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Hoodstock : s’organiser pour s’élever !

Le 8 août dernier se tenait, à Montréal-Nord, la seconde édition du forum social Hoodstock, organisé par Montréal-Nord Republik (MNR), en collaboration avec la Coalition contre la Répression et les Abus Policiers (CRAP). Près d’une cinquantaine de résidents et de résidentes du quartier est venue assister et participer aux conférences et ainsi contribuer à l’organisation d’un mouvement collectif visant à s’opposer et à combattre les abus policiers et le profilage racial au sein du quartier.

Cette initiative citoyenne visait dans un premier temps à « commémorer la mort de Fredy Villanueva » et dans un second temps à « canaliser le sentiment de frustration de la population dans le quartier, puisque qu’on le veuille ou non, il y a des grosses tensions à Montréal-Nord. », explique Stéphanie Germain, la porte-parole de l’événement. Pour l’occasion, les Nord-Montréalais et Nord-Montréalaises se sont symboliquement réapproprié le parc Henri-Bourassa, rebaptisé pour l’occasion « Parc Fredy Villanueva », en mémoire du jeune Hondurien qui y a été assassiné deux ans plus tôt. L’exercice visait à offrir un lieu d’expression et de débats pour les résidents et résidentes d’un des quartiers les plus défavorisés de Montréal.

Dès 11h, des enjeux chauds, trop souvent laminés par les grands médias, furent abordés de front par les conférenciers et conférencières : situation des personnes migrantes et des sans-statuts, actualité de l’enquête Villanueva, arrestations au sommet du G20, abus policiers et reconstruction en Haïti. Tout au long de la journée, une pétition circulait également réclamant l’abolition de la « double peine », c’est-à-dire la menace pour une personne migrante ayant déjà purgé une peine de se voir en plus déportée dans son pays d’origine, menace que le gouvernement fédéral impose présentement à Dany Villanueva, le frère de Fredy. La conférence d’Alexandre Popovic de la CRAP sur les développements de l’enquête publique entourant la mort de Freddy Villanueva était particulièrement attendue. Pendant plus de deux heures, le conférencier a présenté le passé professionnel entaché de l’agent Jean-Loup Lapointe (matricule #3776), les détails des comparutions de l’enquête publique, ainsi que la version exacte des faits, selon les témoins civils présents lors de l’intervention.

À peine la dernière conférence terminée que tous et toutes se rendaient à la vigile qui a été érigée à la mémoire de Fredy pour se recueillir et offrir un mot de soutien à la famille Villanueva. La tension était exacerbée par la présence de cinq policiers montés sur des chevaux qui observaient la scène près de la vigile. La plupart des gens présents étaient déjà au courant d’un événement survenu au cours de la semaine précédente, alors qu’un policier avait arraché les affiches posées sur l’arbre adjacent à la vigile, allant jusqu’à piétiner les fleurs et autres témoignages laissés en guise d’adieu. Cet « endroit qui est tellement important, non seulement pour la famille Villanueva, mais important aussi pour tous les gens du quartier qui viennent se recueillir là. », rapporte Stéphanie. Cette dernière voit d’ailleurs dans cet acte la preuve qu’ils et elles doivent aller encore plus loin dans leurs démarches de réappropriation du parc. « Si on ne peut même pas avoir une vigile, pourquoi pensez-vous qu’on veut avoir un parc au nom de Fredy ? » Stéphanie affirme que des procédures de changement de nom du parc Henri-Bourassa pour le parc Fredy Villanueva seront entamées dès le lendemain de Hoodstock.

Par la suite, les Nord-Montréalais et Nord-Montréalaises ainsi que les personnes venues en solidarité à la cause ont pris la rue afin de réclamer justice pour Fredy et pour toutes les victimes d’abus et de répression policières. C’est au son d’une fanfare militante et malgré le temps pluvieux qu’ils et elles ont calmement manifesté dans le quartier, s’arrêtant finalement devant le poste de police # 39 sur le boulevard Henri-Bourassa. Pour clore la marche, les manifestants et manifestantes se sont couché-e-s en die-in symbolique au beau milieu du boulevard afin de représenter les vingt minutes durant lesquelles Fredy a attendu, à l’agonie, avant que des secours n’arrivent. Au microphone, Will Prosper, porte-parole de Montréal-Nord Republik, racontait : « Si Fredy Villanueva s’était appelé Frédéric Villeneuve, il n’y aurait pas ici aujourd’hui 200 personnes couchées dans la rue, mais bien plusieurs milliers. […] Et si Dany Villanueva s’était appelé Daniel Villeneuve, on ne dirait pas aujourd’hui qu’il fait partie d’un gang de rue, mais bien qu’il a réussi une bonne réinsertion sociale parce que Dany, il a complété une technique en mécanique. Mais ça, personne n’en parle dans les médias ! ».

En somme, le forum social Hoodstock, tout comme cette marche, visaient avant tout à unir les luttes. Pour une journée, les militants et militantes et les citoyens et citoyennes se sont rassemblé-e-s en un seul cri pour la justice sociale. « Tant et aussi longtemps qu’il y aura de l’injustice sociale, il va y avoir de l’insécurité sociale aussi. », conclut Stéphanie Germain. La mort de Fredy Villanueva, bien qu’elle reste une tragédie sans précédent au Québec, n’est malheureusement qu’un symptôme des abus quotidiens infligés par la main armée des préjugés. Tous les jours, des populations défavorisées doivent combattre à la fois la précarité et la stigmatisation dont elles font l’objet. Il reste encore beaucoup à faire et la solution réside non seulement dans une répartition équitable de la richesse, mais également dans l’abandon de comportements bien tenaces, tels que le racisme, l’impunité et l’indifférence.

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