La lutte contre les objectifs du projet de loi 3 sur les fonds de retraite des employéEs du secteur municipal s’amplifie. Avec raison! Car ce sont tous les régimes de retraite complémentaires qui pourront souffrir de l’adoption de cette loi telle qu’elle est libellée en ce moment. L’attitude fermée même braquée du gouvernement ne laisse rien présager de bon.
Pourquoi?
Si on se concentre sur le déroulement de l’actuelle entreprise libérale, les vraies raisons, jamais explicitées, commencent à devenir un peu plus claires. Tout le discours pour défendre ce projet de loi a noyé le poisson et semé la confusion. Bien sur, certains aspects, gros comme des poteaux de téléphone, ne sont pas passés inaperçus et ont soulevé la contestation. Des réaménagements des structures des fonds et des coupures dans leurs prévisions qui iraient jusqu’à toucher les actuelLEs retraitéEs ne passent pas la rampe. Encore une fois, avec raison! Le gouvernement s’entête à soutenir qu’il veut ainsi protéger la capacité de payer des contribuables. M. Couillard a même osé déclarer lundi dernier, le 11 août, qu’il ne se trouvait aux tables de négociation habituelles que les syndicats et les dirigeantEs municipaux-ales, que les contribuables n’y étaient pas représentéEs. Depuis quand, dans notre société encore un tant soit peu démocratique, les édiles municipaux, dûment éluEs ne sont-ils pas les représentantEs des contribuables-électeurs-rices? Comme ineptie on aura rarement vu mieux! Donc, que vise vraiment le gouvernement?
C’est maintenant bien connu, il y a de la bonne volonté du côté syndical pour améliorer le rapport des parties payantes en regard des fonds de pension. À Montréal d’ailleurs, les employéEs cols bleus et les pompiers ont signé une entente sérieuse sur ce point lors de leurs dernières négociations. Et ils ne sont pas les seulEs. Il est de notoriété publique également que tous ces fonds ne sont pas en difficulté, loin s’en faut. Seule une minorité est dans une situation financière précaire. L’ancien gouvernement péquiste avait d’ailleurs déposé un projet de loi qui ne visait que cette minorité dans le but de la rendre solvable.
Que cherche donc l’actuel gouvernement avec le projet de loi 3, puisque ses arguments ne tiennent décidément pas la route? Créer une crise dans la foulée de ce que son prédécesseur a fait face aux étudiantEs? Quel intérêt trouve-t-il à suivre les demandes des maires de Québec, de Montréal et d’autres villes? Une réponse intéressante a été avancée par Mme Danielle Pilette de l’UQAM sur les ondes de RDI un peu plus tôt cette semaine. Selon elle, cela a à voir avec les demandes de ces municipalités pour une augmentation de leur autonomie et de leurs responsabilités. Il semble bien que ce ne soit pas le cas de toutes les membres de L’union des municipalités du Québec. La réponse aurait été positive de la part de l’actuel gouvernement ou du précédent, (cela est à voir), mais qu’il faudrait que cela se fasse à coût nul. Donc il faut trouver les sous quelque part. La participation municipale aux fonds de pension de leurs employéEs est devenue une cible de choix. Les sommes sont conséquentes. Dans ce contexte, les contribuables ont le dos large et vive la transparence!
NOUS AVONS TOUT À FAIT RAISON DE NOUS OBJECTER À FAIRE LES FRAIS D’UNE POLITIQUE NON DÉCLARÉE!
Une attaque de plus
Mais il ne faut pas se tromper. Cette attaque n’en est qu’une parmi d’autres. Le mouvement est déjà en marche et il n’a pas fini d’avancer. Les négociations du secteur public sont à l’ordre du jour pour la prochaine année et le secteur privé n’est pas en reste. En ce moment, les travailleurs-euses d’Arcelor Mital à Sorel-Tracy ont vécu un lock-out précisément sur cet enjeu.
Les règles néolibérales comportent la surexploitation de la main-d’œuvre. Les attaques contre tout ce qui avait été acquis au temps du keysianisme comme bénéfices marginaux ont commencé au cours des années soixante-dix et n’ont fait que s’amplifier depuis. La syndicalisation l’a aussi été et les idées individualistes ont été cultivées pour arriver à détruire la solidarité des travailleurs et travailleuses, cheville ouvrière des conditions de travail antérieures, [parmi lesquelles] la protection des revenus de retraite. Car les régimes de retraite sont une conquête syndicale. Aucun gouvernement au pays ne s’est jamais préoccupé de cet aspect de la vie des travailleurs-euses. Le gouvernement fédéral, sous la pression de l’ancêtre du NPD, le CCF, a introduit la pension de la Sécurité de la vieillesse et, beaucoup plus tard, sous la pression des populations et certains partis politiques, le Régime de pensions du Canada – RRQ au Québec. En 2012, le gouvernement conservateur a refusé d’y apporter des améliorations. L’effet combiné de ces deux régimes ne donne pas des revenus décents pour vivre dans nos sociétés.
Au Québec, comme ailleurs au Canada, c’est dans les entreprises syndiquées et le secteur public qu’ils sont principalement présents. Ils sont donc le fruit des négociations locales entre les syndiquéEs et les parties patronales qui y trouvaient leur compte d’ailleurs. C’est le virage vers l’augmentation de la distribution des plus-values vers les actionnaires aux dépens des travailleurs-euses, qui induit ces tentatives de captation d’un bénéfice acquis. Dans la situation qui est devant nous en ce moment, le gouvernement se comporte comme un conseil d’administration tout-puissant qui change unilatéralement les règles du jeu en cours de partie alors qu’il n’y était pas présent jusqu’à maintenant sauf dans le secteur public. C’est une pratique connue dans le secteur privé. Rappelons-nous le cas des travailleurs-euses et retraitéEs de la compagnie de papier de Québec il y a deux ou trois ans : c’est exactement ce qui leur est arrivé. On pourrait faire une longue liste de situations semblables.
Il est particulièrement odieux que le gouvernement vienne rejeter les résultats de négociations menées de bonne foi signées par les deux parties en cause. Encore une fois, travailler à rectifier les mauvaises conditions de certains fonds est une chose; vouloir mettre la main sur les revenus accumulés par les syndiquéEs pour leur retraite en est une autre. Les protestataires, quelle que soit leur catégorie, ont raison de dire qu’il s’agit de vol. On ne peut qu’espérer que la résistance donnera des résultats.
Élargir la lutte
Mais il faut que cette bataille soit le déclencheur d’une lutte plus large pour des revenus de retraite décents pour tous ceux et toutes celles qui travaillent. Il est intéressant d’entendre le secrétaire général de la FTQ, cette semaine sur les ondes d’Ici Radio-Canada, signaler que le scandale est du côté de la masse des travailleurs-euses qui sont sans régimes complémentaires et non du côté de ceux et celles qui bénéficient des régimes existants.
Intéressant également de voir des associations diverses de retraitéEs et de personnes âgées comme la FADOQ supporter les revendications des protestataires. Il faut absolument que se développe un large front de lutte sur cet enjeu. Les lois canadiennes et québécoises ne donnent aucun droit à des revenus décents pour la retraite. Les programmes en place, tels qu’ils sont, ne permettent à personne de vivre décemment. Les « véhicules » inventés par le fédéral pour soi-disant inciter les individus à épargner ne font que faire faire des bénéfices aux banques et autres institutions financières. Si les revenus des personnes âgées se sont améliorés au fil des années, il y a encore trop de gens qui survivent tout juste avec de très petits revenus. L’augmentation du chômage et les baisses de salaires qui prévalent depuis bon nombre d’années ne font rien pour améliorer les choses dans l’avenir. Une grande partie de ces personnes sont des femmes.
Il y a quelques années, dans la foulée de la révision du Régime de pensions du Canada et de la RRQ, une coalition des femmes syndiquées et du mouvement féministe demandait des améliorations majeures à ces régimes pour que les particularités des femmes soient prises en compte. Elles sont celles qui bénéficient le moins des régimes à prestations déterminées (ceux qui sont dans la mire actuellement) et même de la RRQ. Elles ont des parcours de travail moins longs, avec plus de manques, que ce soit à cause du chômage ou des charges familiales, et elles leurs revenus sont moins élevés en moyenne que ceux des hommes. Leurs rentes sont donc conséquentes : moins importantes.
Il est urgent, avec le creusement des règles néolibérales, qu’une coalition des organisations de retraitéEs, de personnes âgées et de travailleurs-euses s’empare de cet enjeu, détermine des objectifs décents à atteindre et mobilise la population pour cette lutte absolument nécessaire. Le devoir d’équité entre les générations passe par là également.
Bien des modèles de constitution de fonds pour la retraite existent. Nos orientations devraient aller vers les plus universels qui donneront des revenus raisonnables pour la dernière partie de la vie et sortiront de sa fâcheuse position la masse qui végète actuellement dans la pauvreté.
Presse-toi à gauche, 26 août 2014