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Les défis de la gauche en Amérique latine

Vendredi 12 août 2016 à 9 h et à 13 h (2 parties), à l’UQAM, R-M120

 

Manifestants PaysansDepuis 1999, un nouveau cycle politique apparaît en Amérique du Sud. Catalysés par les luttes populaires contre les politiques néolibérales des « décennies perdues » (1980-1990), des partis progressistes sont élus et promeuvent d’importantes initiatives en faveur du peuple à travers des politiques de redistribution et d’avancées en matière de politique sociale, de même que par la promotion des droits et de la légitimité de la lutte contre l’oppression. Pour autant, ces expériences ne permettent pas de confronter l’héritage des politiques de mal-développement héritées du néolibéralisme. Les gouvernements progressistes ont bénéficié d’une conjoncture internationale qui a gonflé les prix des ressources naturelles; ce faisant, ils se sont davantage enfoncés dans l’économie globalisée et ils peinent à contrecarrer le retournement qui se manifeste par la réduction de la croissance, notamment en Chine. Aussi, les mouvements populaires et la gauche sont devant un double défi : confronter le retour de la droite d’une part, et rénover la pensée et la pratique politiques dans le sens d’une réelle émancipation d’autre part. Cet atelier (qui se tiendra en deux sessions) permettra de cartographier le moment critique qui traverse la région, en portant attention aux traits communs et spécifiques de divers pays de la région pour explorer les nouvelles stratégies émergeant des luttes.

 

Intervenant-e-s

  • Sueli Carneiro (Brésil)
  • Sergio Haddad (Brésil)
  • Émilio Taddei (Argentine)
  • Lilian Celibeti (Uruguay)
  • Giovanna Rosa (Chili)
  • Pablo Solon (Bolivie)
  • Eduardo Ballon (Pérou)
  • Pierre Mouterde (Québec)
  • Bernardo Toro (Colombie)

 

Les nouveaux chemins du socialisme en Amérique latine

Alvaro García Linera[1]

En Équateur, en Bolivie et au Venezuela, le néolibéralisme a longtemps prévalu. Mais peu à peu à travers d’innombrables batailles des idées, ce paradigme s’est disloqué. Il y a eu une secousse spirituelle, mentale et culturelle dans les sociétés latino-américaines, une brisure culturelle, symbolique. Inspirés par Gramsci, nous avons compris qu’il ne peut y avoir de conquête du pouvoir, ni de transformation du rapport de forces dans l’État, s’il n’y a pas d’abord un changement des perceptions logiques et morales concernant l’organisation du monde et de la société. En d’autres mots, il ne peut pas y avoir un assaut contre le pouvoir (par voie électorale ou révolutionnaire), s’il n’y a pas d’abord une transformation des paramètres culturels. En réalité, l’hégémonie, en se référant à Gramsci et à Lénine, est une lutte culturelle, de symboles, d’identité, de visions, d’idées forces dans la société. Pour vaincre l’adversaire, il faut lui infliger une défaite culturelle, éthique, politique et, éventuellement, militaire. Inévitablement, la révolution doit se traduire en intervention imposant le renversement de l’adversaire.

Pour éviter le piège de remplacer des élites par d’autres, certains courants de gauche se refusent à prendre le pouvoir en se retirant dans de petits groupes, communes ou activités semi-autonomes. Mais lorsqu’on s’éloigne du pouvoir sous prétexte de ne pas se salir les mains, ça ne le fait pas disparaître. Au contraire, le pouvoir de l’État persiste sous la coupe de politiciens très proches des oligarchies traditionnelles. En s’isolant, nous laissons l’État désorganiser la société. Pour prendre le pouvoir cependant, il faut arrêter de concevoir l’État comme une chose à conquérir. L’État, c’est un ensemble de rapports sociaux. Mais l’État, c’est aussi la gestion du commun, de l’universel et du collectif. C’est une relation paradoxale, matérielle et idéale, collective et monopolisée, universelle et individualisée. Il faut s’emparer de cet État et transformer le pouvoir en le démocratisant.

Les processus révolutionnaires doivent apprendre à gérer le pouvoir, y compris au sein du gouvernement, du parlement, des ministères. En même temps, la démocratie latino-américaine, réelle, profonde et radicale, doit compter sur la mobilisation et la participation de la société dans la rue, pour défendre et approfondir le processus révolutionnaire. Si telle est la norme, il faut savoir que les grands moments de participation et mobilisation ne sont permanents ni éternels. Ils arrivent par vagues, avec des moments ascendants, puis des périodes plus calmes plus ou moins prolongées, jusqu’à tant que s’articule un nouveau processus de mobilisation sociale.

[1] Extraits de l’allocution du vice-président de la Bolivie lors de la deuxième rencontre latino-américaine progressiste, Quito, 29 septembre 2015. Le texte sera publié dans le prochain numéro des NCS, « Quelle démocratie », hiver 2017.

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