Donald Cuccioletta, 7 mai 2021
Pourquoi voulons-nous prendre la ville et nos quartiers ? Les villes sont depuis longtemps au centre des activités humaines. Aujourd’hui et depuis les années 1950, les villes sont devenues le centre du développement du capitalisme. Elles sont les plaques tournantes des institutions financières, des banques, des sociétés immobilière, et les sièges sociaux des entreprises transnationales. Pour l’oligarchie qui nous gouverne, l’institution urbaine fait partie du dispositif du pouvoir. Cette situation devient plus accentuée maintenant. La crise sanitaire centralisée dans les villes se transforme peu à peu en crise financière et économique qui pourrait dépasser la crise financière de 2008 et même, comme certains le disent, celle de 1930. Il semble probable qu’après la pandémie, la ville deviendra encore plus qu’avant le lieu de la reconstruction capitaliste.
La ville des riches
De plus nous constatons des inégalités entre les riches et les pauvres dans nos villes. Vingt ans d’austérité les ont appauvries. Une partie importante de la population est menacée par le chômage, sinon le précariat (les emplois temporaires et mal-payés). À Montréal, l’embourgeoisement, qu’on appelle parfois la gentrification, menacent des quartiers entiers, pensons notamment à Parc-Extension, Pinte-Saint-Charles, le quartier centre-sud et ailleurs, où prolifèrent condos haut de gamme et AIRBB. Dans le quartier de Saint-Henri, des promoteurs, avec l’endossement de la Ville de Montréal, s’activent dans l’ancienne zone du canal et le vieux port à un réaménagement qui profiterait surtout aux familles à haut revenu, quitte à réserver, pour que les autorités sauvent la place, 10 % des habitations pour les logements sociaux. C’est ce même « modèle » qu’on voit s’esquisser dans le projet Royalmount plus au nord.
Résister et proposer
Les mouvements communautaires et la gauche municipale sont confrontés à court terme (avec la crise du logement annoncée depuis tellement longtemps) et à plus long terme avec une transformation de la ville conçue et exécutée au détriment des couches populaires. Comment résister ? La base politique qui doit soutenir cette démarche est la démocratie directe horizontale des citoyens et citoyennes, ce qui est en cours dans certains quartiers, mais pas partout. Le défi est immense : inventer de nouvelles conceptions pour imaginer et opérer des changements profonds pour les citoyens et citoyennes de notre ville.
Face aux prochaines élections
En vue des élections qui s’en viennent l’automne prochain, il est nécessaire de bien penser à ce qui peut aider la cause. D’emblée, il faut produire un contre-pouvoir, être émanant d’une vaste coalition de groupes sociaux, communautaires, politiques et syndicaux. Pour construire un nouveau leadership à partir de la base, la question est posée : qui doit définir la ville ? La ville deviendra-t-elle le lieu des promoteurs immobiliers et des spéculateurs, comme autour du REM ou bien des logements sociaux et des espaces verts. La ville deviendra-t-elle le lieu de ceux qui font passer le profit et la croissance capitaliste, avec le transport privé ? Ou bien sera-t-elle le site de la lutte contre les changements climatiques, pour le transport public gratuit, pour les logements abordables et modiques ?
Une plateforme alternative
On le sait, l’élection sera importante, mais cela ne sera pas la fin de l’histoire. La démocratisation qui s’impose va au-delà du vote à tous les quatre ans. Nous devons construire un réel pouvoir dans les quartiers basés sur des assemblées autonomes par quartier, qui vise ultimement la direction de la ville. Dans ce contexte, plusieurs groupes communautaires, sociaux et citoyens ont créée l’organisme « Prenons la ville et nos quartiers » . La plateforme qui sera présentée prochainement indique que l’alternative ne sera pas construite par quelques politiciens, si bien intentionnés soit-il, ni par leurs experts en marketing et communication. Elle le sera par les luttes sur le terrain menées par les citoyens et citoyennes dans les quartiers et les mouvements. La ville doit appartenir aux citoyens et citoyennes, qui y vivent et y travaillent.