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La démagogie réactionnaire de François Legault

François Legault promet s’il parvient au pouvoir de « suspendre » les flux d’immigration pendant deux ans. Il justifie cela par les dangers que représente selon lui l’immigration pour le français au Québec et également compte tenu des possibilités plus limitées au niveau de l’emploi : « Les outils et les ressources consacrés à la sélection, l’accueil et l’intégration des immigrants au Québec sont insuffisants pour garantir leur employabilité et favoriser, dans les meilleures conditions possibles, leur intégration à la majorité francophone. Cette situation dessert à la fois les immigrants et le Québec ».

Bien que modérée dans sa forme, cette proposition s’inscrit en droite ligne dans le discours réactionnaire de l’ADQ ainsi que de celui des « commentateurs » et « journalistes » de droite qui occupent les médias québécois. Pour les Mario Dumont, Éric Duhaime, Richard Martineau et autres roquets de service, les immigrants sont le « problème ». Non seulement ils « volent nos jobs », mais pire encore ils parlent anglais. La « solution » est toute trouvée, il faut arrêter ces hordes et si on doit continuer d’accepter des immigrants, il faut les discipliner, les surveiller et les forcer à agir de manière « responsable ». En récupérant cette démagogie, Legault cherche à sécuriser son projet d’absorber l’ADQ et d’autres secteurs réactionnaires dans son futur « nouveau » parti qui apporte bien peu de nouveau justement.

Une proposition qui ne tient pas la route

Les flux migratoires qui amènent au Québec environ 50 000 personnes bon an mal an représentent une goutte d’eau dans la population active du Québec. L’impact sur l’offre d’emploi total est plutôt négligeable selon les recherches courantes (voir notamment, André Grenier, Le marché du travail au Québec 2009-2018, Emploi-Québec). Pour autant selon les projections, le manque de main d’œuvre est réel dans plusieurs secteurs et connaîtra un accroissement sur les dix prochaines années. Avec le départ des « baby boomers » (plus d’un million d’ici 2018), il faudra trouver plus de 275 000 nouveaux travailleurs pour maintenir le niveau actuel de l’activité économique. À cela il faut compter la courbe des décès (environ 60 000 par an). Statistiquement parlant donc, les 50 000 immigrants qui arrivent au Québec sont donc tout à fait essentiels pour contribuer à une économie relativement prospère dans le cadre du capitalisme.

La question de l’intégration

François Legault et ses acolytes de l’ADQ pointent du doigt les immigrants parce qu’ils ne s’intègrent pas assez, disent-ils, à la société québécoise. Dans les médias-poubelles de Quebecor notamment, une campagne de dénigrement et de diffamation continue sans cesse contre les immigrants, notamment les personnes de confession musulmane ou d’origine arabe. On se souvient que tout cela a pris une tournure caricaturale il y a quelques années, et qui ont provoqué la mise en place de la Commission Bouchard-Taylor. Bien que bien intentionnée, cette commission n’a débouché sur rien de concret, à part de dire qu’on devait être tolérants et gentils. En réalité, plusieurs communautés immigrantes, sans être ostracisées comme elles peuvent l’être dans d’autres pays, sont effectivement marginalisées dans des domaines comme l’emploi et le logement. Les immigrants masculins originaires du Maghreb par exemple connaissent des taux de chômage beaucoup plus élevés que les autres catégories de population. Dans le secteur privé des services, des immigrants sont confinés à des tâches d’exécution qui permettent peu d’interaction avec la population en général. Les petites et très petites entreprises (c’est souvent le cas dans les services) ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les grandes entreprises en terme de francisation. Enfin il faut souligner l’insuffisance des services d’accueil tant au niveau des cours de francisation qu’au niveau général. Ce sont l’ensemble de ces problèmes qui créent pour les immigrants et pour la population d’accueil un certain nombre d’obstacles (ce que reconnaît du moins en partie François Legault). La solution donc est de régler ces problèmes, et non de fermer la porte.

Immigration et capitalisme

Il est important que le Québec reste une terre d’accueil à la fois pour ses propres intérêts que pour permettre à quelques milliers de personnes de se refaire une vie. Une grande partie des immigrants proviennent de pays où l’impératif de « sortir » est prévalent, tant la situation est bloquée (on pense notamment au Maghreb et à plusieurs pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie). Ces immigrants et encore plus les réfugiés qui arrivent ici doivent être appuyés d’un point de vue éthique et politique. En réalité depuis plusieurs années, la politique du gouvernement canadien (le Québec est un joueur secondaire dans la gestion de l’immigration) est de fermer la porte, de choisir les immigrants pour leur « rentabilité », de favoriser des visa d’entrée temporaires et à portée limitée (comme les travailleurs mexicains qui travaillent dans l’agriculture) et de refouler les « indésirables ». Cette même politique réactionnaire est à l’œuvre dans les autres pays capitalistes où les immigrants sont devenus une cible facile et servent de paravents pour occulter les impacts désastreux du néolibéralisme sur l’emploi et les conditions de vie. La posture des progressistes doit donc être claire et sans ambigüité, en s’opposant à ces manœuvres. Ce qui veut dire en clair que nous devons lutter pour l’accueil des immigrants dans des conditions qui leur permettent de s’épanouir et de contribuer pleinement à la société québécoise.

 

 

 

 

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