Les sujets de mécontentement envers le premier ministre Jean Charest s’accumulent. Après les gaz de schiste, le financement des partis politiques, les scandales dans la construction et les municipalités, voici que M. Charest blâme les parents dans le problème du décrochage scolaire. Je ne suis pas parent mais cette sortie du premier ministre m’a fait bondir.
Désigner des boucs émissaires dans un domaine aussi sensible que l’éducation des enfants m’apparaît un procédé des plus méprisables.
Certains ont parlé de maladresse. Je n’adhère pas à cette interprétation car M. Charest a fait la même déclaration à au moins trois reprises : à l’Assemblée nationale, devant un rassemblement de gens d’affaires et dans un message à la radio. La ministre de l’Éducation elle-même, Mme Lyne Beauchamp, a confirmé que c’était bien là le message de M. Charest. [1]
Il est clair que le rôle des parents dans la réussite et la persévérance scolaire de leur enfant est fondamental. Une enquête récente (2007) sur les perceptions des jeunes et des parents en regard de l’école [2] commandée par l’ex-Carrefour de lutte au décrochage scolaire, devenu le Réseau réussite Montréal, confirme ce que d’autres études ont démontré. Cette enquête révèle que les jeunes se sentent appuyés (à 73 %) par leur famille dans leur cheminement scolaire. Lorsqu’ils ont de la difficulté à l’école, ils se tournent prioritairement vers leurs parents (52 %) plutôt que vers leurs amis (27 %) et peu vers leurs professeurs (7 %). Les parents (90 %), pour leur part, disent encourager régulièrement leurs enfants dans leurs études. Compte tenu de ce rôle essentiel des parents, la chose à faire, c’est les encourager à renforcer leurs interven- tions et leur intérêt pour les études de leurs enfants, non de les stigmatiser.
L’ensemble des études sur le décrochage indique égale- ment que l’éducation est une valeur qui doit être portée par toute la société. Comme le dit le proverbe africain, il faut tout un village pour éduquer un enfant. Tous les groupes sociaux, gouvernements, médias, employeurs, syndicats, commissions scolaires, directions d’école, professeur-es et famille doivent lancer le message que l’éducation, c’est important. Or, c’est sur ce point que le bât blesse. Le tableau 1 démontre qu’au Québec, on ne valorise pas l’éducation autant qu’ailleurs au Canada : il y a un écart variant entre 13 et 22 % pour les trois critères utilisés (voir tableau 1).
L’ex-ministre de l’Éducation, Mme Courchesne, en septembre 2009, avait pourtant souligné au début de son plan de lutte contre le décrochage, L’École, j’y tiens ! Tous ensemble pour la réussite scolaire, deux constats : l’école ne peut plus assumer seule la réussite scolaire et il y a nécessité de valoriser l’éducation. On se serait attendu alors au lancement d’une véritable campagne nationale de valorisation de l’éducation menée sur une longue période ainsi qu’à un réinvestissement dans l’école publique. Au lieu de cela, on fait des compressions dans les budgets avec la loi 100 et on choisit de cibler les parents. Ce choix est non seulement choquant, il est contre- productif. Il risque de défaire le travail que les divers groupes et intervenants dans la lutte contre le décrochage scolaire ont entrepris depuis plusieurs années dans toutes les régions du Québec, sans parler du drame personnel que vivent les milliers de jeunes décrocheurs et décrocheuses face à leur avenir.
Tableau 1
Notes
[1] GERVAIS, Lisa-Marie. « Blâmer ou valoriser ? », Le Devoir, 13 novembre 2010
* Originalement paru dans le journal du Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep Montmorency