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Les communautés autochtones face à la COVID

Chantal Ismé, Viviane Michel, extrait du texte paru dans le no. 25 des NCS, « Autochtones et minorités ethniques ou racisées face à la COVID-19 »

Les communautés autochtones[1], d’une manière générale, connaissent une aggravation des problèmes de santé mentale à cause d’un changement soudain d’habitude et de vie amené par le confinement. L’isolement et la séparation des familles qui ont toujours été unies provoquent un état de déprime intense. De plus, les règles de sécurité et leurs restrictions obligatoires – défense de se regrouper, couvre-feu – viennent restreindre la liberté de mouvement si chère aux peuples autochtones.

Plus spécifiquement, pour la communauté de Uashat mak Mani-Utenam[2], le retour en classe a été problématique après l’annonce de la réouverture des écoles par le gouvernement au mois de mai 2020. D’un côté, les parents étaient inquiets d’envoyer leur progéniture à l’école, car les risques de contamination étaient encore très élevés, de l’autre côté, ceux qui étaient en télétravail n’avaient plus accès à la garderie. Il en a résulté un confinement des enfants, ce qui pose un problème de conciliation travail-famille dans des logements exigus. En dépit des mesures de prévention, il y a eu huit cas de COVID-19 lors de la première vague dans cette communauté de 4500 habitants. Un cas s’est ajouté lors de la deuxième vague.

La réalité est tout autre en milieu urbain. Les personnes itinérantes autochtones qui n’ont pas d’endroit où se réfugier à Montréal se retrouvent avec toute la ville pour elles, livrées à elles-mêmes. Tout le monde était confiné sauf elles. Comment appliquer les consignes contre la COVID quand on a accès à quasi rien ? Comment se laver les mains fréquemment quand on ne peut le faire qu’occasionnellement ? Comment changer de masque pour éviter une contamination circulaire si l’on n’en a qu’un ? Comment aller chercher des services avec ancré en soi le regard haineux des personnes qui les dispensent ? La capacité de résister à l’assaut du virus est moindre vu l’état de vulnérabilité préexistante.

Les personnes qui vivent en ville et les étudiants et étudiantes ne se dirigent pas vers les CLSC par crainte de stigmatisation et préfèrent aller dans les centres d’amitié autochtone. Pris en étau entre un confinement solitaire en ville et la suspicion de leur communauté qui les voit comme un danger en dépit des tests de dépistage de la COVID, ces personnes vivent un grand désarroi.

La COVID touche aussi durement la dimension spirituelle des peuples autochtones. Certaines pratiques continuent certes, comme la tenue de feux sacrés de quatre jours pour renforcer la pensée positive et la conviction que tout va bien aller ou encore les chants au tambour dans les rues et dans les stationnements. Ces rituels facilitent le respect des règles de distanciation physique. Par contre, les tentes de sudation, les pow-wow, les danses du soleil, les rassemblements spirituels de guérison ne peuvent plus avoir lieu. Ces rites et pratiques de guérison sont très importants pour l’équilibre psychique des Autochtones. Leur absence contribue à augmenter la fragilité face à la pandémie.

[1] Il existe 55 communautés autochtones au Québec appartenant à 10 nations autochtones et la nation inuite. <www.autochtones.gouv.qc.ca/relations_autochtones/profils_nations/profil.asp#:~:text=Les%2010%20nations%20autochtones%20et,r%C3%A9parties%20dans%2055%20communaut%C3%A9s%20autochtones>.

[2] La communauté de Uashat mak Mani-Utenam (Uashat, Grande Baie, mak, et, Mani-Utenam) est une réserve indienne située dans la municipalité régionale de comté des Sept-Rivières, sur la Côte-Nord, près de Sept-Îles.

 

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