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La crise de civilisation réclame des élaborations radicalement neuves

Il y a eu l’affaire des subprimes et l’ahurissante mobilisation en quelques semaines de milliers de milliards de dollars pour «  sauver  » le système financier. Et aujourd’hui cette tout autre réalité, aussi stupéfiante, de pays développés attaqués par ceux qu’ils ont sauvés, une zone euro et une Union européenne dont l’avenir est plus qu’incertain. Crise financière, crise de l’économie réelle et du travail, crise de la dette, crise sociale… Ces crises ne sont-elles pas des dimensions, et des conséquences, d’une crise de l’ensemble du mode d’accumulation du capitalisme financiarisé, à l’échelle du monde  ? Produisent-elles des contradictions, des conditions, des potentialités nouvelles pouvant constituer des points d’appui pour la transformation émancipatrice  ?

Comment 9 milliards d’êtres humains pourront-ils habiter la Terre sans se ou la détruire  ? Il est impensable, d’en rester à la conception de la croissance héritée des siècles derniers, qui se heurte déjà aux limites indépassables de la biosphère, et au refus de la plus grande partie de l’humanité d’accepter le maintien de la domination occidentale sur le reste du monde. Comment faire pour aller vers un développement humain soutenable, plus égalitaire et solidaire, vers la satisfaction universelle des besoins humains fondamentaux  ? Comment pouvons-nous les repenser, et mettre en cause un système qui lie emploi, productivisme, consumérisme, mise en concurrence de chacun contre tous, et tend à marchandiser toutes ressources, activités et formes de vie sur Terre  ? La question de savoir quelle humanité nous voulons être, et quelle vie nous voulons vivre ne nous oblige-t-elle pas à mettre une nouvelle conception et articulation du social, de l’environnement, de la solidarité et de la culture au cœur du développement  ?

Le sommet de Copenhague a montré l’incapacité des États à trouver une solution à un problème vital pour tous les êtres humains. Crise de gouvernance mondiale  ? Ou plutôt déficience démocratique qui interdit aux peuples de débattre des problèmes qui leur sont communs pour y apporter ensemble des réponses face à des pouvoirs exorbitants concentrés entre les mains de quelques superpuissants  ?

Ne faut-il pas rapprocher cette situation de la crise démocratique qui, dans chaque nation, donne aux citoyens le sentiment qu’ils n’ont pas prise sur le cours des choses  ? N’est-on pas placé devant l’exigence d’inventer une démocratie de nouvelle génération, du local au mondial, permettant aux peuples de reprendre la main  ? Quelle démocratie politique peut-on construire sur la capacité d’intervention individuelle et collective des citoyens, sur le postulat de leur égalité politique absolue  ? Ne doit-on pas développer une exigence de démocratie économique pour dépasser la réalité actuelle des États devenus «  market states  »  ? Et quelles formes nouvelles d’appropriation sociale  ?

La domination du capital est plus brutale que jamais, mais les rapports de forces se sont gravement détériorés, ces dernières décennies, au détriment du travail. Les sociétés, le monde se sont transformés, les impasses du XXe siècle ont estompé les repères qui avaient permis que se construise une classe ouvrière consciente de ses intérêts communs et de ceux qu’elle avait à affronter. Le nombre des exploités grandit, les champs de l’exploitation s’élargissent. Mais la financiarisation mondialisée du capital, les transformations rapides de la production et de la division internationale du travail, la concurrence généralisée, l’exacerbation par les forces qui soutiennent le capital des contradictions et des divisions qui traversent les sociétés font obstacle à la construction d’une nouvelle conscience de classe. Cela ne dessine-t-il pas une crise idéologique qui appelle des élaborations nouvelles  : une représentation des contradictions et des forces à l’œuvre, des enjeux actuels de la lutte de classes et de ses acteurs  ? Quelles sont les théories, les expériences porteuses de transformations émancipatrices  ? Peut-on imaginer reconstruire un nouveau «  bloc social  » donnant force et sens aux luttes sans poser cette question à l’échelle internationale  ? Quels outils nouveaux faut-il alors chercher à se donner  ?

Crises économique, sociale, écologique, démocratique, idéologique sont enchevêtrées. Elles marquent les impasses d’un système capitaliste qui atteint des limites, mais aussi une conception des rapports des hommes à la nature et entre eux. Jamais la conscience de l’unicité du monde n’a été aussi forte et pourtant les tensions et l’insécurité grandissent. N’y a-t-il pas urgence à opposer à la mondialisation financière une «  mondialité  » qui organise la vie en commun dans le respect du dialogue et le mélange des cultures  ?

C’est autour de ces questions essentielles qu’Espaces Marx, en partenariat avec la Fondation Gabriel-Péri et le réseau européen Transform  !, organise les 28 et 29 janvier un colloque qui se veut le début d’un travail en profondeur, faisant appel à toutes les contributions possibles. Il s’agit, au fond, de tenter de prendre la mesure de la crise globale que nous traversons  : ne faut-il pas parler d’une véritable crise de civilisation, qui en appelle une conception radicalement nouvelle  ?

Patrice COHEN-SEAT

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