Aller du Brésil à El Salvador, en changeant d’avion à Lima. En République Dominicaine via Miami. Voyager vers La Paz, la capitale du pays, depuis n’importe quel aéroport du Brésil, en devant toujours passer par Santa Cruz de la Sierra (même avec la compagnie nationale, la Boa – Boliviana de Aviación, Ndt-).
N’essayez même pas de vous rendre dans des endroits comme Quito ou Montevideo, car là vous devrez passer par d’innombrables acrobaties entre aéroports, changements d’appareils, correspondances – avec des attentes, des annulations et des retards éventuels qui multiplieront d’autant les risques de voir vos bagages s’égarer, si vous avez commis l’imprudence, que vous pourrez regretter pendant des mois, de les avoir enregistrés au départ.
Les grands voyageurs doivent ainsi consacrer plusieurs jours par an à attendre leurs bagages, qui peuvent tarder bien plus d’une heure ou ne jamais arriver, à notre grand désappointement, quand les valises sur les tapis se font de plus en plus rares, les passagers en prenant possession au fur et à mesure pour s’en aller, jusqu’à ce que nous nous retrouvions seuls et désolés face au tapis enfin vide qui finit par s’arrêter, nous invitant alors à nous adresser au guichet des litiges bagages.
C’est alors que commence un long périple – qui peut durer plusieurs mois – à remplir des formulaires, afin de choisir parmi des dizaines de formats de valises très semblables les unes aux autres celui qui pourrait ressembler au malheureux bagage perdu – tel un chien perdu sans collier. Des coups de fil en pagaille, où il faut chaque fois répéter sans cesse nos éléments personnels, l’itinéraire et la date du voyage, éventuellement le numéro de notre siège dans l’appareil, et ce qui figure sur le sésame magique qui nous a été confié, généralement composé d’une interminable série de chiffres et de lettres, où il n’est jamais facile de distinguer le nombre zéro de la lettre O, ni s’il s’agit de lettres majuscules ou de minuscules. À tel point que l’on finit par acquérir une certaine familiarité avec ce satané sésame supposé nous mener à d’heureuses retrouvailles avec notre pauvre et abandonnée valise égarée. Et chaque fois que l’on recommence le même processus, et que l’on essaie de se raccrocher à une personne à qui l’on a déjà eu affaire auparavant, on nous répond que cette personne, qui représentait encore pour nous une certaine dimension humaine, est en congés ou qu’elle ne travaille plus dans ce service ou dans la même compagnie.
Pour des raisons obscures, certains pays exigent des certificats de vaccination qu’ils ne vous demandent même pas une fois que vous les avez obtenus. Il m’est déjà arrivé de devoir reporter de 24 heures un voyage afin de pouvoir obtenir une autorisation spéciale me permettant de voyager sans ce certificat – il est valable 10 ans, mais le vaccin doit être effectué 40 jours auparavant pour être valable – mais quand je suis enfin arrivé tout essoufflé le jour suivant celui prévu à l’origine, pour courir dans la foulée tenir une conférence face à un auditorium rempli d’étudiants attentifs, il ne m’a même pas été demandé. J’ai éprouvé honte et tristesse en confiant cela à ceux qui s’étaient démenés pendant les dernières 24 heures afin de me permettre de pouvoir finalement pénétrer dans le pays.
Une autre fois, je n’ai su que lorsque j’allais rentrer au Brésil que j’aurais pu obtenir ce certificat au Brésil avant mon départ. La veille de mon retour, je me suis rendu au consulat brésilien où un aimable fonctionnaire m’a fourni la recette : un centre de santé où il suffisait de payer pour obtenir ce certificat dûment authentifié avec les 40 jours de délai, tenant compte de ma date réelle d’entrée au pays, une date où je n’étais bien sûr évidemment pas présent dans le pays. Et tout s’est passé dans les règles de l’art sans le moindre problème.
Mais en Amérique Latine, ce que l’on nomme le trafic aérien s’est dégradé – comme nous pouvons le constater lors des phases de décollage et d’atterrissage quand nous attendons et que les pilotes nous annoncent d’une voix enjouée que nous sommes le 18ème dans la file d’attente pour décoller ou que nous devons survoler l’aéroport de Galeão (Aéroport international de Rio, Ndt) pour un temps indéterminé en raison de “l’encombrement du trafic aérien”.
Il s’est dégradé parce qu’Iberia – une véritable prédatrice de compagnies aériennes – a racheté la
Viasa, jusqu’alors une bonne compagnie vénézuélienne –et l’a démantelée. Le Venezuela s’est retrouvé sans compagnie aérienne nationale, et le gouvernement de Hugo Chavez s’attache maintenant, au prix de lourds efforts, à en construire une. Iberia, l’insatiable compagnie espagnole, a procédé de même avec la compagnie Aerolineas Argentinas, rachetée pour être ensuite restituée en morceaux au gouvernement argentin qui a du la nationaliser pour la maintenir vivante, avec de grandes difficultés.
Mais tous ces efforts ne sont pas vains, pour la beauté et les extraordinaires expériences politiques que traversent plusieurs pays du continent, tant dans des processus de démocratisation économique et sociale internes, que dans ceux de l’intégration régionale – à contre-courant des compagnies aériennes et face à leur résistance acharnée. Comme survoler la Cordillère des Andes en allant de Rio à Lima, et, parmi des sommets enneigés, découvrir soudain dans toute sa majesté le lac Titicaca, telle l’apparition miraculeuse d’une oasis interminable nichée au cœur de terres arides apparemment inexpugnables. Et s’arrêter à Lima, même si seulement pour ces inévitables 5 heures de correspondance pour se rendre à San Salvador – fort de la conscience que, bien que son investiture n’ait lieu qu’à la fin de ce mois, le Pérou va cesser d’être gouverné par les Fujimori, Toledo et autres Alan Garcia (précédents présidents de droite du Pérou, Ndt). Il va être dirigé par un président aux profondes racines péruviennes, qui s’est fixé comme objectif de poursuivre la croissance économique du pays, mais en répartissant les richesses, à l’opposé de ce qui s’est fait pendant les dernières décennies, où le pays a été pillé de ses richesses minérales par les entreprises d’extraction, avec la bénédiction de gouvernements qui n’auront pas même esquissé le moindre geste afin qu’un des peuples les plus pauvres du continent puisse bénéficier ne serait-ce qu’à minima des miettes de cette expansion.
Aucun effort n’est vain en Amérique Latine, parce que notre âme n’est pas mesquine.
(évocation d’une citation connue du grand poète portugais Fernando Pessoa qui écrivait : tout effort est vain lorsque l’âme est mesquine. Ndt)
Traduit par Pedro da Nóbrega
Merci à Tlaxcala
Source : http://www.cartamaior.com.br/templates/postMostrar.cfm?blog_id=1&post_id=719