrait de donner du pouvoir à des assemblées citoyennes de quartier et réduirait le pouvoir centralisateur du Comité exécutif. Les structures accordent un pouvoir extraordinaire au bureau du maire et à ses nominations au Comité exécutif. Les Arrondissements ont des mandats limités et leurs Conseils limitent le rôle des résidents à une période de questions très limitée et contrôlée. Les diverses instances telles que l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sont des outils importants, mais leurs recommandations sont en fin de compte seulement mises en œuvre à la discrétion de la Mairie et du Comité exécutif.

Prenons la Ville et ses allié-es peuvent ramener les demandes au niveau des quartiers, dans le cadre d’une stratégie visant à lutter contre la prise de contrôle croissante de la Ville par les capitaux privés et leurs partisan-es. Ils peuvent aussi revigorer les forces qui défient les gouvernements qui agissent contre les intérêts des citoyens.

Justement, que signifie gouverner dans un contexte pareil? En dépit de quelques références ici et là à la démocratie et à la consultation, nous pouvons constater que ceci reste pour l’instant des vœux pieux. À Prenons la Ville, nous considérons que l’idée de la démocratie a disparu du radar au cours de cette élection et de la gouvernance proposée par Projet Montréal. Que pouvons-nous attendre des consultations et des programmes de développements quand il n’y a plus d’opposition?

La seule réelle opposition peut venir d’une coalition comme Prenons la Ville dans une forme extra-parlementaire en appuyant la voix des citoyen-nes dans les quartiers. Nous croyons à une démocratie citoyenne horizontale. Ensemble, nous pouvons surveiller et analyser attentivement les programmes, politiques et déclarations politiques. Ceci suppose une solidarité entre les quartiers et c’est ce que pourrait assurer une coalition telle que Prenons la Ville.

Les élections sont terminées et nous entrons maintenant dans une ère de gouvernance à surveiller et qui doit non seulement être la politique de l’Administration de Valérie Plante, mais surtout une politique développée par les quartiers et les groupes communautaires et sociaux, avec le soutien de Prenons la Ville. Ainsi, nous irons vers une nouvelle étape de municipalisme et serons ensemble davantage prêt-es à toute éventualité.

Les quatre points stratégiques de Prenons la Ville restent :

  • Logement social
  • Lutte contre le changement climatique à Montréal
  • Démocratie directe et horizontale
  • Justice économique et sociale

Nous envisageons aussi que d’autres revendications s’ajouteront, en fonction de la conjoncture mise de l’avant par l’Administration Plante.

Afin de solidifier notre position, nous souhaitons mettre en place des assemblées citoyennes régulières afin de créer un front commun citoyen et participer à des actions citoyennes pour faire valoir les revendications des quartiers et des arrondissements, pour aboutir à un sommet citoyen organisé par Prenons la Ville (vers la fin mars ou mi-avril 2022).

La lutte continue!

Donald Cuccioletta et Eric Shragge pour Prenons la Ville

 

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