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La crise du PQ ou la décomposition d’un bloc social sous hégémonie des élites nationalistes

Après la démission de cinq députéEs, Pauline Marois fait maintenant face à la fronde et aux menaces de députéEs qui craignent de voir leur siège emporté par une vague qui balaierait le Parti québécois aux prochaines élections provinciales.

Les sondages qui se succèdent leur amènent le même constat : le Parti québécois se retrouve au niveau des intentions de vote autour de la barre des 20 %. Avec le système de scrutin uninominal que nous connaissons, cela pourrait signifier une catastrophe pour le Parti québécois. CertainEs responsables en appellent au ralliement et à la discipline.

D’autres deviennent de plus en plus excédés face à ce qui leur apparaît comme un entêtement de Pauline Marois. Et cela d’autant plus, qu’un nouveau sondage paru le 30 octobre, signale que le PQ dirigé par Gilles Duceppe obtiendrait 37 % des voies le plaçant devant le parti de François Legault réduit à 25% des intentions de vote. Dans ce contexte, l’urgence de sauver les meubles fera rebondir la crise jusqu’à ce que la situation devienne tout à fait intenable pour Pauline Marois. Mais au-delà de ces effets de surface, comment comprendre le discrédit qui mine ce parti.

Le ralliement des élites nationalistes au néolibéralisme et au provincialisme est le principal responsable de la déconfiture actuelle du mouvement pour la souveraineté du Québec

Les ralliements paniquards derrière les Bouchard, Landry, Boisclair et autres Marois ont pu permettre de garder le bateau à flot, mais ils n’ont jamais construit une stratégie ni fait avancer moindrement le Québec vers son indépendance. Pourquoi ? Bouchard a poussé jusqu’au bout le PQ dans la voie du ralliement au néolibéralisme et à un associationnisme de moins en moins souverainiste. Bouchard s’est servi de la priorité qu’il a donnée au déficit zéro, pour s’attaquer aux acquis des classes populaires. Tout à son soutien au libre-échange, et au tout au marché, Landry a continué la déréglementation, a approfondi le processus de privatisation du secteur public et de défiscalisation des grandes sociétés… Tout cela au nom du développement des capacités concurrentielles des entreprises québécoises.

Pauline Marois a avalisé tous les politiques antipopulaires de ces différents premiers ministres péquistes. Elle a courtisé la droite au moment où l’ADQ avait réussi à renforcer sa base électorale. Elle a refusé d’apporter son soutien aux revendications du front commun du secteur public. Elle a refusé de mettre de l’avant un programme social qui aurait été marqué d’un clair refus de la privation en éducation et en santé. Elle a rejeté clairement la gratuité de l’éducation du primaire à l’université. Et toute la période des quinze derrières années après le référendum de 95, ce bloc social nationaliste a été miné par des politiques néolibérales sur le terrain social.

Ce bloc a également été miné par la confusion sur l’objectif et des tergiversations sans nombre sur le terrain national. Les dirigeants du PQ ont détourné le programme du parti à de multiples reprises et ont durant toute la dernière période refusée de permettre que la souveraineté populaire puisse s’exprimer. De la souveraineté-association, avec ou sans trait d’union, à la souveraineté – partenariat en aboutissant à la gouvernance souverainiste, on a assisté à leur ralliement au provincialisme autonomiste alors que la direction péquiste continuait à semer la confusion sur ses objectifs réels et à saper le bloc social national construit autour de la souveraineté du Québec. [1]

Pauline Marois a porté plus loin encore que les autres dirigeants péquistes un provincialisme étroit. Elle a d’abord posé comme condition de son retour à la direction du PQ, le fait que soit écarté l’article 1 du programme du PQ voté en 2005 et qui obligeait un éventuel gouvernement péquiste à tenir un référendum sur la souveraineté durant son premier mandat. Elle a ensuite fait adopter un programme autonomiste en le présentant comme de la gouvernance souverainiste. Pour nombre d’indépendantistes, qui n’avaient pas encore quitté le Parti québécois, le Rubicon venait d’être franchi. Le bloc social dirigé par les élites nationalistes se décomposait, encore une fois, débouchant sur la fragmentation de la mouvance souverainiste…. et l’usure de son pouvoir d’attraction. Les élections du 2 mai dernier ont été la première manifestation de cette réalité sur le terrain électoral. Que les forces fédéralistes aient profité de la situation pour exacerber cette crise, on ne peut en douter. Mais c’est le Parti québécois lui-même qui porte la principale responsabilité de sa déconfiture.

Un ralliement paniquard derrière un nouveau chef ne constitue pas une stratégie véritable

Face au désastre de leurs politiques, la direction péquiste compte sur la politique du moindre mal. Il faudrait sauver les meubles. Il faudrait se garantir des risques de la prise du pouvoir des partisans du fédéralisme aux prochaines élections québécoises. Pour ce faire, il serait nécessaire de s’unir derrière le navire amiral du mouvement souverainiste et de sa direction actuelle pour faire face à l’arrogance du gouvernement Harper et pour contrer les attaques contre la société québécoise qui tendent à se multiplier.

Compte tenu des sondages actuels, le couronnement d’un nouveau chef s’avérera sans doute nécessaire pour rendre crédible l’appel à un tel ralliement. Et ce ralliement, en s’appuyant sur les attachements passés et les espoirs dont on veut oublier qu’ils ont été déçus, peut mobiliser suffisamment, le temps d’une élection, pour garder ce parti à flot. C’est ainsi que le poids du passé et l’inertie institutionnelle vont permettre qu’un parti qui a épuisé toute pertinence stratégique continue à faire son bout de chemin rejouant sous de nouvelles formes les étapes d’une crise qui n’en finira plus de rebondir.

Et cela est d’autant plus vrai que l’éventuelle direction Duceppe, politiquement très proche des conceptions de Pauline Marois, s’inscrira essentiellement dans la perspective sans issue des élites québécoises qui veulent s’appuyer les aspirations nationales sans être capables de proposer une voie à leur accomplissement. Duceppe n’a-t-il répété avec esprit de suite qu’il soutenait la perspective mise de l’avant par Pauline Marois comme il n’avait jamais le moindrement critiqué les politiques néolibérales que le PQ a mené durant toutes ces années où il fut au pouvoir après le référendum de 95 ?

Ce n’est pas une coalition souverainiste bricolée à la hâte et à la remorque du Parti québécois que propose certains qui permettra de rallier sur une base durable et dans l’action les bases sociales permettant de résister à la droite et de construire une société plus égalitaire où l’oligarchie financière n’imposera plus son règne et un mouvement indépendantiste déterminé à en découdre avec les projets réactionnaires de l’impérialisme canadien (militarisation de l’économie, développement des énergies fossiles, politique sécuritaire antidémocratique, politique d’immigration restrictive, politique culturelle marquée par la défense de valeurs patriarcales, sans parler du rapetissement du Québec…).

Prendre le temps de construire un nouveau bloc social et national basé sur les mouvements sociaux antisystémiques

Un parti de gauche ne pourra se construire que s’il parvient à favoriser la constitution d’un nouveau bloc social et national inspiré par les luttes des mouvements sociaux antisystémiques. Ce sont autour des revendications et des initiatives des mouvements féministe, écologiste, étudiant, syndical et culturel que peut se construire un projet de transformation de la société québécoise. Les luttes de ces mouvements peuvent rester défensives, fragmentaires et discontinues. C’est le rôle d’un parti politique de gauche de montrer qu’elles peuvent porter en leur sein un nouveau projet de société avec ces diverses composantes : un autre modèle de développement, une nécessaire refondation du système démocratique de notre société, une conception de l’indépendance qui lie libération nationale, égalité sociale et démocratie citoyenne.

Il ne s’agit pas de rallier dans un parti la gauche et la droite pour prétendre vouloir rallier la majorité comme l’affirme la direction péquiste. Il s’agit de compter sur la mobilisation de la vaste majorité de la société composée de travailleuses, de travailleurs, des couches populaires et des couches moyennes qui seules peuvent favoriser le dégagement d’une majorité politique luttant pour une société québécoise démocratique,féministe, égalitaire et indépendante.

Pour concrétiser cette perspective, il est impératif de favoriser l’action organisée des membres du parti dans les luttes sociales, particulièrement ceux et celles qui sont déjà des militants actifs de ces mouvements sociaux. Ces collectifs militants doivent faire connaître les positions de Québec Solidaire sur les enjeux auxquels ils sont confrontés. C’est ainsi qu’il sera possible de gagner le soutien explicite, militant, financier du maximum d’organisations sociales partageant les objectifs de transformation sociale de Québec solidaire. Il faut que ces soutiens deviennent l’étendard de Québec solidaire dans la construction de sa crédibilité, de sa nature d’alternative véritable.

 

Notes

[1] De 1982 à 1985, on avait également assisté à la décomposition du bloc social soutenant le PQ à cause de sa rupture avec la défense de la souveraineté, de la tentative de réformer le fédéralisme – le beau risque mis de l’avant par René Lévesque et des attaques contre les travailleurs et les travailleuses du secteur public. Ces politiques avaient été sanctionnées par une défaite majeure du PQ aux élections de 1985. La priorité donnée à la souveraineté par la direction Parizeau a alors donné un second souffle au PQ. Mais, les bases de ce nouveau bloc sur le terrain des revendications sociales n’avait pas la cohérence de celles développées au début des années 70. Car déjà les élites québécoises avaient déjà commencé leur grand virage vers les politiques néolibérales.

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