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La grève est étudiante, la lutte est populaire

Arrêtons-nous un court instant sur ce slogan de la CLASSE : la grève est étudiante, la lutte est populaire. Que signifie-t-il? Si une grève part souvent d’un point de revendication précis impliquant un groupe précis (dans ce cas, la hausse des frais de scolarité imposée par le gouvernement Charest), si elle est souvent déclenchée en réaction à une mesure imposée par un gouvernement ou une administration touchant le groupe en question; en revanche, la lutte contre cette mesure peut s’élargir à d’autres groupes de la société non touchés directement par la mesure.

Autrement dit, la lutte peut devenir populaire et impliquer des citoyennes et citoyens interpelés par la grève et désirant y apporter leur soutien en manifestant aux côtés des grévistes. Or, pour que cette lutte d’abord sectorielle devienne populaire, il s’agit de faire en sorte que le point de revendication initial soit un élément déclencheur soulevant d’autres enjeux reliés les uns aux autres, autrement dit, qu’il s’incorpore dans la défense d’une certaine vision de la société contre un ensemble d’attaques perpétuées. Il s’agit donc d’incorporer la revendication initiale au sein d’une critique plus générale du système alors défendu.

 

Retour sur la grève

 

Et c’est ce qu’a réussi en partie à faire le mouvement étudiant de 2012. Ainsi, si le point de revendication central a été la hausse des frais de scolarité et si c’est cette revendication qui a conduit au déclenchement de la grève fin février 2012, l’enjeu s’est élargi et la lutte contre la hausse des frais est devenue la pointe de l’iceberg. Or, qu’est-ce qui a participé à cet élargissement du mouvement et de son point de revendication initial? Quels en ont été les constituants?

Le premier élément important a été la constitution d’un discours ainsi que la diffusion d’un matériel d’information incorporant la revendication initiale au sein d’une critique plus large. La CLASSE a ainsi effectué un travail important pour illustrer en quoi cette hausse s’inscrivait dans une vision problématique de l’éducation, une éducation vue comme investissement personnel auquel on associe un prix d’achat et non plus une éducation comme un service public collectif auquel tout citoyen ou citoyenne a droit sans barrière tarifaire. Au combat contre la hausse, s’est alors associé un combat contre la marchandisation de l’éducation. Il ne s’agissait plus simplement de dénoncer le coût supplémentaire des études universitaires, mais la conception de l’éducation véhiculée à travers l’imposition de cette hausse. De façon plus large encore, un des enjeux majeurs a été de tenter de montrer en quoi cette hausse s’inscrivait dans le cadre d’une privatisation progressive des services publics et de l’instauration du principe utilisateur-payeur. Ainsi, la transformation progressive de l’éducation en objet de consommation n’est pas une évolution isolée. Le domaine de la santé subit par exemple les mêmes transformations à travers l’instauration de la taxe santé. Bref, il s’agissait de montrer en quoi cette hausse n’était pas le fruit d’un acte arbitraire d’un certain gouvernement mais s’inscrivait dans le cadre d’une politique néolibérale.

Et il me semble que c’est en faisant ces liens nécessaires qu’on peut construire un véritable mouvement populaire, qu’on peut avoir l’appui des milieux communautaires, des syndicats et des citoyens et citoyennes. Expliquer pourquoi, alors que c’est actuellement l’éducation qui est touchée, d’autres secteurs clés de notre société sont en passe de subir le même sort, et qu’ainsi la lutte n’est pas uniquement sectorielle, est un travail essentiel à faire.

 

La pratique démocratique

 

Également, par son importance, sa longueur, sa puissance créative, la grève a réussi à questionner d’autres réalités sociales et en premier lieu, la démocratie. Au niveau local, de nouvelles revendications concernant l’exercice de la démocratie universitaire ont surgi. Pour prendre un cas qui m’est familier, à l’Université de Montréal, très vite un combat interne contre l’administration a pris place aux côtés de la lutte initiale contre la hausse des frais de scolarité. Suite aux nombreux courriels reçus dénigrant l’existence d’une grève sur le campus, puis à la demande d’injonction de la part de l’administration, une prise de conscience du peu de considération envers les étudiants et de façon générale, envers la communaut

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