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Il n’y aura pas de relance verte

Yves-Marie Abraham, Le Devoir, 27 avril 2021

« Relance verte » : telle est l’expression privilégiée ces derniers jours par les commentateurs du budget fédéral 2021 pour en souligner la principale orientation. Certains ont jugé l’effort insuffisant, d’autres l’ont salué avec enthousiasme. Mais les deux camps ont fait fausse route. Une « relance verte », cela n’existe pas et cela ne peut exister.

Que signifie cette expression ? Elle désigne en l’occurrence un soutien étatique à la croissance économique, c’est-à-dire à la production et à la vente de marchandises sur le territoire canadien, mais orienté de telle sorte que cette croissance n’implique pas en principe de nouvelles dégradations sur le plan écologique. Or, nous savons aujourd’hui que ces deux objectifs sont contradictoires.

Ces dernières années, des études scientifiques de plus en plus nombreuses ont examiné la possibilité de générer une croissance économique qui ne soit pas synonyme d’une détérioration de nos « ressources naturelles ». Leurs conclusions sont très claires et unanimes : quand il y a croissance du PIB, il y a croissance de la quantité de matière et d’énergie consommées, et de déchets produits.

Illusions vertes

Certes, en tenant compte uniquement d’un aspect du problème écologique ou de ce qui est produit sur un territoire restreint, il peut sembler qu’une« croissance verte » soit possible. C’est ainsi que l’économie québécoise pourra paraître plus « verte » que celle des autres provinces canadiennes ou celle des États-Unis voisins, tant que l’on se concentrera uniquement sur les émissions de CO2 générées sur le territoire que nous occupons.

Dès lors que l’on analyse l’ensemble des « pressions écologiques » créées par notre PIB, le tableau perd à peu près toute sa verdeur. Non seulement il donne à voir les « coûts environnementaux » non négligeables induits par l’hydroélectricité, entre autres, mais surtout il nous rappelle que l’activité économique québécoise repose sur une grande quantité de bien finis et semi-finis qui ont été produits ailleurs dans le monde.

En prenant en compte la totalité des ressources naturelles consommées pour ce faire et les déchets qui en ont résulté, la croissance québécoise apparaît comme l’une des plus désastreuses qui soit sur le plan écologique.

Cesser la course à la croissance

L’économie canadienne profitera sans doute des mesures budgétaires qui viennent d’être annoncées. Mais, si tel est bien le cas, la catastrophe écologique en cours ne fera que reprendre de plus belle. Il n’y aura donc pas de « relance verte » ou « propre ».

Cependant, et à l’instar du Ministère de la Vérité dans le fameux 1984 d’Orwell, dont la devise était, on s’en souvient, « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force », nos gouvernements et leurs alliés tentent de nous convaincre avec cet oxymore que « la destruction, c’est la prospérité ».

Contre une telle aberration, il faut réaffirmer que la seule manière de garantir la soutenabilité ou la durabilité de notre mode de vie est de mettre un terme à la course à la croissance économique, et de fixer des limites à la production de ce qu’il nous faut pour vivre. Par souci de justice, une telle mesure doit en outre s’accompagner d’un partage bien plus équitable de nos moyens d’existence et le tout doit être décidé de manière strictement démocratique.

Produire moins, partager plus, décider ensemble : voilà qui constituerait les bases d’un programme politique certes très ambitieux, compte tenu de la rupture qu’il suppose vis-à-vis de l’ordre existant, mais bien plus crédible et réaliste que la promesse d’une « croissance verte » chimérique.

Lorsqu’on n’a pas de solution au problème des changements climatiques, on propose tout simplement des mirages

Aujourd’hui, il faut être courageux pour affirmer qu’il n’y aura pas de relance verte. C’est un mirage tout simplement.
Dire qu’on peut augmenter le PIB sans détruire les écosystèmes marins et terrestres est une aberration. Nos ne produisons presque rien chez nous. On le voit avec la grève des débardeurs à Montréal, 80% de tous les produits voyagent par bateaux, ce qui veut dire en termes économiques, ceux-ci viennent de très loin. La mondialisation et les traités de libre-échange ont augmenté à la vitesse grand V le saccage de la planète, notre seule demeure pour les humains.

Oui, on peut paraître avoir une économie plus verte que les autres au Québec parce que nous avons l’hydroélectricité, la seule vraie énergie qui ne pollue pas ou qui n’utilise pas de produits fossiles dans sa fabrication ou dans sa production d’énergie. Oui, les énergies de transition sont aussi une illusion entretenue par les bien-pensants et donneurs de leçons du mouvement écoologique.

Malheureusement, le vice caché ou l’angle mort de la surpopulation n’apparaît pas dans ce billet. Aux dernières nouvelles, ce sont les humains qui détruisent la biodiversité et qui exploitent les ressources de la Terre. S’il y a plus d’humains, eh bien, les dommages sont plus importants et arrivent plus rapidement.

Lorsqu’on que « la seule façon de garantir la soutenabilité ou la durabilité de notre mode de vie est de mettre un terme à la course à la croissance économique, et de fixer des limites à la production de ce qu’il nous faut pour vivre », on parle ici de la simplicité volontaire, un discours qui n’apparaît jamais dans la bouche de ceux qui ont fait de l’environnement, une religion, dogme et doctrine incluent, Québec solidaire oblige. L’équation climatique est simple : il faut contrôler l’accroissement de la population en plus de pratiquer la simplicité volontaire. Quelque chose me dit que cela n’arrivera jamais jusqu’à on soit arrivés à la limite et même encore…

Le capitalisme ne peut fonctionner sans croissance

Pour innover, les entreprises capitalistes ont besoin de capital. Pour fonder une nouvelle entreprise, il faut obtenir du capital. Pour se faire, les entreprises doivent emprunter de l’argent ou vendre des actions. Et la motivation des prêteurs ou des acheteurs d’actions est de voir leur capital augmenter. Et cela n’est pas possible sans croissance économique. Sans croissance économique, le système capitaliste s’écroule.

Il est alors facile de comprendre pourquoi le mythe de la croissance verte a été fabriqué. L’autre réaction à l’incompatibilité du capitalisme et de la protection de l’environnement est le déni des problèmes environnementaux, typique de la droite américaine.

Puisque la centralisation du pouvoir économique à la soviétique n’est pas souhaitable, je ne vois qu’une seule issue possible. C’est la définition démocratique d’un mode de vie compatible à long terme avec la nature. Et sa construction par des entreprises soumises à des normes, à une fiscalité verte et aidées par des subventions. L’atteinte d’un mode de vie pérenne marquerait la fin du capitalisme.

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