Le Parti québécois et Québec solidaire proposent des voies de nature différente pour permettre l’accession du Québec à la souveraineté.
Le PQ a évidemment comme objectif de réaliser la souveraineté du Québec. Mais sa stratégie référendaire et le calendrier de réalisation de ce projet restent flous. Le programme établit que ce sera « à la suite d’une consultation de la population par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement ». Non seulement n’y précise-t-on pas qui déciderait de la date du référendums mais on ne sait pas non plus ce qui arriverait après une victoire du « oui ».
De plus, l’adoption par le Conseil national du parti d’une résolution permettant la convocation de référendums d’initiative populaire (RIP), suite à la signature d’un registre par au moins 15% de l’électorat, a ajouté à la confusion. À l’origine, cette requête devait être exécutoire mais la volte-face de Pauline Marois, annonçant qu’un gouvernement péquiste pourrait refuser un référendum même si 15% de la population en réclamait un par le mécanisme des RIP, a suscité tout un embrouillamini. Malgré la campagne électorale, le député sortant Bernard Drainville a contredit sa chef sur-le-champ. Cette question névralgique créerait donc des remous considérables dans un éventuel gouvernement péquiste. Voilà où conduisent les ambiguïtés de la position de ce parti.
Un processus qui serait enclenché dès la prise du pouvoir
Quant au programme de Québec solidaire, il vise l’objectif « de faire Québec un pays » en enclenchant, dès son arrivée au pouvoir, un processus d’accession à la souveraineté qui se traduirait par la création d’une Assemblée constituante dont les membres seraient élus au suffrage universel. Le mode de scrutin assurerait la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socio-économiques de la société québécoise. Celle-ci aurait comme mandat d’élaborer une ou des propositions sur l’avenir politique du Québec, ainsi que sur les valeurs, les droits et les principes sur lesquels devrait reposer la vie commune. De plus, cette Constituante proposerait une définition de ses institutions en précisant les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur seront délégués.
Point capital: Après son élection, la Constituante aurait d’abord la tache de mener une vaste démarche de démocratie participative pour consulter la population du Québec sur son avenir politique et constitutionnel, de même que sur les valeurs et les institutions politiques qui y seront rattachées. En fonction des résultats de la consultation, dont l’Assemblée constituante aurait l’obligation de tenir compte, cette dernière élaborerait ensuite un projet de constitution dont l’approbation serait soumise à un référendum exécutoire. En somme, il s’agit de lancer une démarche -appelée à se déployer simultanément à la grandeur du Québec du niveau national jusqu’aux régions, villes, villages et quartiers – qui serait susceptible de faciliter la participation de tous les citoyens. Cette dernière prendrait évidemment plusieurs mois.
La souveraineté politique doit se conjuguer avec la souveraineté populaire
Il est clair que la démarche péquiste et celle des solidaires réfèrent à des paradigmes différents.
Au PQ, elle emprunte les sentiers battus du prosélytisme. Les dirigeants y semblent convaincus que le Québec pourrait accéder à la souveraineté grâce à une conjoncture politique momentanément favorable dont on profiterait astucieusement pour aller décrocher une majorité référendaire. Suite aux échecs de 1980 et 1995, les premiers ministres Bouchard et Landry ont ajouté la nécessité de «conditions gagnantes» pour le déclenchement d’un référendum et ont tenté vainement de les créer grâce au «déficit zéro». Dans le cas de Pauline Marois, c’est sa politique de «gouvernance souverainiste» qui vise à créer ces dernières.
À Québec solidaire, au contraire, on est convaincu qu’un règlement durable de la question nationale doit se conjuguer avec la souveraineté populaire; non seulement dans l’urne référendaire mais tout au cours du processus qui y mènera. Cette position repose sur le postulat que nos compatriotes n’ont pas besoin d’être endoctrinés par des porteurs de la bonne nouvelle. Ils ont plutôt besoin d’être informés de la manière la plus objective possible, de comprendre les enjeux, de comparer les différents points de vue, d’en discuter entre eux, de se faire leur propre opinion et d’exprimer ce qu’ils désirent au plus profond d’eux-mêmes. Il signifie aussi que la question référendaire ne proviendrait pas des officines péquistes. mais serait rédigée suite à la participation de l’ensemble des citoyens.
Cette voie innovatrice découle du principe selon lequel le seul pouvoir légitime vient du peuple. Elle repose sur la diversité des expressions de la souveraineté populaire et s’inspire de la démocratie participative. Cela implique que les citoyens puissent exercer avec les élus, issus de la démocratie représentative, une véritable cogestion des affaires publiques et décider des changements à apporter aux institutions démocratiques.
Certains péquistes estiment qu’une telle démarche serait risquée et qu’elle prendrait trop de temps. Nous répondons que le contenu de l’éventuelle constitution – a fortiori si elle prévoit la création d’une république québécoise – nécessiterait l’appui indéfectible d’une large partie de la population. Ce genre d’appui ne pourrait provenir que de convictions forgées à partir de réflexions personnelles, d’échanges entre pairs et d’actions communes. Il faudrait certes du temps pour permettre le déploiement adéquat de ce vaste exercice de démocratie participative, mais quand il s’agit de l’avenir d’une nation l’impatience n’est jamais bonne conseillère.
Au secrétaire du SPQ libre, Pierre Dubuc, qui joue à la réalpolitique en qualifiant de «fleur bleue » la démarche de Québec solidaire et en se moquant de sa «conception idyllique de la société», nous posons la question suivante. Qu’adviendrait-il à la cause souverainiste après un troisième référendum perdu ou même après une victoire fragile où une partie significative des tenants du «oui» se dégonfleraient devant les obstacles que ne manqueront pas de dresser les adversaires ?
Québec solidaire fera vigoureusement campagne en faveur de la souveraineté durant toute la démarche de la Constituante, mais il est conscient que cette dernière pourrait aboutir à un résultat autre. Cette admission démocratique ne fait pas de ses partisans de «mauvais» souverainistes pour autant. Nous sommes persuadés, au contraire, que le processus conférerait à l’aspiration à la souveraineté du Québec un caractère universel grâce à la confiance renouvelée qu’elle susciterait dans le pouvoir citoyen. Nous sommes convaincus que cette démarche d’émancipation collective donnerait lieu à la plus grande mobilisation de l’histoire du Québec. Cette dernière permettrait de surmonter à coup sûr les tactiques déloyales et les machinations fédéralistes.
Paul Cliche, membre de Québec solidaire
Montréal, 27 août 2012