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La face cachée du Partenariat transpacifique

Stephen Harper a reçu un cadeau inespéré pendant la campagne électorale : la conclusion du Partenariat transpacifique (PTP). Il fallait entendre ses dithyrambes au moment où il l’a annoncé : il parlait d’une nouvelle norme de référence des accords commerciaux, du programme économique le plus ambitieux jamais réalisé, du plus grand partenariat de l’histoire du monde. Il venait de décrocher la lune. Mais lorsqu’on le regarde de près, cet accord dissimule plutôt de nombreux aspects très inquiétants pour la population canadienne.

La face cachée du PTP, c’est d’abord l’ensemble de l’accord, qui a été négocié dans un secret plus grand que jamais. Pourtant, la demande de transparence de ceux qui cherchaient à le comprendre était particulièrement insistante. WikiLeaks est parvenue à publier trois des vingt-neuf chapitres de l’accord, grâce à des fuites, et offre 100 000$ à celui qui transmettra le reste. L’accord entre le Canada et l’Union européenne, quant à lui, avait vu quelques versions de son texte glisser sous la table pour parvenir dans l’espace public. Un accord commercial devrait cependant être connu bien autrement que par des fuites. Ce secret obsédant autour des négociations, auquel sont même soumis la quasi totalité des membres des parlements, donne un pouvoir gigantesque à des négociateurs technocrates et couvre d’un grand voile l’armée de lobbyistes qui les influencent.

Les défenseurs de l’accord parlent rarement de son aspect le plus inquiétant : le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Des règlementations adoptées dans l’intérêt public peuvent ainsi être attaquées par des entreprises, grâce à des tribunaux d’arbitrage privés, ces mêmes entreprises n’ayant par contre aucune obligation à remplir dans le cadre d’un accord commercial. Ce mécanisme, qui demeure une atteinte majeure à la démocratie, est trop peu en cause sur notre continent, alors qu’il soulève pourtant une vive opposition ailleurs, en Europe notamment.

Lorsque l’on présente le Partenariat transpacifique, on parle souvent, par exemple, des avantages d’envoyer un peu plus de sirop d’érable à l’étranger contre les inconvénients de produire moins de lait ici. Mais on ne s’inquiète pas de trimballer veaux, vaches, cochons, couvées d’un côté de l’autre de l’océan Pacifique, suivant des itinéraires qui n’en finissent plus. À l’heure du réchauffement climatique, n’est-il pas urgent de favoriser, bien au contraire, les circuits courts, et de limiter une agriculture énergivore, grande consommatrice de pétrole ? En quoi les États-Unis et le Québec ont-ils besoin, entre autres, du lait des fermes industrielles de la Nouvelle-Zélande ?

On veut compenser aux pertes encourues par nos agriculteurs et par nos fabricants de pièces automobiles en leur accordant des subventions. Curieusement, personne ne semble voir qu’il s’agit là d’une contradiction fondamentale. Ainsi, le libre-échange ne fonctionne bien que si on le fausse. Imaginez si tous nos partenaires se mettent à agir de la même façon et subventionnent les secteurs libéralisés, pour les défendre contre les menaces. Tout serait donc à recommencer. Mais n’ayez crainte, cela ne pourra pas arriver systématiquement : les pays pauvres, eux, n’ont pas les moyens de prendre de telles mesures.

On veut vous faire accroire que le libre-échange permettra des baisses de prix. Mais on ne mentionne pas que les compagnies pourraient surtout hausser leur marge de profit. Et ce n’est pas tout. En vantant les belles « opportunités » pour nos entreprises, on ne spécifie pas que seules les plus puissantes en profiteront, celles qui ont des ramifications à l’étranger et qui pourront ainsi éliminer les petites entreprises rivales. Comme l’explique la journaliste Manon Cornelier, dans le cas des pièces automobiles : « les gros fabricants, comme Magna, qui ont des usines un peu partout, sont heureux de gagner un accès à un plus grand marché. Les petites usines, elles, qui représentent environ la moitié de l’industrie, craignent de ne pas pouvoir résister à cette concurrence. » Ayant éliminé la concurrence, elles pourront déterminer les prix à leur guise, qui ne seront pas les plus bas, on peut l’imaginer.

Notre pays ne se vante pas de ses déficits commerciaux, accumulés année après année. Certes, le Canada est une nation commerçante, nous répète-t-on, mais il n’est pas nécessairement un gagnant à ce jeu. On ne veut surtout pas réfléchir sur les effets du libre-échange sur ces déficits, sachant qu’une ouverture des marchés a surtout tendance à accentuer ce type de déficits. Ne serait-il pas mieux d’examiner à tête reposée, et à la suite d’études indépendantes et exhaustives, quels seront les effets réels des libéralisations sur les emplois et sur notre économie ?

Certains ne pensent pas ainsi, comme notre ineffable ministre de finances, Carlos Leitao : « Dans son ensemble, le libre-échange est toujours positif », avance-t-il, dans une fine analyse (c’est nous qui soulignons). Bien sûr, la foi soulève les montagnes. Que le ministre nous permette cependant d’être un peu moins confiants. En plus des problèmes mentionnés, plusieurs autres aspects nous remplissent d’inquiétudes : un affaiblissement de nos services publics, une protection imparfaite de la culture, une hausse prévisible du coût des médicaments. Les raisons sont donc multiples de ne pas vouloir se laisser berner par cet obscur Partenariat transpacifique.

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