Stathis Kouvélakis, Contretemps, 27 mai 2021
(https://www.contretemps.eu/politique-etat-marx-experience-commune/)
Nous publions ici un extrait de la longue introduction, intitulée « Événement et stratégie révolutionnaire », que le philosophe Stathis Kouvélakis a rédigée pour l’édition des textes de Karl Marx et Friedrich Engels autour de la Commune de Paris qu’ont publié les Éditions sociales à l’occasion des 150 ans de la Commune. En combinant des analyses d’une grande finesse sur l’oeuvre de la Commune et sur les textes de Marx et Engels, cette introduction constitue en elle-même une contribution incontournable aux réflexions contemporaines sur la politique d’émancipation aujourd’hui et la nécessaire reconstruction d’une perspective communiste.
Outre les écrits les plus connus (dont La Guerre civile en France), ce recueil présente les articles postérieurs de Marx et Engels, leurs interventions au Conseil général de l’Internationale des travailleurs et un choix extensif de leur correspondance, notamment leurs échanges avec des acteurs de la Commune. Ces écrits sont complétés par une sélection de textes de la Commune elle-même, extraits de son Journal officiel et de la presse révolutionnaire, de documents de la plus importante organisation de femmes sous la Commune (l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés) ainsi que des interventions de militants contemporains (Bakounine, Kropotkine, Lefrançais, partisans de Blanqui, William Morris) qui furent au centre des controverses suscitées par la révolution parisienne.
« Ce mouvement a divisé l’eau et la terre »
La question la plus controversée soulevée par l’expérience de la Commune, et par les analyses que lui ont consacrées Marx et d’Engels a été, de leur vivant déjà, celle qui touche à l’Etat, en d’autres termes à la nature de cette forme de pouvoir politique qui semble défier toute classification existante – ce pour quoi Marx, et d’autres à sa suite, l’ont qualifiée de « sphinx ». Le débat est loin d’être simple. Dans le premier brouillon de la Guerre civile, Marx parle de la Commune comme d’une « révolution contre l’Etat lui-même », et non contre un régime politique, mais dans la version finale il ne reprend pas cette formulation et se contente, au détour d’une phrase, de dire que sous un régime communaliste généralisé le pouvoir d’Etat serait superseded, « supplanté » ou « dépassé ». Du côté des anarchistes[1], si Bakounine voit dans la Commune une « négation audacieuse, bien prononcée, de l’État », un jugement qu’il nuance cependant dans la suite du texte en soulignant – pour la regretter – l’emprise des idées « jacobines » tant sur les protagonistes que sur la population parisienne. Kropotkine, et tout une génération nouvelle d’anarchistes, jugent au contraire que, tout en portant une idée nouvelle, la Commune fut bien trop empêtrée dans la « tradition de l’Etat et du gouvernement représentatif » et lui opposent l’idée d’un communisme anarchiste basé sur une vision rigoureusement décentralisatrice et horizontale de l’organisation communale.
Dans l’un de ses textes les plus célèbres, qui servit pendant longtemps de grille de lecture à cette question dans le marxisme révolutionnaire, L’Etat et la révolution[2], Lénine étudie de près les écrits de Marx et d’Engels, et met l’accent sur le « bris de l’Etat » qu’elle est censée avoir mis en œuvre. Pour le dirigeant bolchévik, la Commune représentait une « démocratie… [qui] se transforme en quelque chose qui n’est plus, à proprement parler, un Etat » car elle permet à « la majorité elle-même de s’acquitter directement de ces tâches [auparavant dévolues aux « institutions spéciales d’une minorité privilégié] »[3]. Lénine réaffirme avec emphase les formulations d’Engels sur le communisme comme « extinction de l’Etat », elle-même synonyme d’« extinction de la démocratie », en tant que cette dernière ne peut-être qu’une forme étatique[4]. Toutefois, ajoute-t-il, pour y parvenir, il faut une « discipline rigoureuse, une discipline de fer maintenue par le pouvoir d’Etat » et une forme d’organisation de la vie politique dans laquelle « il n’existe pas la moindre dérogation au centralisme » – idée qu’il attribue curieusement à Marx parlant de la Commune[5]. Il peut alors, en conclusion de cet écrit, renverser les formulations précédentes et affirmer que « la Commune a pu, en quelques semaines, commencer à construire une machine d’Etat nouvelle, prolétarienne »[6]. Si on ajoute que cette nouvelle machine, certes vue comme transitoire et antibureaucratique, doit prendre appui, toujours selon Lénine, sur une organisation économique dans laquelle « tous les citoyens se transforment en employés salariés de l’Etat constitué par les ouvriers armés…, en employés et ouvriers d’un seul ‘cartel’ du peuple entier, de l’Etat »[7], nous comprenons mieux la postérité pour le moins contradictoire d’un texte qui a été lu tantôt comme un manifeste quasi-libertaire, l’œuvre d’un Lénine qui rêve à la veille de la révolution d’Octobre d’un pouvoir des soviets permettant de se débarrasser rapidement de l’Etat, tantôt comme un argumentaire sournoisement étatiste, au moyen duquel la proclamation d’un objectif libertaire (« en régime socialiste tout le monde gouvernera à tour de rôle et s’habituera vite à e que personne ne gouverne »[8]) sert à justifier des moyens répressifs menant à régime autoritaire. Des moyens certes envisagés comme provisoires mais, en la matière, l’histoire s’est chargée de le montrer, rien ne risque de s’avérer plus permanent que le transitoire. Le problème se complique davantage encore si on prend en compte que des « anti-autoritaires » aussi convaincus que les éminents dirigeants communards Arthur Arnould et Gustave Lefrançais – qui ont sur d’autres penseurs l’avantage d’avoir pris, eux, part à une révolution réelle – plaident en faveur d’une « dictature » en matière de conduite des affaires militaires, celle précisément que la Commune a échoué à mettre en place, et même, à propos de la société émancipée du futur, d’une centralisation en matière de services publics assumant les fonctions sociales essentielles (communications, défense, diplomatie, services publics) qui devraient être maintenues à l’échelle nationale[9]. L’Etat lui-même ne semble pas avoir été aboli sous le communisme tel que Lefrançais l’envisage dans ses Mémoires, puisqu’« à l’avenir l’Etat ne serait que la simple expression des intérêts communaux solidarisés »[10]. Autant de propos qui suggèrent que la question du rapport entre la fin et les moyens ne saurait être résolue par quelques formules simples, si tant est qu’elle puisse l’être en dehors de la pratique.
Pour démêler un tant soit peu l’écheveau, limitons-nous à un fil, celui de la réflexion de Marx sur l’Etat et le phénomène révolutionnaire qui parcourt ses écrits sur la France, foyer des révolutions du 19e siècle. Comme il l’annonce lui-même à Kugelmann[11], l’expérience de la Commune lui commande de reprendre et de redéployer la conclusion fondamentale à laquelle il était parvenu une vingtaine d’années auparavant dans le Dix-huit brumaire. A travers les brusques renversements de conjoncture qui jalonnent la séquence qui s’étend de février 1848 au coup d’Etat bonapartiste, Marx voyait se déployer une autre histoire, beaucoup plus profonde et « organique » : l’histoire de la formation de l’Etat moderne. Celle-ci débute avec l’œuvre de centralisation étatique de la monarchie absolue, elle se poursuit avec la Révolution française, atteint son point culminant avec Napoléon et se développe encore sous les régimes qui se sont succédés, y compris celui, républicain, issu de la révolution de Février 1848[12]. Derrière la succession des régimes politiques les plus variés, une tendance lourde est donc à l’œuvre : la construction d’une « machinerie d’Etat » (Staatsmaschinerie) de plus en plus massive et ramifiée, donnant naissance à une bureaucratie dont « le travail est divisé et centralisé comme dans une usine »[13]. Cette machinerie dépossède la société de ses intérêts « communs » pour les transformer en « objet de l’activité gouvernementale »[14]. Le « commun » devient ainsi un « intérêt général » hypostasié, incarné par l’Etat, qui le façonne et s’en approprie la gestion en confisquant « l’initiative » venant d’en bas. Cette réalité s’avère bien plus profondément enracinée que la variété bariolée des régimes politiques qui se succèdent au gré des conjonctures. Or, si « toutes les révolutions » du passé ont « perfectionné cette machine au lieu de la briser », la révolution de l’avenir, et la « centralisation étatique » qu’elle instaure, impose, affirme désormais Marx, la « destruction de la machinerie d’Etat » (die Zertrümmerung der Staatsmaschinerie)[15]. Il y a donc une spécificité qui empêche de penser la révolution prolétarienne sur le mode de la révolution bourgeoise, la « constitution du prolétariat en classe dominante » pour reprendre la formulation du Manifeste, comme analogue à celle de la bourgeoisie, et elle oblige à une rupture bien plus profonde avec les formes d’organisation du pouvoir politique que celle envisagée jusqu’alors.
S’il reprend le fil de la réflexion sur la « destruction de la machinerie d’Etat », Marx a toutefois déjà commencé à réviser sa vision du pouvoir révolutionnaire sur un point essentiel : dans l’édition de 1869 du Dix-huit Brumaire, il supprime un passage du texte initial qui affirmait que « la destruction de l’appareil d’Etat ne mettra pas en danger la centralisation »[16]. L’expérience de près de deux décennies de centralisme bonapartiste exacerbé, combinée à la diffusion d’idées décentralisatrices parmi l’ensemble des forces républicaines et socialistes françaises, l’amène à se distancier des positions qui étaient les siennes – et celles d’Engels – pendant les révolutions de 1848. Le Manifeste communiste proclamait ainsi que « le prolétariat se servira de sa domination politique pour arracher peu à peu à la bourgeoisie tout capital, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante »[17]. Les mesures concrètes énumérées dans le programme en 10 points qui faisait suite détaillaient l’ensemble des secteurs appelés à se fondre dans une organisation étatique et centralisée de l’économie (crédit, moyens de transport, multiplication de « fabriques nationales », création d’« armées industrielles, en particulier pour l’agriculture »)[18]. Au cours de la dernière phase de la période révolutionnaire de 1848, Marx et Engels insistaient toujours sur la nécessité d’une stricte centralisation du régime républicain qui était l’objectif immédiat des communistes allemands : « face à ces plans [de république fédérative], les travailleurs doivent non seulement combattre pour une république une et indivisible, mais, aussi, en son sein, pour la centralisation la plus rigoureuse du pouvoir entre les mains de l’autorité publique. Ils ne doivent pas se laisser égarer par les discours démocratiques sur la liberté des communes, l’autonomie, etc. » [19]. Ils soulignaient que « l’activité révolutionnaire ne peut émaner dans toute sa force que du centre » et se revendiquaient avec force du modèle jacobin (ou compris comme tel), affirmant que « comme en France en 1793, mener à bonne fin la centralisation la plus rigoureuse est aujourd’hui en Allemagne la tâche du parti vraiment révolutionnaire »[20].
La Guerre civile en France reprend et précise cette thèse de la rupture nécessaire avec la machinerie étatique, qui sera incorporée dans la préface de 1872 au Manifeste[21], la seule signée conjointement par Marx et Engels pour la réédition qui marquera le début de la véritable diffusion de ce texte. Selon cette préface, le programme en 10 points « serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd’hui ». Sont mentionnés deux facteurs qui le rendent « périmé » : d’une part, les « progrès immenses de la grande industrie » au cours de la période écoulée, de l’autre, ceux, non moins importants, de « l’organisation de la classe ouvrière en parti », progrès qui découlent des « expériences concrètes » de la révolution de février 1848 et, « bien plus encore », de la Commune de Paris. Celle-ci a « notamment démontré » – et la préface cite sur ce point la Guerre civile en France – « que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte »[22]. Sont donc, on le voit, immédiatement visés par cette révision, la rupture avec la « machinerie d’Etat » que le pouvoir révolutionnaire qui est amené à la remplacer doit mener à bien. A noter cependant que les termes de « bris » ou de « destruction » ne sont pas mentionnés dans ce texte où Marx et Engels peuvent s’exprimer sans les contraintes de l’expression collective des textes de l’Internationale. C’est dans sa lettre – privée – à Kugelmann, que Marx ajoutait que « briser l’appareil bureaucratico-militaire », est « ce que tentent nos héroïques camarades parisiens » et doit être désormais considéré comme « la condition préalable de toute véritable révolution populaire sur le continent »[23].
Voyons donc de plus près en quoi consiste, à cet égard, l’« expérience concrète » de la Commune telle qu’analysée par Marx dans la Guerre civile, en particulier dans sa troisième partie, plus théorique, consacrée à la discussion du « caractère de la Commune ». Le début de cette partie reprend les développements du Dix-huit Brumaire, eux-mêmes résumés dans la partie correspondante du premier manuscrit préparatoire. Il s’agit d’éclairer le processus historique de constitution de l’Etat bourgeois en France et de percer le mystère de sa forme bonapartiste (sous le Second Empire) à savoir celle d’une machinerie bureaucratique et répressive hypertrophiée, qui s’autonomise de la bourgeoisie et « semble planer au-dessus de la société ». En fait, loin d’être au-dessus des classes, ce régime prive la bourgeoisie de son rôle politique direct tout en assurant un développement sans précédent de son pouvoir économique et de sa domination sur le travail : « Le pouvoir impérial est à la fois la forme dernière et la plus prostituée de ce pouvoir d’État que la société bourgeoise naissante avait entrepris de parfaire comme le moyen de sa propre émancipation du féodalisme et que la société bourgeoise pleinement développée avait finalement transformé en un moyen d’asservir le travail au capital »[24]. Une différence majeure apparaît toutefois entre le brouillon et la version finale : le premier reprend le récit que l’on pourrait dire tocquevillien du Dix-huit Brumaire, qui retrace l’émergence d’un Etat centralisateur émergeant sous l’absolutisme royal et dont la Révolution de 1789 (et les régimes qui ont suivi) parachève l’édification : « la première Révolution française, qui avait pour tâche de fonder l’unité nationale (de créer une nation)…, poursuivant l’œuvre entreprise par la monarchie absolue, fut donc contrainte de développer la centralisation et l’organisation du pouvoir d’Etat, d’en agrandir le cercle et les attributions, d’augmenter le nombre de ses instruments, d’accroître son indépendance, et son emprise surnaturelle sur la société réelle »[25]. Dans la version finale, par contre, l’« édification de l’Etat moderne », centralisé et oppressif, est explicitement et exclusivement assignée au moment du « premier Empire » et non à celui la Révolution, laquelle est simplement créditée du « gigantesque coup de balai » emportant tous les résidus féodaux qui faisaient encore obstacle à l’émergence de l’Etat moderne[26]. En écho direct au discours des Communards eux-mêmes, dans lequel il baigne tout au long de ces semaines d’avril et mai 1871, la Grande Révolution se voit réhabilitée dans sa double dimension, que la Commune fait revivre : moment de libération de l’initiative populaire à travers l’exigence de « gouvernement direct » et émergence d’un pouvoir révolutionnaire de type nouveau, ouvrant la voie à une reconstruction « par en bas » de l’unité nationale et à un horizon internationaliste de République universelle des travailleurs. Avant de poursuivre la lecture de La Guerre civile, ajoutons qu’Engels se livrera en 1885 à une autocritique explicite des conceptions que Marx et lui-même attribuaient à la Révolution française – et, par extension, des conceptions centralisatrices qu’ils défendaient en 1848. Dans une note à la réédition de l’Adresse de mars 1850 de la Ligue des communistes, il relève que l’affirmation selon laquelle le gouvernement révolutionnaire de 1793 aurait mis en œuvre la « centralisation la plus rigoureuse » relève du « malentendu » dont il attribue la responsabilité aux « falsificateurs bonapartistes et libéraux de l’histoire ». En réalité, « pendant toute la Révolution, jusqu’au 18 Brumaire, l’ensemble des administrations des départements, arrondissements et communes se composait d’autorité élues par les administrés eux-mêmes, qui jouissaient d’une complète liberté dans le cadre des lois publiques générales ». Et Engels de continuer à faire l’éloge de cet « autogouvernement » (Selbstregierung : traduction littérale du self-government anglo-saxon), que Napoléon s’est empressé de supprimer en instaurant la centralisation du régime préfectoral « qui fut d’emblée un pur instrument de réaction »[27].
Mais revenons à l’analyse marxienne de la Commune. Les caractéristiques de cette forme politique telles qu’elles ressortent de ce texte ont fait l’objet d’abondants commentaires, élogieux ou critiques, qui semblent toutefois partager un présupposé commun : Marx aurait fait de la Commune le modèle ou plutôt l’idéal-type auquel tout pouvoir révolutionnaire devrait se conformer. Du côté des disciples, c’est Lénine qui inaugure ce type de lecture avec L’Etat et la révolution, prenant alors le contrepied de ses positions antérieures où la Commune servait très précisément de contre-exemple de pouvoir révolutionnaire[28]. Les marxistes de la IIe Internationale, de tout bord semble-t-il (mais avec des nuances : l’aile droite du SPD ouvertement hostile, l’aile gauche discrète), s’étant bien gardés, au-delà du symbole, de faire de la forme-Commune une référence opératoire pour leur vision du futur socialiste[29]. De son côté, la tradition « communaliste » anarchiste/libertaire a également sa propre manière de se référer à la Commune dans laquelle, pour prendre un exemple récent, un Murray Bookchin a su puiser. Du côté des critiques, on met l’accent sur l’inadéquation de principe d’un tel modèle et/ou sur la part d’idéalisation inhérente à une telle démarche, en d’autres termes sur le décalage qui sépare cette Commune rêvée de la Commune « telle qu’elle a effectivement été ». On se réfère alors souvent au terme de « transfiguration » par lequel Jacques Rougerie a qualifié l’interprétation marxienne de la Commune. Mais c’est oublier que Rougerie a précisé que la Guerre civile en France, un « exposé des idées de Marx », est « transfiguration (non défiguration) de la Commune »[30]. Et que, concernant le « point crucial » de l’Etat et d’une forme politique permettant d’envisager son dépassement, un « projet toujours vivace au sein du mouvement ouvrier » écrit-il dans un texte de 1971, « Marx a cherché à en conserver le meilleur »[31]. En fait, trop souvent, ces lectures se montrent peu soucieuses du statut singulier de ce texte et de la méthode que Marx s’efforce d’y mettre en œuvre. Rappelons donc que La Guerre civile en France est entièrement rédigée « à chaud », au cours de la Semaine sanglante, et qu’elle est un texte collectif, l’Adresse que l’Internationale s’était depuis de longues semaines engagée à communiquer à ses membres. L’essentiel de ce texte, on l’oublie souvent, est consacré à réfuter le récit des événements parisiens diffusé par la presse internationale de l’époque, qui, à l’unisson des gouvernements, assimile la Commune à une explosion de pulsions destructrices et à une succession d’images apocalyptiques, saturées de références aux incendies, aux « pétroleuses » et aux ruines – même si les « excès » de la répression suscitent quelques haut-le-cœur parmi les correspondants étrangers[32]. Dans ce tableau, le « complot communiste » attribué à l’AIT et à son « chef londonien » Marx occupent une place de choix, produisant l’effet paradoxal, mais habituel dans ce cas de figure, qui consiste à accorder une soudaine célébrité à la cible, et de contribuer, entre autres, au succès d’édition – jusqu’alors sans précédent pour un écrit marxien – de la Guerre civile en France[33].
Cette fonction du texte, combinée à sa quasi-simultanéité avec l’événement, expliquent certaines de ses caractéristiques, qui lui ont souvent été reprochées par la suite. Ainsi, de l’écart entre le portrait quasi-uniformément élogieux de la Commune dans La Guerre civile et les jugements plus réalistes que l’on trouve dans la correspondance. Quelques exemples, parmi ceux qui reviennent souvent dans les commentaires : dans le texte public, Marx se contente de pointer « l’attitude simplement défensive » du Comité central de la Garde nationale dans les jours qui suivent le 18 mars alors que Versailles réorganisait à vive allure ses forces militaires. Il loue également le fait que, sous l’autorité de la Commune « la révolution prolétarienne resta… exempte des actes de violence qui abondent dans les révolutions », allant même jusqu’à attribuer l’exécution des généraux Lecomte et Thomas aux « habitudes invétérées acquises par les soldats à l’école des ennemis de la classe ouvrière » et dont ils ne peuvent se débarrasser du jour au lendemain lorsqu’ils basculent dans l’autre camp »[34]. Dans ses lettres, Marx juge par contre bien plus sévèrement l’action militaire de la Commune et affirme que dès avril, malgré les rapports rassurants envoyés par Serraillier depuis Paris, la partie est perdue. Plus significatif encore, là où La Guerre civile parle du conseil de la Commune comme d’un « corps agissant, exécutif et législatif à la fois texte », la lettre à Frankel et Varlin pointe le temps perdu en bavardages et disputes intestines. Tout cela est du reste de notoriété publique, ou plus exactement : fait écho à des débats internes aux acteurs eux-mêmes, car Marx se montre particulièrement soucieux d’éviter toute posture de donneur de leçons. Même son expertise en matière économique n’apparaît que lorsqu’elle est sollicitée par les dirigeants parisiens. Texte qui exprime le point de vue de l’AIT en tant que telle, La Guerre civile ne peut a fortiori prendre parti sur des questions qui ont profondément divisé le conseil de la Commune et même ceux parmi ses membres affiliés à l’Internationale. C’est en particulier le cas du clivage entre « majorité » et « minorité » sur la question de la constitution d’un Comité de salut public – des notes ultérieures laissent apparaître que Marx se plaçait à distance des deux camps. Plus significatif encore, dans ses ajouts à la traduction allemande de l’Histoire de la Commune de Lissagaray, publiée en 1877 et entièrement révisée par ses soins, il laisse apparaître de sérieux doutes quant au caractère « ouvrier » du « gouvernement communal », jugement qui annonce celui de la lettre à Nieuwenhuis de 1881 dans laquelle il écrit que la « la majorité de la Commune n’était pas socialiste, et ne pouvait pas l’être »[35]. Il est évident que les péripéties de la proscription communarde de Londres et ses propres démêlés (et ceux d’Engels) avec plusieurs de ses membres ont lourdement pesé dans cette inflexion[36]. Dans les mêmes ajouts, Marx flétrit également les réticences de la Commune à assurer la pleine publicité de ses débats. Il faut remarquer que ses jugements distanciés demeurent de l’ordre du privé, ou qu’ils se glissent sous la plume d’autrui (comme dans le cas de la traduction en allemand de Lissagaray). Dans les textes publics, ce sont les formulations de La Guerre civile qui sont reprises. Ainsi, dans son introduction de 1891, Engels écrit : « Dans la Commune ne siégeaient presque que des ouvriers ou des représentants reconnus des ouvriers ; ses décisions portaient de même un caractère résolument prolétarien »[37]. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que, malgré l’impressionnante documentation qu’il a rassemblée et les informations venant de Paris dont il pouvait disposer (mais qui se focalisaient inévitablement sur les urgences du moment), bien des aspects de la Commune ont échappé à Marx, en particulier ceux qui ont attiré l’attention des historiens contemporains soucieux d’une vue « par en bas » des événements[38]. Dans l’immédiat après-coup de l’événement, il apparaissait sans doute plus pressant de disculper les Communards de l’image de barbares pyromanes dont ils étaient gratifiés par la presse de l’époque et de rétablir les faits concernant le carnage dont les rues parisiennes venaient d’être le théâtre.
Faut-il au bout du compte en conclure à une duplicité délibérée de Marx et d’Engels, qui manient un discours public véhiculant une image idéalisée et un autre, privé, dans lequel ils expriment leur « véritable » vision des choses ? Ce serait passer trop vite sur le rapport étroit que ces textes entretiennent avec la conjoncture dans laquelle ils interviennent, et la fonction qu’ils sont censés y jouer. En introduisant La Guerre civile vingt ans après sa rédaction au public allemand, Engels peut difficilement se démarquer de son contenu – ce serait désavouer Marx, dont l’autorité est loin d’être incontestée au sein de la social-démocratie – et il peut d’autant moins le faire qu’en ce moment, l’aile droite du SPD se livre à un exercice de dénigrement de la Commune qui vise à récuser toute perspective de rupture révolutionnaire en Allemagne. A l’inverse, nous l’avons vu, quand il analyse les projets de socialisation, Marx, tout en ayant en tête les débats et tensions internes de la Commune, tente de capter ce qui dans l’événement lui-même le dépasse, ce caractère d’excès, d’inédit, qui, pour une part du moins, échappe aux intentions et à la conscience des acteurs qui le « découvrent » après-coup, et dans lequel il voit effectivement poindre des éléments de communisme. Dans une lettre de 1884 à Bernstein, Engels résume cette méthode marxienne en ces termes : « Le fait que dans La Guerre civile les tendances inconscientes de la Commune aient été portées à son compte comme des plans plus ou moins conscients était, dans les circonstances, justifié, voire nécessaire »[39]. On peut certes voir dans ce propos d’Engels une « imprudence », qui, comme le pense Georges Haupt, révèle le caractère problématique d’un « modèle théorique de la Commune construit sur l’interprétation et la projection »[40], voire même, comme l’affirme Robert Tombs, une volonté calculée de répandre des « mythes » et de « répéter comme des faits la propagande de l’époque, [de] supposer l’application effective de mesures n’existant que sur le papier, [de] mal interpréter ou exagérer des actes et des intentions »[41]. Critiques ou polémiques, ces commentaires soulignent toutefois le caractère irréductible d’« interprétation » de toute analyse de l’événement, la véritable question consistant à savoir si elle relève de la seule « projection » des désirs de l’auteur ou si elle s’appuie sur des éléments tangibles, vérifiables. Si, en d’autres termes, les hypothèses qu’elle formule permettent de rendre compte des processus qui forment le substrat de l’événement et en donnent une vision d’ensemble cohérente et susceptible d’intégrer de nouveaux éléments.
Dans son analyse de la Commune en tant que forme politique, Marx s’appuie effectivement non pas tant sur les réalisations de la Commune, dont, nous l’avons montré, il perçoit bien les limites, mais avant tout sur son « programme », tel qu’il est consigné dans ses décisions les plus emblématiques, ses proclamations, et, d’une certaine façon, dans ses propres discours. Mais, contrairement à certains, il ne considère pas ces discours comme de simples exercices de rhétorique qui « n’existent que sur le papier », car il est conscient de ce qu’une juriste contemporaine qui s’est penchée sur l’œuvre normative de la Commune a fort bien saisi : « Si pour les historiens, la Commune de Paris marque un temps fort de la lutte des classes et d’une ouverture pour le progrès social, pour les juristes elle pourrait être un des moments-clefs dans la construction de notions juridiques essentielles. Car en Révolution, les mots ne sont pas seulement des armes, ils sont des ‘actes’. C’est du discours et de l’action, du discours mis en actes, que procède l’œuvre révolutionnaire de la Commune »[42]. Et s’il en est ainsi, ce n’est pas en vertu de mystérieuses propriétés « performatives » qui lui seraient inhérentes mais parce que ce discours est porté par l’activité des « masses » en mouvement dont il traduit, par ses incertitudes et ses limitations mêmes, les aspirations et la réalité de leur transformation en actrices de l’histoire.
C’est donc l’aspiration des masses parisiennes à se gouverner elles-mêmes et, face à un adversaire intransigeant, leur disponibilité à s’engager dans un processus de transformation des rapports sociaux, qui vont permettre à Marx de réélaborer ses idées sur la nature du pouvoir révolutionnaire. Deux idées, étroitement liées, s’imposent d’entrée de jeu : d’une part, l’expérience de la Commune non seulement confirme mais donne corps à l’idée de la rupture avec la machinerie d’Etat en dessinant, et, pour une part, en expérimentant concrètement les premiers contours d’une autre configuration institutionnelle, une forme expansive qui aiguillonne le combat pour l’émancipation sociale. De l’autre, ce processus de rupture, s’il se réclame emphatiquement de la République, s’il se situe bien dans le prolongement de tendances qui ont vu le jour au cours des moments révolutionnaires antérieurs, ne peut s’y réduire : la Commune n’est pas simplement la « vraie » République, la « Sociale », mais aussi son dépassement vers quelque chose de nouveau, qu’elle permet de nommer, de façon adéquate mais peut-être aussi provisoire.
Commençons par ce dernier aspect. Dans La Guerre civile, Marx définit en ces termes le rapport de la Commune à la République : « L’antithèse directe de l’Empire fut la Commune. Le cri de ‘République sociale’ par lequel le prolétariat de Paris inaugura la révolution de Février [1848], n’exprimait guère qu’une vague aspiration à une République qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette République »[43]. Un passage du premier brouillon précise cette idée : « La république avait cessé d’être le nom d’une chose du passé. Elle était grosse d’un monde nouveau. Sa tendance véritable, masquée aux yeux du monde par les duperies, les mensonges et les vulgarisations d’une bande d’avocats intrigants et de jouteurs oratoires, ne cessa de reparaître au cours des mouvements spasmodiques de la classe ouvrière de Paris (et du midi de la France) dont le mot d’ordre fut toujours le même, la Commune ! »[44]. Pleinement conscient, et certainement impressionné, par l’ardeur républicaine des Communards et par l’omniprésence des références à 1789-1793 et à 1848, Marx discerne à la fois une continuité et une rupture. Continuité avec l’exigence sans-culotte du gouvernement direct, mais aussi avec l’énergie des assemblées révolutionnaires, qui le conduit, nous l’avons vu, à réviser ses vues quant au rôle de la Grande Révolution dans l’émergence de l’Etat bourgeois ; continuité encore avec cette première expression des aspirations prolétariennes que cristallise le mot d’ordre quarante-huitard de « République sociale » ; mais avant tout rupture, car il ne s’agit pas simplement de changer de régime politique, mais de mettre fin à la domination de classe, y compris celle qui se perpétue sous un régime républicain. Or, une telle tâche ne peut être pleinement pensée, et donc menée à bien, avec et dans les mots anciens. Entre la République, puisse-t-elle s’étendre à un volet « social », et la Commune, il y toute la césure qu’instaure, à travers l’action directe des masses, la rupture avec l’ancienne machinerie étatique, condition nécessaire pour ouvrir la voie à l’abolition de la domination de classe. Marx répond ainsi en quelque sorte par avance à la « synthèse » jauressienne entre socialisme et républicanisme, en en révélant la véritable nature, celle d’une tentative d’intégrer le mouvement ouvrier à une République inchangée dans ses structures fondamentales car supposément ouverte, de par son concept même, à la réalisation de l’« idéal socialiste ». Pour Jaurès, le socialisme est en effet essentiellement affaire d’« idéal » et la synthèse républicaine qu’il professe le pendant de la synthèse entre la « conception matérialiste » et la « conception idéaliste » (telles qu’il les comprend) de l’histoire, i. e. entre l’action des facteurs économiques et celle des hommes, mus par leur conscience vers « une direction intelligible et un sens idéal » qui réalise leur humanité[45]. Pour Marx, au contraire, la Commune, « forme positive de cette République », « la Sociale » rêvée de 1848, est appelée à prendre sa place. Elle annonce le « monde nouveau » dont la république était grosse, elle se pense toujours en référence à la forme républicaine, qu’elle revendique plus que tout, mais sa dynamique va au-delà : la Commune, écrit Marx, « fournissait à la République la base d’institutions réellement démocratiques. Mais ni le ‘gouvernement à bon marché’, ni la ‘vraie République’ n’étaient son but dernier ; ils n’étaient guère que ses corollaires ». Et il enchaîne en dévoilant, dans le passage que nous avons longuement commenté, son « véritable secret », d’être le « gouvernement de la classe ouvrière », la « forme politique enfin trouvée sous laquelle pouvait se mener l’émancipation économique du Travail »[46]. Mais, nous l’avons vu également, comme « la Commune n’est pas le mouvement social de la classe ouvrière (…) mais seulement le moyen organisé de son action », on peut aussi penser qu’en tant que médiation, elle n’est-elle-même qu’un nom transitoire, appelé à être dépassé au cours de ce long processus qui « crée l’environnement rationnel dans lequel cette lutte de classe peut passer par ses différentes phases de la façon la plus rationnelle et la plus humaine »[47]. Dans l’histoire profane, aucun nom, aussi nécessaire qu’il puisse être à un moment déterminé, ne doit être considéré comme définitif.
Notes
[1] Mikhaïl Bakounine, « La Commune de Paris et l’idée de l’État » ; Pierre Kropotkine, « La Commune de Paris ».
[2] Lénine, L’Etat et la révolution, in Œuvres, Paris/Moscou, Éditions sociales, Editions du Progrès, 1977, t. 25 : juin-septembre 1917, p. 413-531.
[3] Ibid., p. 453-454.
[4] Ibid., p. 493
[5] Ibid., p. 460 et 464.
[6] Ibid., p. 527-528.
[7] Ibid., p. 511.
[8] Ibid., p. 527.
[9] Cf. Controverses, Gustave Lefrançais, « La Commune et la révolution », p. 395 : « Sans doute les événements militaires que provoqua la proclamation de la Commune à Paris amenèrent son Conseil à prendre des allures de gouvernement, de dictature même, mais ces agissements, exclusivement transitoires, et résultant de la lutte terrible qu’elle avait à soutenir, eussent forcément pris fin le jour où la Commune fût redevenue maîtresse de son action ». Cf. également Arthur Arnoud, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris (1878), Paris, Klincksieck, 2018, p. 146 et p. 272-273 : « il fallait une direction ferme, dictatoriale, pour la question militaire » ; « tout ce qui regarde les postes, les télégraphes, les voies de communication, … la défense nationale, tout ce qui est nécessaire au maintien de l’indépendance, à la résistance à la conquête violente et immorale, eût regardé également la collectivité entière… Il en était de même pour les relations internationales avec l’extérieur. Les finances nationales, c’est-à-dire la portion des richesses nationales consacrées à ces services publics, au fonctionnement des intérêts collectifs, eussent dû être centralisées, mais dans cette mesure seulement ».
[10] Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire. De juin 1848 à la Commune, Paris, La fabrique, 2013, p. 488.
[11] Cf. Correspondance, lettre de Marx à Kugelmann du 12 avril 1871, p. 280.
[12] Marx, Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Messidor-Éditions sociales, 1984, p. 186-188.
[13] Ibid. p. 187.
[14] Ibid.
[15] Ibid., p. 186, 196.
[16] Ibid., p. 196.
[17] Karl Marx, Friedrich Engels, Le Manifeste du parti communiste, Paris, Éditions sociales, bilingue, 1972, p. 85 – traduction modifiée.
[18] Ibid., p. 87.
[19] « Adresse du comité central de la Ligue des communistes » (mars 1850), in Karl Marx, Œuvres, t. IV : Politique I, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994, p. 551-552.
Ibid. p. 548., p. 556-557.
[20] Ibid.
[21] Le Manifeste…, op. cit., p. 125.
[22] Ibid., p. 125.
[23] Correspondance, lettre de Marx à Kugelmann du 12 avril 1871. Nous aurons à revenir sur la fin de la phrase, qui semble restreindre la validité de la thèse, et en excepter le monde anglo-saxon.
[24] Marx, La Guerre civile en France, p. 176.
[25] Marx, « Premier essai de rédaction de La Guerre civile en France », p. 207. Ce passage est une reprise quasiment inchangée d’un développement du Dix-huit Brumaire…, op. cit., p. 17.
[26] La Guerre civile en France, p. 174.
[27] « Adresse du Comité central… », op. cit., p. 557. Engels précise également que ce principe autogouvernement n’est pas incompatible avec l’unité nationale et qu’il s’oppose à un fédéralisme de type suisse ou allemand du sud, qui reproduit des particularismes étroits et surannés.
[28] Cf. ce passage évocateur de son ouvrage Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique (1905) : « Plus la Commune de Paris de 1871 nous est chère, moins il nous est permis de l’invoquer tout court, sans examiner ses fautes et les conditions particulières dans lesquelles elle se trouva placée (..). Que dira le [participant à la conférence du parti] à l’ouvrier qui l’interrogera sur cette ‘Commune révolutionnaire’, mentionnée dans la résolution ? Il ne pourra lui dire qu’une chose : c’est que l’histoire connaît sous ce nom un gouvernement ouvrier qui, à l’époque, ne savait ni ne pouvait distinguer entre les éléments des révolutions démocratique et socialiste, qui confondait les tâches de la lutte pour la république avec les tâches de la lutte pour le socialisme, qui ne sut pas résoudre le problème d’une offensive militaire énergique contre Versailles, qui commit la faute de ne pas s’emparer de la Banque de France, etc. En un mot, que vous invoquiez dans votre réponse la Commune de Paris ou toute autre commune, vous devrez répondre : Ce fut un gouvernement comme ne doit pas être le nôtre », Lénine, Œuvres, op. cit., t. 9 : juin-novembre 1905, p. 80-81.
[29] Cf. Georges Haupt, « La Commune comme symbole et comme exemple », in Georges Haupt, L’historien et le mouvement social, Paris, Maspero, 1980, p. 69-70 ; Gilbert Badia souligne qu’ « il est frappant que ni Rosa Luxemburg, ni Mehring, ni d’une façon générale les dirigeants de la gauche de la social-démocratie n’aient abordé un problème que Marx avait longuement traité à propos de la Commune, celui de l’Etat, de la Commune comme exemple de la dictature du prolétariat », « Discussion », in La Commune de 1871. Colloque de Paris, Paris, Les Editions ouvrières, 1972, p. 233.
[30] Jacques Rougerie, La Commune de 1871, Paris, PUF, 2e édition, 1992, p. 77.
[31] Jacques Rougerie, « L’AIT et le mouvement ouvrier à Paris pendant les événements de 1870-1871 », International Review of Social History, vol. 17, n° 1, 1972, p. 71.
[32] Cf. Quentin Deluermoz, Commune(s) 1870-1871. Une traversée des mondes au 19e siècle, Paris, Seuil, 2020, p. 255-275.
[33] Près de 11 000 exemplaires vendus entre sa publication et le printemps 1872, auxquels il faut ajouter les traductions dans plusieurs langues. Cf. Gilbert Badia, « Discussion », op. cit., p. 231.
[34] La Guerre civile en France, p. 168.
[35] Correspondance, lettre de Marx à Ferdinand Domela Nieuwenhuis du 22 février 1881, p. 300.
[36] Dans une lettre du 12 septembre 1874 à Sorge, Engels oppose ainsi, au sein des communards en exil, les figures de proue, en proie à toutes sortes de pathologies, à la masse des anonymes : « L’émigration française est tout à fait divisée, ils se sont tous brouillés entre eux et avec le reste du monde pour des raisons purement personnelles, des histoires d’argent la plupart du temps, et nous en sommes presque complètement débarrassés. (…) La vie irrégulière qu’ils ont menée pendant la guerre, la Commune et l’exil a fait perdre tout sens moral à ces gens, et seul le fin fond de la misère est capable de faire des hommes rangés de ces Français désœuvrés. En revanche, la grande masse des travailleurs français politiquement inconnue a, pour l’instant, laissé tomber la politique et trouvé du travail ici », in Karl Marx, Friedrich Engels, Correspondance, t. 12 : janvier 1872-octobre 1874, Paris, Editions sociales, 1989, p. 381. Dans une lettre au même Sorge du 5 novembre 1880, Marx parle en termes enthousiastes des efforts de Guesde et Lafargue pour organiser un parti socialiste en France, et émet ce jugement global sur le passé du mouvement ouvrier français, avec une référence claire à la Commune : « jusque-là il n’y avait que des sectes, qui recevaient naturellement leur mot d’ordre du fondateur de la secte, tandis que la masse du prolétariat suivait le bourgeois radical ou pseudo-radical et, au moment décisif, se battait pour eux, et finissait par être massacrée, déportée, etc., par les gars qu’ils avaient mis aux commandes », in Friedrich Engels, Karl Marx, Correspondance, t. 13 : 1874-1880, Paris, Les Éditions sociales, p. 422.
[37] Engels, « Introduction » de 1891 à La Guerre civile en France, p. 217.
[38] Ce reproche de Roger Thomas notamment nous paraît donc pour le moins excessif : « Pourtant, certaines de ses omissions et de ses silences sont flagrants. Même en tenant compte de l’indisponibilité de sources en mai [1871, la décision de Marx d’exclure [de son propos] les activités populaires et les activités des féministes socialistes est problématique », Roger Thomas « Enigmatic Writings : Karl Marx’s The Civil War in France and the Paris Commune of 1871 », History of Political Thought, vol. 18, n° 3, 1997, p. 511.
[39] Correspondance, lettre 30.
[40] « La Commune comme symbole… », op. cit., p. 62.
[41] Paris, bivouac…, op. cit., p. 355.
[42] Genevève Koubi, « Histoire du droit public : Le Journal officiel de la Commune de Paris (1871) produit de la révolution du 18 mars 1871 », disponible sur le site Droit cri-TIC, mis en ligne le 18 mars 2008 koubi.fr/spip.php?article24 – nh1
[43] La guerre civile en France, p. 176.
[44] Idem, p. 208.
[45] Jean Jaurès, « Idéalisme et matérialisme dans la conception de l’histoire », in Jean Jaurès, L’esprit du socialisme, Paris, Gonthier, 1964, p. 24-25.
[46] Ibid.
[47] Premier brouillon.