Chico Whitaker, l’un des cofondateurs du Forum social mondial (FSM), fait le point sur cette nébuleuse que l’on appelle le FSM, et qu’il faudrait mettre au pluriel. Cet entretien paraît au moment où se réunit à Davos (Suisse) le Forum économique mondial. Le prochain FSM, lui, aura lieu en 2013 sans doute dans un pays arabe, étape d’un « printemps » qui se prolonge heureusement.
Chico Whitaker : Je reviens du Conseil international du Forum social mondial qui vient de se tenir au Bangladesh, juste après le Forum social de l’Asie du Sud, à Dhaka au Bangladesh. Ce fut une occasion de rencontrer tant de gens du Népal, du Pakistan, de l’Inde, du Bangladesh…
Développement et civilisations : Quel moment vit actuellement le FSM ?
CW : Le Forum social mondial est toujours à la recherche de son chemin, pour que ses objectifs puissent se réaliser et que son message d’espoir – « un autre monde est possible » – puisse atteindre toutes les régions du monde. Il s’agit d’un processus continu. Tenir une réunion du Conseil international à Dhaka avait pour objectif de porter attention à l’Asie du Sud, en appuyant l’initiative locale d’y organiser un Forum régional. Jusqu’ici, l’Asie avait été peu touchée par ce processus, à l’exception brillante du FSM de 2004 à Mumbai, en Inde, qui avait été précédé du Forum social régional à Hyderabad, également en Inde, en 2003.
La rencontre de Dhaka fut une opportunité, pour les organisations internationales qui constituent le Conseil international du FSM, de prendre contact avec les organisations locales et de les soutenir dans la réalisation de ce Forum social régional. Il est clair que, lorsqu’un Forum social mondial se tient quelque part, 80% des participants viennent du pays lui-même. C’est pour cela qu’il faut faire en sorte que chaque édition se tienne dans une zone géographique différente. Cette rencontre est alors l’occasion pour les mouvements et organisations de la région de prendre contact les uns avec les autres, tout en se liant aux luttes qui se mènent au niveau mondial. L’un des objectifs d’un Forum est de dépasser les divisions et les pratiques de concurrence entre mouvements… Il s’agit de créer des espaces de rencontre pour nouer des convergences, en dépassant les barrières et préjugés qui divisent, barrières qui profitent toujours aux puissances dominantes. Le Forum aide ainsi la société civile du pays organisateur à devenir un acteur politique plus fort, non seulement dans le pays mais dans l’ensemble des luttes qui se mènent dans le monde.
D&C : Quels sont les projets ou les perspectives actuelles du FSM ?
CW : Le Forum se tient tous les deux ans à l’échelle mondiale. La tendance actuelle est de multiplier, entre deux Forums mondiaux, les Forums au niveau régional, national et même local, ou encore de tenir des Forums thématiques. Ils sont en expansion. Dans l’année précédant le FSM de 2011 à Dakar, il y a eu plus de 40 Forums régionaux, nationaux et thématiques, un peu partout.
Une opportunité spéciale nous sera donnée bientôt avec la tenue de la Conférence des Nations unies dite « Rio+20 », pour les 20 ans du Sommet de la Terre de Rio de 1992. Des réunions préparatoires se sont tenues à New York. Il y a également eu, au mois de novembre 2011, la réunion sur le changement climatique à Durban. Des mouvements et organisations qui se sont rapprochés tout au long du processus FSM organisent ensemble des rencontres de la société civile qui auront lieu en parallèle des réunions de l’ONU. Dans ce cadre, plusieurs Forums sociaux locaux ou thématiques ont eu lieu ou se préparent (à Porto Alegre et à São Paulo, au Brésil, à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, etc.)
La prochaine réunion du Conseil international se tiendra au Kurdistan, afin d’appuyer les luttes de ce peuple. Durant cette réunion, nous allons probablement fixer le lieu du prochain FSM, en 2013, prévu pour le moment au Caire. Ce sont bien sûr les personnes originaires du pays qui doivent décider, in fine, si elles veulent bien s’engager dans la lourde tâche d’organiser un Forum mondial.