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L’éducation vue par François Legault et Jean Charest

Du 14 au 18 février dernier se sont tenues les premières Journées de la persévérance scolaire dans l’ensemble des régions du Québec. Ces journées font partie d’un plan plus global de lutte contre le décrochage scolaire, problème plus important au Québec que dans la majorité des provinces canadiennes. Les facteurs de décrochage sont multiples et complexes mais le peu de valorisation de l’éducation au Québec pèse lourd dans cette problématique.

En 2005, le Rapport Gervais commandé par le gouvernement avait soulevé et argumenté cette situation [1]. Deux sondages récents vont dans le même sens. En décembre 2010, un sondage Senergis-Le Devoir révèle que la première priorité pour les Québécois est la santé alors que l’éducation n’arrive au premier rang que pour 6 % des répondants [2]. Dans un autre sondage rapporté par The Gazette en 2010, l’Association des études canadiennes a questionné de jeunes Canadiens âgés de 18 à 24 ans : 66 % des allophones croient qu’un diplôme universitaire est essentiel pour mener une carrière fructueuse, environ 40 % des anglophones abondent en ce sens et seuls 20 % des francophones partagent cette conviction [3].

Dans un tel contexte, les deux annonces publiques sur l’éducation dans la dernière semaine de février devraient nous réjouir. D’abord, François Legault lance sa Coalition pour l’avenir du Québec dont le texte fondateur mise sur l’éducation, puis, deux jours plus tard, le premier ministre Jean Charest, dans son discours inaugural de la nouvelle session parlementaire, cible l’éducation comme l’une des cinq priorités de son gouvernement et annonce plusieurs mesures concrètes.

Malheureusement, ma réaction n’est pas à la réjouissance. D’une part, M. Legault écrit : « Rehausser la qualité de l’éducation en ne craignant pas de procéder à un vigoureux virage et aux changements majeurs nécessaires doit être LA priorité des années à venir. » Que propose-t-il ? Revaloriser les enseignantes et les enseignants en augmentant leur salaire mais ceux-ci « doivent être davantage responsables de la réussite des jeunes et être évalués. » D’abord, il n’y a pas d’études qui établit une corrélation entre une hausse des salaires et un plus grand engagement de la part des enseigants [4]. De plus, ce que propose M. Legault, c’est la paye au mérite, sans sécurité d’emploi, c’est le modèle américain. Il est assez incroyable qu’il propose un des plus mauvais modèles. Les piètres résultats des jeunes américains aux tests internationaux comme PISA [5] sont là pour en témoigner.

Après la douche froide de Legault, on a eu droit au Père Noël Charest : un tableau intelligent dans chaque classe, un ordinateur portable pour chaque prof, des uniformes et des équipements sportifs pour les élèves du secondaire, avec en prime le vouvoiement et des formations au civisme. Les belles vertus de la décentralisation prônée depuis plusieurs années semblent oubliées. Tout le monde va avoir les mêmes cadeaux même si, souvent, ce ne sont pas là nos besoins. On manque de place dans les écoles ; les rayons de plusieurs bibliothèques scolaires sont dégarnies, les problèmes de l’intégration excessive des élèves en difficulté dans les classes persistent, etc. Mais, surtout, est-ce ainsi que l’on va convaincre les jeunes qui veulent décrocher de tenir bon ? Est-ce ainsi que l’on valorise l’éducation ? Est-ce là une vision de l’éducation ? La réponse est malheureusement non.

Notes

[1] Gervais, M. L’éducation : l’avenir du Québec, Rapport sur l’accès à l’éducation présenté au ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, octobre 2005

[2] Bélair-Cirino, Marco, « La santé, priorité des Québécois » Le Devoir, 28 décembre 2010

[3] Cité par M.A Chouinard dans Le Devoir du 3 février 2010, Les sans-diplômes

[4] Claude Lessard, professeur du Centre de rechercher interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, in « Le milieu de l’éducation attend les précisions de François Legault », Le Devoir, 22 février 2011

[5] Programm for International Student Assessment

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