De la candeur à la déception

Certains diront que je suis naïf, mais je croyais que le Front commun aurait pu faire de meilleurs gains que ceux de l’entente conclue le 24 juin. Après la grosse manifestation du mois de mars, dans laquelle près de 75,000 personnes étaient présentes, j’ai cru qu’il y avait volonté des centrales et des organisations syndicales d’augmenter la cadence et de se montrer plus ambitieux face au gouvernement Charest. Non seulement, je croyais qu’il était possible de se mobiliser mais je l’ai affirmé à plusieurs reprises aux membres de mon syndicat lorsque je faisais circuler les bulletins d’information du front commun en tant que délégué au conseil syndical du syndicat des travailleurs et des travailleuses du CSSS Jeanne Mance.

J’avais imaginé candidement que le plan de match serait le suivant : après avoir demandé la médiation, nous serions allé chercher un mandat de grève de quelques jours. Ce mandat aurait été appliqué au moment jugé nécessaire. Nos camarades à la tête de la négociation auraient eu alors une carte en main pour être plus exigeant et on aurait alors une entente qui aurait été plus acceptable que celle conclue lors de la fête nationale.

Il faut dire que mes attentes étaient quand même modestes. Je ne croyais pas que nous aurions eu des gains comme en 1972. (Je suis naïf, pas stupide!). Mais je pensais que le plan de match aurait été plus consistant, d’autant plus que les reculs sur le plan salarial dans le secteur public sont très importants depuis 20 ans. Et je croyais que ce rattrapage salarial aurait été une stratégie efficace pour valoriser le secteur public face aux menaces de privatisation.

Bien sûr qu’un danger nous guettait : celui du décret. Je suis conscient que le gouvernement Charest aurait pu trouver toutes les excuses possibles pour nous empêcher de se mobiliser et nous museler comme il l’a fait en 2005. Je ne souhaitais pas que les troupes syndicales soient conduites vers le tir de l’ennemi, sans défense. Mais compte tenu que le décret nous a fait mal en 2005, il aurait été important, il me semble, de démontrer plus de combativité en 2010. Nous avions réunies les conditions pour plus de combativité avec la mise en place d’un front commun historique. J’ai souvent dit dans des interventions au sein du collectif intersyndical de Québec solidaire que je rêvais au jour où la mobilisation syndicale de 2003 contre le gouvernement Charest serait conjuguée à l’unité syndicale du front commun de 2010. Je le pense encore.

J’avoue avoir hésité avant de prendre la parole concernant cette entente. Il y avait trop de questions sans réponses pour je puisse me prononcer. Je n’ai toujours pas les réponses mais je pense qu’il faut poser les questions dans l’espace public et dans nos assemblées syndicales au mois de septembre. Les questions sont les suivantes :

Pourquoi avoir renoncé à une mobilisation qui aurait été possible à l’automne?

Les directions syndicales sont-elles convaincues que cette entente permet d’arrêter le processus d’appauvrissement des travailleurs et des travailleuses du secteur public?

Peut-on parler d’une entente du front commun alors que la FIQ n’a pas signé l’entente? Que fait-on avec la FIQ, l’ignorer ou se solidariser avec elle?

Enfin, est ce que la conclusion de cette entente permettra au mouvement syndical de participer intensément à la lutte contre la hausse des tarifs et la privatisation des services publics entreprise il y a quelques mois par la coalition du même nom?

Mes attentes, pour le moment, c’est d’avoir des réponses à mes questions. Poser les questions, c’est y répondre? Faisons alors le débat avec les personnes concernées.

René Charest
Militant syndical

4 août 2010

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