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La fabrication du consensus à Gatineau

Bill Clennett, 25 mai 2021

Bill Clennett est un militant socio-politique, qui défend notamment les droits des plus démunis et le droit au logement social.

À lire également, le dossier de la Ligne des droits et libertés,  » La situation du logement à Gatineau et ses impacts sur les droits humains », février 2021 (https://liguedesdroits.ca/rapport-mission-observation-logement-gatineau/)

 

En 2019 la Ville de Gatineau a inscrit et institutionnalisé le recours au huis clos et a commencé à exiger des frais pour la divulgation de documents en format électronique. Ces reculs au niveau de la démocratie municipale s’ajoutent au problème endémique de consultations bidon. Deux exemples récents témoignent du système de manipulation de l’opinion publique en vigueur. Au lieu de mettre l’expertise citoyenne au bénéfice du bien commun, la Ville de Gatineau préfère la fabrication d’un consensus qui est arrangé avec le gars des vues.

Le 10 mars dernier, la Ville de Gatineau a invité la population à participer à un atelier en ligne pour exprimer son opinion sur le nouveau plan stratégique. Le volet principal de cet atelier de participation citoyenne était un bloc de 40 minutes de discussion en sous-groupes suivis d’une séance plénière.

Chaque sous-groupe devait aborder deux des cinq directions stratégiques et les stratégies de mise en œuvre. Les détails de ces éléments, qui étaient décidés d’avance, constituaient l’essentiel du futur plan stratégique. Les échanges en atelier devaient porter sur deux questions concernant les résultats escomptés et les conditions de succès : « Quels résultats tangibles devraient être atteints dans 5 ans pour chacune des directions stratégiques, considérant les stratégies qui y sont associées, afin d’avoir le sentiment que la ville de Gatineau a poursuivi son développement ?  Est-ce qu’il y a des conditions de succès pour la matérialisation de ces directions stratégiques? »

En limitant l’échange à ces deux questions, il n’y avait pas de place pour que la population puisse donner son avis sur les cinq directions stratégiques du nouveau Plan stratégique. Leur rejet ou la possibilité de les amender n’était pas prévu dans l’organisation de l’échange. Il n’était pas plus prévu d’ajouter une nouvelle direction stratégique. C’était également le cas des 20 stratégies identifiées pour mettre en œuvre les directions stratégiques. Le cadre d’échange de l’atelier ne prévoyait aucune possibilité de remettre en question, d’amender ou d’ajouter aux stratégies choisies.

Cette consultation était l’occasion pour la population de s’exprimer sur l’élaboration du plan stratégique, mais le cadre de discussion se limitait à un échange sur sa mise en œuvre. Avec une telle orientation il n’y avait aucune place pour la population de donner son opinion sur le prochain plan stratégique, même si c’était le but annoncé de l’exercice. En fait le choix stratégique de cette consultation était d’éviter toute remise en question.

Ironiquement une des stratégies proposées pour le nouveau Plan stratégique était de « faciliter le dialogue entre la Ville et les citoyens (afin de) créer des occasions et des espaces de dialogue, pour permettre aux citoyens et à la Ville d’échanger aisément et de façon optimale et authentique. » Clairement l’espace de dialogue offert par cet atelier en ligne ne permettait pas un échange optimal et authentique avec la population.

Le 18 mai dernier, la Ville de Gatineau a organisé une autre consultation sur un projet de Plan climat municipal. Au centre de cet exercice de planification était l’établissement d’une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) accompagnée de moyens pour l’atteindre.

La cible annoncée par la municipalité pour son territoire était une réduction des émissions de GES de 35% en 2030 par rapport à 2015. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GEIC) avait estimé que pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, c’était plutôt une réduction des émissions de GES de 45% en 2030 par rapport à 2010 qui était nécessaire. Dans le document de consultation, il n’y avait aucune explication du raisonnement derrière la cible municipale choisie.

La Ville a invité la population à participer à deux activités de consultation sur le futur Plan climat. La première était un sondage en ligne de Survey Monkey dont le but était de prioriser les objectifs et les moyens contenus dans le Plan climat. Ces éléments étaient tous décidés d’avance, mais ils n’incluaient aucune estimation de leur impact concernant la réduction des émissions des GES. C’est pour cette raison que le groupe environnemental Action climat Outaouais a décidé de ne pas remplir le sondage.

La deuxième activité était une rencontre virtuelle avec des ateliers pour permettre à la population de s’exprimer, mais sur un nombre très limité de sujets. La discussion ne devait pas porter sur les cibles choisies en matière de réduction des émissions de GES. Il n’était pas prévu de questionner les objectifs et les moyens contenus dans le Plan climat, ni de proposer des amendements ou de faire de nouvelles propositions. Le seul sujet à l’ordre du jour était l’indentification des actions nécessaires pour concrétiser les moyens qui ont gagné le concours de popularité lors du sondage en ligne.

Ainsi le Ville de Gatineau a organisé une consultation concernant son nouveau Plan climat, mais le cadre de discussion ne permettait pas à la population de donner son avis même si c’était le but annoncé de l’exercice. En fait le choix stratégique de cette consultation était d’éviter toute remise en question du contenu du futur Plan de climat.

La similitude de ces deux exemples de participation citoyenne confirme l’existence d’une culture de gouvernance qui instrumentalise des consultations publiques dans le but d’enliser la population dans une démarche dont le résultat est décidé d’avance. Dans un cas comme dans l’autre la population était invitée à exprimer son avis sur des initiatives municipales importantes, mais dans les deux cas le cadre de discussion imposé a évité soigneusement des échanges sur le contenu des initiatives qui faisaient l’objet des consultations.

Les questions secondaires où une discussion publique était autorisée avaient pour fonction de légitimer le processus. Elles présupposent l’acceptation du contenu essentiel qui n’est pas à l’ordre du jour. Ainsi les autorités municipales peuvent vanter leur grande ouverture à écouter la population tout en évitant des voix discordantes et des polémiques gênantes. Le problème avec ce modus operandi est surtout le fait de priver la population d’une voix dans les décisions qui la concernent ce qui a pour effet d’affaiblir le processus décisionnel en le privant du savoir citoyen.

 

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