Cette présentation a pour but d’analyser les transformations du politique dans le contexte des transformations sociales liées au passage du capitalisme libéral vers le capitalisme avancé au XXe siècle. Il s’agira dans un premiers temps de montrer comment les transformations du capitalisme liées à la montée en puissance de la corporation comme institution centrale du régime d’accumulation induit également une mutation de l’État moderne. Si cette nouvelle forme d’État, qualifiée par certains d’État-providence, résulte d’un compromis entre le capital et le travail en vue de réorienter la production en fonction des intérêts de la nation, elle a néanmoins transformé profondément le rapport du citoyen vis-à-vis l’État en interpellant le sujet politique principalement en tant que consommateur qui exerce sa liberté de choix dans le marché. En clair, si la prolétarisation de la consommation a permis de répondre aux exigences de surproduction du système industrialisé, il faut reconnaître qu’elle a également d’intégrée la classe ouvrière aux finalités du capitalisme en « cassant » sa culture et son attitude révolutionnaire.
Ensuite, nous analyserons comment la contestation du mode de régulation fordiste par de nouvelles identités non reconnues par l’ancien compromis institutionnalisé a pu participer au passage d’une nouvelle forme d’État, l’État compétitif, dans le contexte d’une nouvelle dynamique d’accumulation qualifiée de postfordiste, de régime d’accumulation financiarisé, ou encore plus communément de néolibéralisme. Finalement, nous verrons comment l’État compétitif repose sur une mutation profonde du politique, que certains qualifie de passage du «gouvernement à la gouvernance». La gouvernance sera analysée dans le cadre des mutations du politique propres au néolibéralisme. Il s’agira d’expliciter l’essence du néolibéralisme, pour montrer comment la gouvernance consiste en sa forme d’expression politique la plus adéquate.
Nous verrons alors que le néolibéralisme ne consiste pas en une idéologie qui légitime le retrait de l’État face au marché dans une optique de retour au laissez-faire propre au libéralisme classique. Ce type d’analyse ne permet pas, selon nous, de comprendre la forme de domination dépersonnalisée qui est spécifique au capitalisme. De plus, en analysant le néolibéralisme comme un retrait de l’État face au marché, cette perspective tend à réifier la séparation fictive entre le marché et l’État. Cette perspective ne permet donc pas de comprendre que le néolibéralisme consiste en une rationalité, non pas uniquement économique, mais également politique en ce qu’elle vise à gouverner la population à travers la production d’une forme particulière de subjectivité, celle de l’individu entrepreneurial. Nous conclurons en émettant quelques hypothèses concernant le rôle de l’État dans le contexte de la plus récente crise économique mondiale.