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Le projet de Charte est mal parti

Comme tout le monde le sait,  le projet sur la Charte des valeurs québécoises polarise et confond. Plusieurs problématiques sont implicites plutôt qu’explicites dont celle de l’immigration, où plusieurs « vraies » questions ne sont pas posées, dont le profilage, la discrimination dans l’emploi et le logement. En centrant le « problème » sur les « accommodements raisonnables » et les signes religieux dits ostentatoires, on aggrave une fausse polarisation entre « eux » et « nous », d’où les malaises ressentis par une grande partie de la population, immigrante ou non-immigrante.

 

Droits individuels et droits collectifs

 

Pour autant, la discussion actuelle est mal partie. Plusieurs opposants à la Charte la dénoncent parce qu’elle contredirait les « droits individuels ». C’est un concept qui découle de la philosophie libérale et de l’État dit de droit construit par les élites capitalistes, et non un « absolu ». Les droits individuels sont certes importants, mais les droits collectifs existent aussi. Les « individus » ne sont pas des « atomes libres », ils sont inscrits dans une société, dans son histoire, dans ses rapports sociaux. Le processus mis sur la table par la révolution française notamment était justement de réconcilier ces droits individuels (liberté) avec les droits collectifs (égalité). L’un ne va pas sans l’autre, car sans égalité, la liberté devient la liberté des plus forts. Cette philosophie « libérale » domine le Canada dit anglais et les États-Unis où des intellectuels et des acteurs politiques regardent de haut les autres peuples comme s’ils n’avaient pas compris l’« évidence », c’est-à-dire la primauté absolue, presque « religieuse » des droits individuels. Le résultat de cette approche est que dans ces pays, les couches populaires, en particulier les immigrants, sont pénalisées et frappées par la même réalité d’exclusion mal cachée par la rhétorique sur la  « tolérance » et le « multiculturalisme ».

 

Discrimination

 

Revenons à notre débat. Nous sommes contre le projet actuel de Charte parce qu’il profile surtout une catégorie de la population qui est, appelons-la par son nom, d’origine arabe et musulmane. Nous ne pensons pas qu’une « charte des valeurs » prônant une certaine conception de laïcité va régler le problème. Au contraire, le débat actuel risque d’aggraver des fractures et de créer de fausses interprétations qui peuvent facilement tomber dans la démagogie, le populisme de droite et le racisme, ce qu’on constate déjà dans les médias-poubelles. Comme l’affirme la lettre ouverte des 100 intellectuels contre le projet de charte, la logique du gouvernement « procède d’une vision autoritaire de la laïcité (qui consiste non seulement à forcer un processus de sécularisation, mais à réaffirmer une hégémonie culturelle. Il s’agit de normaliser des pratiques sociales à coups d’interdictions retirant des droits et produisant de l’exclusion et des discriminations »

 

Le mouvement populaire interpellé

 

Ce débat interpelle les mouvements populaires et progressistes. Dans la lignée des interventions de Françoise David, de Maria Mourani et d’Alexa Conradi, il faut se prononcer en évitant d’être coincés par une fausse polarisation entre le gouvernement du PQ et les partis de droite au Québec (et au Canada). Il faut adopter une perspective de lutte à long terme contre la discrimination sous toutes ses formes. Cette discrimination, il faut le rappeler, n’est pas seulement présente dans les pratiques et le discours des dominants. Elle s’enracine aussi dans une réalité populaire, alimentée par l’idéologie du tout-le-monde-contre-tout-le-monde, et qui peut facilement transformer les aspirations légitimes d’un peuple à l’autodétermination à une hostilité détournée contre les « autres » (les « envahisseurs »).

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