Convaincu que la hausse des droits de scolarité est absolument essentielle, le gouvernement Charest n’en a jamais évoqué la possibilité. Mais l’idée d’instaurer la gratuité scolaire n’a en pas moins fait l’objet d’analyses économiques. Et règle générale, les calculs indiquent que celle-ci obligerait Québec à y consacrer moins de 1 % de son budget de dépenses.
Selon Simon Tremblay-Pépin, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, il faut d’abord déterminer la « contribution des étudiants » telle que présentée dans les documents du gouvernement. Pour l’année 2011-2012, celle-ci s’élève à 750 millions de dollars. Ce montant serait en quelque sorte le coût brut de la gratuité. Compte tenu du budget actuel des dépenses, soit environ 70 milliards, le montant de 750 millions représente 1 % du budget.
On pourrait toutefois choisir de soustraire le crédit d’impôt offert pour les droits de scolarité. Dans ce cas, l’élimination de la facture refilée aux étudiants engendrait des coûts supplémentaires d’environ 560 millions pour le gouvernement. Et selon M. Tremblay-Pépin, Québec pourrait aussi choisir la voie de la « quasi-gratuité » déjà en vigueur dans le réseau collégial, ce qui permettrait encore de réduire la facture pour le gouvernement. Il s’agirait alors de maintenir les frais d’admission et les frais afférents que paient déjà les étudiants.
Le chercheur de l’IRIS reconnaît cependant que d’autres paramètres devraient être pris en compte dans le calcul de la gratuité, comme la hausse possible de la fréquentation scolaire. La question des programmes d’aide financière aux études devrait aussi être abordée. Mais il est selon lui difficile, à ce stade-ci, de jauger ces aspects.
L’Institut de recherche en économie contemporaine estimait plus tôt cette année qu’il en coûterait entre 176 et 405 millions de dollars à l’État québécois pour instaurer la gratuité scolaire, soit de 1,2 à 2,7 % du budget du ministère de l’Éducation, qui s’élève à 15 milliards. « Nous estimons que l’élimination des droits de scolarité ferait épargner à l’État 77 millions de dollars en coût de programmes d’aide aux études. En additionnant une baisse en crédits d’impôt de 63,1 millions, nous estimons que l’impact total de l’élimination des droits serait de 140 millions. En prenant en compte ces deux facteurs, on peut estimer que les coûts de la gratuité universitaire se situeraient entre 176 millions et 405 millions », ont évalué les deux chercheurs de l’organisme.
La commission Parent
Le respecté sociologue Guy Rocher a lui aussi plaidé récemment pour le libre accès aux études supérieures, au cours d’un entretien au Devoir. « Il s’agit d’un choix de société qui coûterait 1 % du budget du Québec », a fait valoir celui qui a été membre de la commission Parent. Le principe de la gratuité était d’ailleurs déjà présent dans le rapport de cette commission historique. À cette époque, au début des années 1960, on avait souligné que la gratuité était « souhaitable à long terme ». Mais aucun gouvernement du Québec n’a depuis opté pour cette avenue.
Ainsi, si le Québec est aujourd’hui sous la moyenne canadienne en ce qui a trait à la facture refilée aux étudiants, la province se situe tout de même au-dessus de la moyenne des pays membres de l’OCDE. Sept de ces États, notamment les pays scandinaves, fonctionnent avec un régime de gratuité scolaire.
Le gouvernement Charest n’a pas pu dire au Devoir hier si le ministère dirigé par Line Beauchamp avait évalué la facture de la gratuité scolaire pour le trésor public. Québec, qui a ouvert hier la porte à un étalement de la hausse des droits de scolarité, espère toucher un montant net de 265 millions de dollars supplémentaires lorsque la facture des étudiants aura bondi de 1625 $, en 2016-2017. En évaluant le budget des dépenses du gouvernement du Québec à un peu plus de 80 milliards de dollars en 2017 – en tenant compte d’une croissance des dépenses de l’ordre de 3,2 % -, la somme de 265 millions équivaut à 0,33 % du budget du Québec en 2017.
À titre de comparaison, les libéraux ont prévu un montant de 1,25 milliard de dollars pour réaliser, également d’ici 2017, la restauration des sites miniers abandonnés au Québec. L’ensemble de la facture sera payé par les deniers publics.
Alexandre Shields, Le Devoir, 18 avril 2012