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Kenbe la ! La grande aventure haïtienne – Entrevue avec Alain Philoctète

Kenbe la !1

La grande aventure haïtienne

Entrevue avec Alain Philoctète

Pierre Beaudet

Professeur associé à l’Université du Québec en Outaouais

Alain Philoctète est né en 1963 à Port-au-Prince. Jeune adulte, il a été sur les premières lignes de la quasi-révolution qui a traversé son pays dans les années 1980-1990. Exilé à Montréal depuis 2005, il participe aux efforts pour redynamiser la gauche haïtienne de la diaspora et en Haïti même. L’histoire n’est jamais terminée et aujourd’hui, on sent qu’Haïti porte encore une fois une énorme rébellion…

NCS Comment vivait-on son enfance en Haïti dans les années 1960 ?

A.P. J’ai grandi dans une famille de classe moyenne à l’aise, dans un quartier tranquille à Carrefour-Feuilles, dans le sud-est de Port-au-Prince. On vivait dans une sorte de tribu élargie, avec frères, sœurs, tantes, oncles, grands-parents, un havre de paix sympathique, accueillant, protecteur, remplissant la maison 7 jours et soirs sur 7, avec ma mère comme générale en chef.

NCS Le pays subissait la poigne d’une féroce dictature…

A.P. Tout le monde dans ma tribu était contre Duvalier, sauf un ancêtre très lointain que je n’ai jamais connu. Enseignants, poètes, artistes, musiciens, mes proches pensaient comme la majorité de cette couche sociale. Être anti-duvaliériste n’était même pas une question. Par contre, très peu de gens, y compris d’ailleurs mes parents, étaient impliqués dans la résistance. Il faut dire que résister était dangereux dans notre pays. Après la prise du pouvoir par Duvalier (1957), une répression sans précédent s’est abattue contre tous les opposants, de droite comme de gauche. Les communistes ont été pratiquement détruits. Les populistes, comme Pierre-Eustache Daniel Fignolé, qui aurait probablement pu battre Duvalier avec l’appui de la population de Port-au-Prince, se sont exilés. Les libéraux de l’élite haïtienne, comme Louis Déjoie, rêvaient à de grandes réformes, inspirées par Roosevelt et son « New Deal ». Malheureusement pour eux, après la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus partisans de la guerre froide. Leur priorité était de s’assurer que leur « arrière-cour », dans les Caraïbes et l’Amérique latine, reste sous le joug de l’impérialisme et des oligarques locaux. Dans ce contexte, Duvalier a compris qu’il pouvait écraser tout le monde sans susciter de remous dans le monde dit « libre », et c’est ainsi que la dictature s’est consolidée2.

Haïti : une histoire de résistances

  • 1804 La grande révolte des esclaves chasse le colonialisme français et instaure la république.
  • 1915 Occupation américaine. Soulèvement armé sous la conduite de Charlemagne Péralte.
  • 1934 Fondation du Parti communiste haïtien.
  • 1957 Arrivée au pouvoir de François Duvalier, dit Papa Doc.
  • 1960 Violente répression contre la gauche et les mouvements populaires.
  • 1971 Jean-Claude Duvalier (Bébé Doc) devient président.
  • 1986 Insurrection populaire contre Bébé Doc. Un gouvernement militaire est mis en place.
  • 1990 Jean-Bertrand Aristide est élu à la présidence avec l’appui du mouvement Fanmi Lavalas.
  • 1991 Coup d’État de Raoul Cédras avec l’appui des États-Unis. Aristide exilé. Féroce répression.
  • 1994 Retour d’Aristide en Haïti.
  • 1995 René Préval est élu à la présidence.
  • 1996 Scission de Lavalas, d’où émerge l’Organisation du peuple en lutte (OPL).
  • 2000 Formation de la Convergence démocratique contre Aristide, entretemps réélu à la présidence.
  • 2001 Attaques armées contre des établissements gouvernementaux par des ex-militaires.
  • 2002 Formation d’un regroupement de l’opposition, « Le groupe des 184 ».
  • 2003 Les « chimères », groupe de paramilitaires lié à Aristide, s’en prennent à l’opposition et aux étudiants.
  • 2004 Le nord de l’île est occupé par des groupes anti-Aristide. Aristide est exilé par un commando américain.
  • 2004 La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) est mandatée par l’ONU pour gérer la transition.
  • 2005 Assauts contre les bidonvilles par les soldats de la MINUSTAH, d’où de nombreuses victimes.
  • 2006 Élection de René Préval à la présidence.
  • 2010 Le tremblement de terre fait plus de 250 000 victimes.
  • 2011 Michel Martelly est élu à la présidence.
  • 2016 Un proche de Martelly, Jovenel Moïse, est élu à la présidence.
  • 2018 Puissantes manifestations contre divers scandales de corruption.
  • 2019 Insurrection généralisée.

NCS À l’école, tu t’éveilles à la politique ?

A.P. Chez nous, on se réfugiait dans la culture, l’art et la musique. De temps en temps, mon père et ma mère ouvraient discrètement leurs portes pour des réunions des rares cellules communistes. Mon école, le Petit Séminaire Collège Saint-Martial, était gérée par des prêtres québécois de la Congrégation du Saint-Esprit. Les élèves étaient partagés entre ceux de notre milieu intello et artiste et ceux qui venaient du milieu des « nouveaux riches » autour de Duvalier. Ma mère me mettait en garde : « Ne parle pas de politique » ! Néanmoins, quelques échos nous parvenaient de temps en temps. Sous l’impact de la révolution cubaine, quelques militants radicalisés tentaient de se réorganiser vers la lutte armée. En 1969, diverses factions communistes créaient le Parti unifié des communistes haïtiens (PUCH). Duvalier jouait habilement la carte « noiriste », faisant porter le poids de la misère du pays sur les mulâtres, majoritairement présents dans les couches petites-bourgeoises. Avec le PUCH, il y a cependant eu une tentative de recréer un projet cohérent qui avait déjà émergé dans les années 1930, sous l’égide de Jacques Roumain3. Le discours du PUCH misait sur les tendances du jour dans la région : libération nationale, lutte armée, création de zones libérées, etc. En réalité, les conditions n’étaient pas réunies dans notre pays. Quelques commandos révolutionnaires ont été rapidement décimés par l’armée (10 000 hommes), vigoureusement secondée par les sinistres tontons macoutes (36 000 hommes), bien répartis sur l’ensemble du territoire. Ceux qui appuyaient ces commandos dans les villes et les villages ont été tués, souvent après de terribles tortures. Le « modèle » cubain, théorisé par le français Régis Debray, était une fausse piste qui nous a nuis, comme ailleurs en Amérique latine.

NCS En 1971, la mort du dictateur Duvalier change la donne…

A.P. Papa Doc avait la main de fer et l’œil aiguisé. Il jouait sur les sentiments nationalistes, sur le populisme, sur les divisions entre les élites. Il restait l’ami des États-Unis et avait l’appui, plus ou moins embarrassé, du Canada et de la France. Assez rapidement, son fils Jean-Claude (dit Bébé Doc), un peu balourd, s’est révélé ne pas avoir l’étoffe d’un bon successeur. Les redoutables milices, les tontons macoutes, commettaient des « bavures », en assassinant des dentistes, des comptables et un peu n’importe qui. Les quelques résistants de gauche étaient dispersés. Dans l’Église, il y avait des remous autour de jeunes prêtres influencés par la théologie de la libération qui s’étendait alors au Nicaragua, au Brésil et ailleurs. Des communautés ecclésiales de base (Ti Kominote Legliz) prenaient forme et allaient être appelées à jouer un grand rôle dans les années subséquentes.

NCS Tu décides de t’impliquer ?

A.P. À 14 ans, quelqu’un m’a glissé dans les mains un livre signé d’un certain Fidel Castro. Après quelques heures de ravissement, j’en ai parlé avec mes amis : « Si les Cubains ont réussi leur révolution, pourquoi ne peut-on pas la faire ici en Haïti ? ». Après le livre de Fidel, on se passait sous la manche les ouvrages de Maxime Gorki, de Jean-Paul Sartre et d’autres. On a redécouvert le communiste Jacques Roumain, qui pensait que le nationalisme haïtien avait de profondes « racines dans la souffrance des masses, dans leur misère économique accrue par l’impérialisme américain et leurs luttes contre le travail forcé et la dépossession », mais également que ce nationalisme bourgeois glissait vers de fausses « promesses reflétant ses intérêts de classe4 ». Sous le couvert de « clubs littéraires » dans les écoles, on lisait sans arrêt. On discutait. On visitait l’arrière-pays pour observer la misère des paysans.

NCS Comment expliquer le lent déclin de la dictature sous Bébé Doc ?

A.P. Il était un peu un gros bébé gâté. Son activité principale, outre de courir les femmes, était d’acheter des voitures de sport. C’était un peu une caricature. En plus, en épousant une mulâtre, il rompait avec le noirisme de papa. Cependant, au-delà de ces facteurs psychologiques, une mutation était en cours. Le nombre de jeunes scolarisé·e·s s’accroissait et ils avaient des aspirations personnelles. Pour eux, Haïti restait un pays terriblement bloqué. En même temps, une partie de l’oligarchie prenait ses distances en aspirant à une certaine modernisation économique, se traduisant par des « joint-ventures » avec des capitaux américains pour installer des usines d’assemblage, dans le textile notamment. Enfin, l’élection de Jimmy Carter aux États-Unis (1977) a changé l’atmosphère régionale. Le discours sur l’importance des droits de la personne est alors devenu prédominant, y compris dans les médias haïtiens, qui affirmaient de plus en plus leur indépendance et même leur hostilité envers le régime. Des journalistes comme Jean Dominique étaient connus et écoutés.

NCS La répression était-elle encore omniprésente ?

A.P. Ça continuait : arrestations, disparitions, tortures, assassinats, etc., mais en comparaison avec la période de Papa Doc, il y en avait moins. Il n’y avait plus de répressions de masse, de massacres de grande envergure. Des mouvements de résistance, surtout à partir de la diaspora à Montréal et à New York, ont repris vie. Autant que faire se peut, on encourageait les militants à retourner en Haïti. À l’intérieur, une certaine agitation sociale commençait à se manifester. C’est alors que je me suis impliqué dans les manifestations étudiantes. Avec Radio-Moscou ou Radio-La Havane, le discours de la révolte parvenait à nos oreilles. On commençait à penser à l’action. On faisait de petites virées dans les quartiers pour poser des affiches, ou barbouiller les murs des officines de l’État. Un jour, la police nous a encerclés. On aurait pu facilement finir en prison, ou peut-être pire, mais on a réussi à fuir. Un vieux communiste, Harry Charles, nous a pris un peu sous son aile pour nous former et nous obliger à penser avant de passer à n’importe quelle action.

NCS Dans les années 1980, la situation a basculé…

A.P. J’achevais mes études au lycée. On fonctionnait dans de petites cellules cloisonnées, qui entretenaient de vagues rapports avec les vestiges des partis de gauche. De grosses manifestations éclataient dans l’arrière-pays, à Cap-Haïtien, aux Gonaïves. Les gens n’avaient plus peur et le régime se disloquait. Malgré l’élection de Ronald Reagan, les États-Unis ont compris qu’il fallait lâcher Bébé Doc, d’où son départ pour l’exil en 1985 dans un avion affrété par l’armée américaine5. Un régime bric-à-brac a alors été mis en place par les généraux Henri Namphy et Prosper Avril, toujours avec l’appui des États-Unis, afin de mettre de l’avant un duvaliérisme sans Duvalier. Entretemps, les groupes de gauche sortaient de leur périmètre. Plusieurs tendances exprimaient une « nouvelle » gauche, distante du Parti communiste. Des organisations proposaient une révolution nationale démocratique, reprenant les mots d’ordre des mouvements de libération nationale et de la Chine. Il y avait une certaine focalisation sur la paysannerie. J’étais sensible à cette orientation, mais je pensais qu’il fallait aller dans un sens encore plus radical, vers une révolution carrément socialiste, ce que mettait de l’avant le Front Charlemagne Péralte de libération nationale (FCPLN)6. Sous l’impact des mobilisations de masse, le climat devenait quasiment insurrectionnel, autour d’un mot d’ordre simple et clair : « Déchouquer7 le gouvernement ». Fait à noter, des militaires et des policiers venaient vers nous. On pensait : « On est proches »… Notre force était réelle, on avait la capacité d’organiser des actions directes (blocage de rues, invasions de bâtiments, coups de main contre les forces armées, etc.). Encore balbutiante, notre analyse de la formation sociale haïtienne exprimait une vision stratégique arcboutée à notre enthousiasme révolutionnaire.

NCS Finalement, le changement est arrivé, mais pas comme vous l’aviez pensé…

A.P. La gauche est restée divisée, ce qui l’a beaucoup affaiblie. Nous étions héritiers d’une tradition politique haïtienne trop marquée par des personnalités, des gens qui étaient ou qui se prenaient pour de « grands chefs », avec des égos surdimensionnés. Dans ce contexte, il était difficile de s’entendre sur une analyse et, encore plus, sur une stratégie commune. Une révolution populaire pouvait-elle se réaliser dans de pareilles conditions ? On ne le saura jamais.

NCS Et puis, il y a eu le phénomène Aristide…

A.P. Aristide, dit Titid, avait l’écoute de beaucoup de gens avec ses discours mariant la révolte à la mystique. Il avait une audience dans son église Saint-Jean-Bosco du grand bidonville de Cité Soleil et aussi chez les Ti Kominote Legliz. À partir de cela, Aristide a su attirer des militants, notamment des curés de gauche comme le jésuite Karl Lévesque. Ce puissant et perspicace organisateur se méfiait un peu d’Aristide, de ses tendances mégalomanes et de sa propension à fonctionner seul, sans accepter la discipline d’un collectif. Néanmoins, Aristide parlait fort contre la dictature. Il était connu. Alors il est apparu comme incontournable. Sa montée doit beaucoup aux chrétiens de gauche qui lui ont apporté de la cohérence, de l’organisation et également beaucoup de fonds provenant des réseaux et organisations catholiques. Il avait également une grande force intérieure. À plusieurs reprises, il a fait face aux tueurs de l’armée et des milices, comme lors d’un incident où il a failli être tué en 1988. Toujours est-il qu’en 1991, Aristide a créé son mouvement, l’Organisation politique Lavalas, dont il devint le « président à vie » (il l’est encore). Il dit alors, et cela devint compréhensible plus tard, que Lavalas n’était pas un parti ni une formation politique, mais la traduction du peuple en lutte. Encore aujourd’hui, dès qu’on parle de Lavalas, il s’agit du parti d’Aristide.

NCS La marche vers les élections a marqué un tournant…

A.P. Le gouvernement aux mains des militaires ne pouvait qu’être temporaire. Ainsi, des tractations ont eu lieu pour organiser des élections. Les États-Unis, sous l’administration de Bush père, appuyaient Roger Lafontant, un ancien sbire de Duvalier. Cela regardait mal. Washington a alors changé son fusil d’épaule pour mettre de l’avant un ex-cadre de la Banque mondiale, Marc Bazin, financé par des officines américaines comme le National Endowment for Democracy. Contre cela, une vaste coalition a été mise en place, le Front national pour le changement et la démocratie (FNCD) qui regroupait des formations diverses allant des radicaux aux sociaux-démocrates. Cette coalition a offert ce qu’elle n’avait pas. Finalement, lors de l’élection le 16 décembre 1990, Aristide a tout balayé avec plus de 67 % des votes… Du côté de l’oligarchie, ce fut un peu la panique.

NCS Quelle fut la réaction de la gauche ?

A.P. Avant l’élection, une bonne partie des militants, notamment ceux d’En Avant comme ceux de mon organisation, le Front Charlemagne Péralte de libération nationale, ont essayé de structurer Lavalas en un corps organisé, de façon qu’on puisse minimalement encadrer celui qui n’était pas encadrable ! Il y avait pas mal de dissidents sur cette histoire de rejoindre le camp Lavalas. Pour ma part, j’avais le sentiment que cela aboutirait à un cul-de-sac. Il me semblait que la personnalité d’Aristide était incompatible avec un projet d’émancipation.

NCS La montée d’Aristide semblait pourtant irrésistible…

A.P. Il est rapidement devenu le héros du peuple, notamment des couches populaires. Elles se reconnaissaient dans son intransigeance devant les élites traditionnelles. Elles absorbaient le langage mystique de celui qui parlait comme le « messager de Dieu ». C’est ainsi que s’est développée la puissante vague qui a conduit Titid à la victoire. Il ne faut cependant pas penser que le mouvement populaire était totalement homogène. Il y avait les étudiants de la Fédération des étudiants haïtiens, des mouvements de gauche (Front Charlemagne Péralte de libération nationale, En Avant, Mouvement populaire du 26 mai, Organisation populaire de libération nationale), aussi des syndicats comme Batay Ouvriye et l’Organisation des travailleurs révolutionnaires qui en gros appuyaient Aristide, mais ne voulaient pas lui être inféodés. Entretemps, j’ai décidé de retourner aux études. Comme j’étais depuis plusieurs années militant à temps plein, je n’ai pas été admis à l’université; j’ai abouti par défaut au Centre de linguistique appliquée.

NCS Huit mois plus tard, Aristide était renversé…

A.P. Les États-Unis n’avaient pas accepté de voir arriver dans leur arrière-cour un exalté qui dénonçait l’impérialisme et parlait de mettre fin aux privilèges de l’oligarchie. Des mesures assez modérées comme l’augmentation du salaire minimum les rendaient furieux. Ils craignaient l’effet de « contagion » dans une région de plus en plus turbulente avec les insurrections qui s’étendaient en Amérique centrale. Rapidement, l’armée, repaire des héritiers de la dictature, a compris qu’elle avait le feu vert de Washington. C’est ainsi que le sinistre lieutenant-général Raoul Cédras a déclenché le coup d’État du 30 septembre 1991, avec l’appui des vestiges du duvaliérisme et des tontons macoutes comme le lugubre Front révolutionnaire pour l’avancement et le progrès haïtien (FRAPH). Après être passé à un cheveu d’être tué, le président a été exilé. Rapidement après, le carnage a commencé. Des milliers de militantes et militants ont été pourchassés, exécutés et torturés. Des centaines de femmes et d’hommes haïtiens sont morts dans leur fuite vers les côtes américaines (les boat-people). L’infrastructure construite péniblement par les mouvements populaires (syndicats, médias, centres de formation) a été durement frappée. J’ai été alors obligé de me faire oublier en devenant enseignant à l’école créée par mon père.

NCS En 1994 survint le retour d’Aristide…

A.P. Aux États-Unis, les démocrates étaient revenus au pouvoir avec Bill Clinton. La nouvelle administration tentait de se refaire une image. En Haïti même, une nouvelle mobilisation gagnait en force à partir d’un arc-en-ciel formé des forces pro-Aristide, de la gauche et de certains secteurs de l’oligarchie. Finalement, Clinton a exigé le départ de Cédras, et le 15 octobre 1994, Aristide revenait à Port-au-Prince, accompagné de plus de 25 000 soldats et marines américains.

NCS On a eu un peu l’impression que Titid avait changé après quatre ans à Washington…

A.P. Au début, on était dans la rue, c’était la joie. Parmi les premières annonces, on retrouvait la dissolution de l’armée, une mesure qui répondait fortement aux demandes de la population, mais des fissures sont rapidement apparues. Les rapports avec les personnalités et organisations démocratiques qui avaient appuyé Aristide devinrent tendus. De proches alliés d’Artistide comme l’ancien chef communiste Gérard-Pierre Charles ont été mis de côté, d’où la scission créant l’Organisation du peuple en lutte (OPL). Des formations réformistes ont été déstabilisées par des mesures visant à les isoler. La grande coalition qui avait pris forme au début des années 1990 se disloquait.

NCS La dissidence de la gauche devint alors visible…

A.P. Aristide a adopté des politiques néolibérales comme le lui demandaient les États-Unis et le Fonds monétaire international (FMI). Des entreprises d’État ont été privatisées au profit de l’oligarchie, la grande minoterie d’Haïti par exemple. Les barrières tarifaires qui protégeaient l’agriculture haïtienne ont été levées, d’où la quasi-destruction de la production de riz, à la base de l’alimentation du pays. Plus de 40 000 familles paysannes ont perdu leur gagne-pain au profit des importateurs de riz américain. Des coupes draconiennes dans les dépenses de l’État en matière de santé et d’éducation ont été annoncées, en échange d’une « aide » conditionnelle pour garder l’État à flot. Aristide n’était visiblement pas content de ce plan d’« ajustement structurel » pur et dur, mais en réalité, il n’avait pas vraiment le choix.

NCS En 1995, Aristide passait la main à son bras droit, René Préval…

A.P. Puisqu’Aristide ne pouvait se représenter en vertu de la constitution, Lavalas a fait campagne autour de Préval qui était depuis longtemps son proche compagnon d’armes. Cela a fonctionné puisque le peuple a voté massivement en faveur de Préval qui était vu comme le substitut temporaire du président. L’opposition, regroupée dans les partis de centre gauche comme l’OPL et le Comité national du congrès des mouvements démocratiques (Conacom), est restée confinée aux couches moyennes des villes8.

NCS Qu’est-il arrivé à la gauche radicale ?

A.P. Elle est restée hésitante, relativement désarçonnée, toujours aussi divisée. Malgré des réticences, plusieurs ont accepté de servir sous Préval qui, par ailleurs, prenait un peu ses distances par rapport à Aristide, tout en poursuivant sur le fond les mêmes politiques. Aristide a même tenté de me recruter. J’ai refusé.

NCS Pourquoi ?

A.P. Toujours pour les mêmes raisons. Je ne croyais pas que ce projet pourrait déboucher sur quelque chose de positif. Je ne peux pas dire pour autant que nous avions une perspective claire. On n’en avait pas. On essayait simplement de survivre politiquement, de constituer une structure fonctionnelle, y compris en milieu paysan. Nos mouvements continuaient de s’affaiblir et de se diviser.

NCS En 2001, Aristide est revenu au pouvoir…

A.P. Préval, assis entre deux chaises, d’une part en tant que supplétif d’Aristide, d’autre part en tant qu’acteur politique voulant avoir son espace, n’avait pas le choix. Il a tout fait pour qu’Aristide soit réélu, contre le candidat « américain », Leslie Manigat. Comme prévu, les élections ont donné une forte majorité à Lavalas, tant à la présidence qu’aux élections législatives subséquentes, mais avec un taux de participation beaucoup plus faible. L’opposition modérée a tout de suite crié à la fraude, ce qui cachait mal sa faiblesse politique. Les États-Unis affirmaient par ailleurs qu’ils ne voulaient plus fonctionner avec Aristide, d’où l’arrêt des flux de l’aide, ce qui eut un effet terrible sur les capacités du gouvernement haïtien9. Privé de fonds, Aristide s’est retrouvé coincé. Pour apaiser l’opposition de Washington, Aristide a maintenu les politiques de privatisation et affaibli des institutions publiques comme la Banque nationale de crédit.

NCS C’est là que la situation a commencé à dégénérer…

A.P. Un problème de corruption existait depuis longtemps en Haïti bien avant Aristide, mais au moment où celui-ci est revenu au pouvoir, le climat s’est détérioré. Une partie substantielle de l’élite politique et économique a été, si on peut dire, « gangrenée » par les centaines de millions de dollars transigés par les narcotrafiquants. À cette époque, les circuits des exportations de cocaïne vers les États-Unis se diversifiaient, faisant d’Haïti une plaque tournante. Les conséquences ont été terribles, d’une part en criminalisant une partie croissante de la société et des institutions, d’autre part en aggravant le contentieux avec les États-Unis…

NCS Le gouvernement également a été contaminé par les narcotrafiquants…

A.P. Probablement pas plus que ceux qui avaient gouverné antérieurement. Néanmoins un nombre important de responsables de Lavalas et même du gouvernement ont été impliqués, notamment dans la police10. Parallèlement, la gouvernance s’est en partie militarisée, avec l’apparition de groupes paramilitaires.

NCS Ce sont les fameuses « chimères » ?

A.P. L’aggravation de la pauvreté a attiré de nombreux jeunes vers les bandes armées. Le gouvernement fermait les yeux sur leurs agissements et dans certains cas, il les appuyait. Les chimères, qui n’étaient pas un mouvement organisé, constituaient plutôt une nébuleuse agissant dans les quartiers, dans la pénombre entre l’intervention politique et le crime. La frontière entre ces deux domaines, dans le contexte d’une gouvernance faible, peu présente sur le terrain, était floue.

NCS L’opposition anti-Aristide s’est entretemps militarisée…

A.P. Les États-Unis ont ressuscité les anciens circuits de l’armée et des tontons macoutes et leur ont permis de s’armer en République dominicaine. Parallèlement, l’oligarchie haïtienne s’est retournée contre Aristide, qu’elle voyait comme incapable de remettre de l’ordre dans le pays. À partir de 2003, on s’est retrouvés dans un pays de plus en plus ingouvernable. L’oligarchie, avec l’aide de l’opposition regroupée dans la convergence démocratique, a mis en place une coalition, le « Groupe des 184 », qui prétendait représenter la société civile, et qui battait le haut du pavé à Washington, Ottawa et Paris. Leur campagne avait pour but de présenter Aristide comme un fou furieux, et ce discours a été largement repris par la presse occidentale. D’autre part, les ex-militaires autour de l’ex-duvaliériste Guy Philippe augmentaient leurs incursions sur le territoire haïtien, au point où ils ont pris le contrôle d’une certaine partie du nord du pays.

NCS La gauche était coincée dans cette polarisation…

A.P. Dans les villes, les « chimères » nous intimidaient. Ils sont entrés en force sur le campus de l’Université d’Haïti et blessé plusieurs étudiants, attaquant même le recteur. Nous ne voulions pas pour autant être associés à la campagne anti-Aristide et au Groupe des 184. Quelques-uns y ont été attirés pour un temps, mais ils ont rompu les liens quand il est devenu clair que tout cela était manipulé par l’oligarchie avec la complicité des États-Unis qui ont rendu beaucoup d’argent disponible pour cette campagne anti-Aristide. Ce n’était pas facile. Il y avait dans le sillon d’Aristide un courant violent, qui pouvait ressembler à une certaine forme de fascisme. Ce n’était pas encore consolidé ; il n’y a pas eu de répression de masse, mais il y avait un danger que cela dégénère. De plus en plus des manifestations étaient réprimées par un corps spécialisé de la police et avec la collaboration des chimères. Tout était confus, dans une ambiance qui devenait de plus en plus lourde. La situation était d’autant plus compliquée qu’Aristide, tout en poursuivant les politiques néolibérales qui lui avaient été imposées, maintenait un discours nationaliste de façade dénonçant les grandes puissances, notamment la France à qui il reprochait justement d’avoir ruiné Haïti après l’indépendance de 1804. Aux yeux d’une grande partie de la population, Aristide apparaissait encore comme le défenseur de la nation, ce qui était relayé par son mouvement et ses puissants partisans étrangers, notamment aux États-Unis.

NCS La gauche avait-elle une marge de manœuvre ?

A.P. On ne pouvait pas se ranger aux côtés de l’opposition. De l’autre côté, les secteurs radicalisés autour d’Aristide voulaient nous faire la peau. J’ai eu l’impression que le parcours d’Aristide commençait à ressembler à celui de François Duvalier. Souvenons-nous que Papa Doc avait commencé sa carrière en se faisant le défenseur du peuple, en particulier les Noirs. Pour revenir au dilemme de la gauche, il était extrêmement difficile d’articuler un projet alternatif, une sorte de troisième force, distincte de Lavalas et de l’opposition bourgeoise. Au cours de 2003, la situation n’a cessé de se détériorer. Les États-Unis exerçaient une énorme pression sur le président qui ne contrôlait même pas sa garde rapprochée. Les groupes paramilitaires d’extrême droite affrontaient les partisans de Lavalas dans le plateau du nord, en menaçant de descendre vers la capitale.

NCS Et finalement survint le deuxième renversement d’Aristide…

A.P. Le 29 février 2004, un commando américain aidé par l’équipe de sécurité du président lui-même a capturé le président pour aussitôt l’expédier vers la République centrafricaine11. Aristide ne pouvait rien faire, malgré des tentatives de dernière heure de la CARICOM, un regroupement d’États des Caraïbes, pour empêcher le nouveau coup d’État. En même temps, plusieurs milliers de soldats américains étaient déployés sur place, pendant que le président de la Cour suprême, Boniface Alexandre, était intronisé président par intérim.

NCS La répression est alors revenue en force…

A.P. Les éléments duvaliéristes armés par les États-Unis et la République dominicaine voulaient prendre le pouvoir. Plusieurs centaines de militants de Lavalas ont été tués et emprisonnés. Peu après, les États-Unis ont été remplacés par un contingent mandaté par l’ONU, la MINUSTAH, sous commandement brésilien, à l’époque où le gouvernement à Brasilia était dirigé par Lula. Cependant, des soldats brésiliens ont commis des exactions dans les quartiers populaires comme Bel Air, Martissant, La Saline, Cité-Soleil. Ces militaires brésiliens ont été incapables de neutraliser les chefs de gangs de délinquants pendant que des tas de jeunes ont été réprimés pour rien, sinon que d’être dans un bidonville. Par ailleurs, la MINUSTAH a attaqué des étudiants qui manifestaient pacifiquement contre la nouvelle occupation. On a mis en détention sans procès des parlementaires, des journalistes, des membres d’organisations populaires. Plusieurs Brésiliens impliqués dans les opérations militaires en Haïti ont été déstabilisés par cette situation : des soldats brésiliens découvraient qu’ils punissaient le peuple, et non les criminels12. Par ailleurs, des éléments de Lavalas ont continué d’intimider des militants, les menaçant de mort. La corruption continua à vider les caisses de l’État.

NCS René Préval est alors revenu au pouvoir…

A.P. Pour l’élection de 2006, les États-Unis et l’oligarchie soutenaient Mirlande Manigat, une autre technocrate comme Marc Bazin. Malgré le découragement et la confusion, il y a eu une coalition impromptue autour de René Préval, avec la gauche et la majorité des partisans de Lavalas qui le voyaient comme le « moindre mal ». C’est ainsi que son nouveau parti, le Front de l’espoir, a obtenu la majorité relative des votes. Préval a gouverné sans sortir de l’étroit périmètre déterminé par les États-Unis et le FMI, tout en se permettant quelques politiques non traditionnelles, par exemple en recevant l’appui du Venezuela et de Cuba pour les approvisionnements en pétrole et pour de l’aide médicale.

NCS Mais la situation ne s’est pas stabilisée…

A.P. Le pays est resté enfoncé dans la pauvreté. Même les ateliers de misère ont stagné, faute de stabilité, d’infrastructures solides et de sécurité. L’insécurité s’est aggravée, surtout dans les villes. À Cité-Soleil, les narcotrafiquants ont continué de faire la loi. Des institutions parapubliques étaient gangrenées par la corruption. Autour de l’école de mon fils, des lavalassiens armés intimidaient et rançonnaient. Le phénomène des enlèvements doublés de viols systématiques par les bandes lavalasiennes s’est amplifié. C’était une atmosphère de fin du monde. Pourchassé dans la rue, des chimères me criaient après, « On va te tuer, toi et tous les communistes » !

NCS Et alors est arrivée l’heure de ton exil ?

A.P. Au départ, je suis parti en laissant ma compagne et mes fils. Je pensais me faire oublier pour quelque temps, pour possiblement revenir avant longtemps, mais peu à peu, les illusions se sont dissipées. En 2006, ma conjointe et mon fils Malcolm-Che sont venus s’installer à Montréal. Nous nous disions que nous avions le droit de respirer un peu. J’ai effectué un retour aux études à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pour compléter une maîtrise commencée en Haïti en développement urbain. En février 2010, après le séisme, toute ma famille était à Montréal.

NCS Un peu plus tard, des réseaux ont été reconstitués…

A.P. Au départ, j’ai retrouvé quelques amis qui cherchaient à comprendre ce qui s’était passé et ce que nous pouvions faire. À Montréal, les partisans de Lavalas étaient également découragés. La bonne nouvelle a été de rencontrer des militantes et des militants de la deuxième, voire de la troisième génération, comme Will Prosper13 qui travaillait avec des jeunes dans le cadre de divers projets comme Hoodstock, Montréal-Nord Républik et d’autres. J’ai aussi rencontré des militants comme Alain Saint-Victor et Ribet Thermogène qui essayaient de recréer un espace de réflexion progressiste dans la communauté. Parallèlement aux projets politiques, un tissu associatif important a permis à beaucoup de personnes de tenir le coup, comme la Maison d’Haïti, le Bureau de la communauté haïtienne et le Centre Na Rive.

NCS L’impact du tremblement de terre a été terrible…

A.P. La moitié de Port-au-Prince a effectivement été détruite et dans tout le pays, il y a eu plus de 250 000 victimes. Dans son ampleur, ce n’était pas une catastrophe « naturelle », mais le résultat d’un pays disloqué, d’infrastructures inadéquates, d’un gouvernement incapable. La soi-disant communauté internationale est entrée en force, on a eu la « république des ONG » qu’on pourrait aussi appeler la « république des bouteilles d’eau », sans d’autre perspective que de boucher quelques trous. Le gouvernement, la société civile et les organisations ont tous été affaiblis par une sorte de nouvelle colonisation « humanitaire ».

NCS Aujourd’hui, comment se présente la reconstruction de la gauche ?

A.P. Le grand bilan reste à faire. On a des fragments, des impressions, des pistes, mais il faut encore travailler. Nous avons été ballotés par les évènements. Nous avons été court-circuités par la montée en puissance d’un populisme bien ancré dans la population, incapable lui aussi de mettre en place un programme apte à tenir tête à l’oligarchie et à l’impérialisme. Nous sommes tombés dans le piège du sectarisme et de l’avant-gardisme, en nous chicanant sur la « ligne juste » !

NCS Quelles sont les pistes ?

A.P. Sur le plan organisationnel, nous voulons finaliser la rupture avec les pseudo-modèles hérités d’un marxisme-léninisme qui découlait de quelques idées simplistes présentées de manière dogmatique. Par exemple, la question de la démocratie, qu’on prenait à la légère, doit revenir au premier plan : cela inclut notre propre démocratie, pour ouvrir les débats et laisser les nouvelles idées aux nouvelles générations. Il faut sortir des sentiers battus. Par exemple, des réseaux comme le Rassemblement des révolutionnaires ayisyens (RARA) n’ont pas de « cellules » comme avant. Les groupes constituants sont autonomes.

NCS La société haïtienne a changé, comment s’adapter ?

A.P. Une grande partie des jeunes est maintenant scolarisée. Ce sont en quelque sorte des chômeurs diplômés. Leur réalité sociale, leurs luttes également, ne s’expriment pas de la même manière. Ils s’inventent de nouveaux outils de communication, notamment avec les médias sociaux. Comme on le voit dans les rues de Port-au-Prince, ce sont eux qui sont au premier plan de l’immense mobilisation populaire en cours. Vont-ils remplacer le régime pourri par une démarche démocratique en profondeur ? Vont-ils résister aux tentatives de « relookage » mises de l’avant par l’impérialisme, de connivence avec des partis politiques qui se présentent comme une alternance « acceptable », mais qui sont sans substance ? Comment combattre des entités « ONGisées » incapables d’organiser la reconstruction ? La question de l’unité entre mouvements et partis doit également être redéfinie, non pas comme un processus lointain et abstrait, mais comme une priorité immédiate14.

NCS On a l’impression qu’il se passe quelque chose dans le monde rural…

A.P. – De grands mouvements comme Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen émanent de l’implantation de la gauche haïtienne en monde rural. Aujourd’hui, malgré la misère et la dévastation environnementale, des tas d’initiatives rurales agissent au plan local ; elles organisent des communautés et développent des activités productives pour et par la collectivité. Dans notre histoire, on avait les « lakous », des structures communautaires qui ont permis aux esclaves de survivre avant et après l’indépendance. On voit maintenant des « néo-lakous » qui occupent des terres et créent des structures et des projets définis autour de la défense des communs et du bien vivre15. À la base, on l’entend, le peuple ne veut plus vivre sous le capitalisme, le système « pese souse ». C’est un mouvement de fond, qui s’auto-organise et s’autodéfinit.

NCS – Depuis le début de 2019, de gigantesques mobilisations ne cessent de s’organiser…

A.P. Les jeunes envoient un message clair aux « modérés » : il ne faut pas négocier avec les bandits, même si c’est cela que demandent les États-Unis. Ils n’ont aucune illusion sur une « communauté internationale » qui agit en tant que supplétif des États-Unis. Penser une transition démocratique, reconstituer des alliances politiques, élaborer un programme rassembleur, voilà ce qu’ils ont devant eux.

1 Kenbe la : « Ne lâche pas » en créole.

2 On estime que les forces de répression ont tué au moins 50 000 personnes dans ces années noires. Environ 80 % des diplômé·e·s et des professionnel·le·s ont quitté le pays.

3 Fondateur du Parti communiste haïtien (PC) en 1934, Jacques Roumain est mort en exil en 1944. Par la suite, le PC s’est réinventé sous diverses appellations : Parti socialiste populaire, Parti démocratique populaire, Parti populaire de libération nationale, Parti d’entente populaire, puis finalement, en 1969, Parti unifié des communistes haïtiens.

4 Jacques Roumain, L’écroulement du mythe nationaliste, 1934. < http://classiques.chez-alice.fr/roumain/jacques2.pdf>

5 Le dictateur a aussi été en mesure de garder les millions de dollars volés au peuple haïtien et de vivre comme un pacha en France jusqu’à son retour d’exil en 2011.

6 François Borgia Charlemagne Péralte, né en 1885, a mené une rébellion armée contre l’occupation américaine d’Haïti en 1915. Son mouvement dit des Cacos qui, au sommet de son action, réunissait 10 000 combattants, a été mis en échec ; Péralte a finalement été capturé et exécuté par les Américains en 1919.

7 Déchouquer : renverser.

8 Commerçants, fonctionnaires, etc.

9 De 1999 à 2003, le PNB a chuté de moitié.

10 Dont le chef de la sécurité d’Aristide, Oriel Jean.

11 La planification du coup avait été amorcée à Ottawa au début de 2004 lors d’une rencontre secrète entre les représentants des États-Unis, de la France et du Canada.

12 En 2006, le général brésilien Urano Teixeira Da Bacellar, commandant de la MINUSTAH, a été retrouvé mort à Port-au-Prince ; il se serait probablement suicidé.

13 Will Prosper vient de sortir (2019, ONF) un documentaire de 83 minutes, Kenbe la – Jusqu’à la victoire, réalisé sur trois ans et relatant l’histoire d’Alain Philoctète.

14 Trois processus de rapprochement de la gauche sont en cours au moment d’écrire ce texte : le Front patriotique (créé par des mouvements paysans et des formations issues de la gauche radicale, notamment le RASIN Kan Pèp animé par Camille Chalmers), l’Action démocratique pour bâtir Haïti (où on retrouve la gauche modérée et Lavalas) et l’organisation citoyenne Passerelle (regroupant des personnalités de centre gauche).

15 Alain Philoctète ajoute : « Ces nouveaux lakous font l’objet de mes études doctorales à l’Université de Montréal. Malheureusement, des problèmes de santé m’ont empêché de poursuivre mes études ».

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