Jacques B. Gélinas
Sociologue et essayiste
Les mots sont la cuirasse du pouvoir établi.
Marcuse
Le capitalisme a besoin d’une solide cuirasse de mots et d’idées pour se rendre acceptable aux yeux de ceux qui en pâtissent… comme aussi à la conscience de ceux qui en profitent. Cette cuirasse consiste en un cadre de pensée doté d’une logique interne qui a réponse à tout et qui apparaît comme relevant du bon sens. Le libéralisme est le nom de cette idéologie qui décrit, explique et justifie le système capitaliste. Une idéologie très astucieuse, car elle joue sur l’idée de liberté, la plus grande des aspirations humaines.
Depuis son émergence au milieu du XVIIIe siècle, le libéralisme n’a cessé d’être contesté, mais il a survécu à toutes les batailles, pour s’imposer sur toute la planète, à la fin du XXe siècle, sous sa forme la plus extrême, le néolibéralisme.
I. Comment est née l’idéologie libérale en appui au capitalisme industriel
Les idéologues n’ont jamais manqué pour expliquer la nature, les cycles, les crises, les bienfaits et les méfaits du système capitaliste, éminemment productif, mais brutalement inégalitaire et ravageur. Le plus célèbre d’entre eux demeure l’Écossais Adam Smith. Notons que ce philosophe, reconnu comme le fondateur du libéralisme et de la science économique moderne, n’était ni un économiste ni un homme d’affaires, mais un professeur de logique et de morale.
Smith publie, en 1776, un essai pionnier intitulé Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Cela se passe en Angleterre, berceau de la Révolution industrielle qui prend alors son envol. Il s’agit d’une nouvelle façon d’organiser la production par une main-d’oeuvre salariée, dans des manufactures nouvellement mécanisées, possédées et dirigées par une classe de nouveaux riches, qu’on appellera plus tard les capitalistes.
L’auteur explique que la cause principale de la prospérité du royaume, c’est la liberté économique. Liberté d’entreprendre dans le seul but de faire des profits, sans se soucier de l’intérêt général. Liberté de commercer sur un marché concurrentiel, libre des interventions de l’État. Liberté de s’enrichir et d’accumuler pour investir davantage et engranger plus de profits qui seront réinvestis, dans une spirale sans fin d’accumulation.
Mais alors, si chacun poursuit égoïstement ses activités industrielles et commerciales, comment expliquer la prospérité et l’harmonie qui règnent dans le pays ? Smith ne parvient à résoudre cette énigme qu’en recourant à une certaine mystification : « une main invisible » intervient – ô prodige ! – pour faire converger la multitude des intérêts particuliers vers l’intérêt général. Dans l’aristocratique Angleterre de l’époque, l’exploitation éhontée des salariés, y compris de la main-d’œuvre féminine et enfantine, est considérée comme faisant partie de l’intérêt général.
Ce cadre d’idées élaboré par Smith et autres penseurs de la même école a un nom : le libéralisme économique. Une idéologie étonnamment résiliente qui a survécu aux analyses décapantes de Karl Marx et de Friedrich Engels, au mitan du XIXe siècle.
L’interprétation de Smith, complétée au début du siècle suivant par David Ricardo – le père de la théorie du libre-échange – et par les néoclassiques du libéralisme économique, s’est imposée partout en Occident, jusqu’à ce que la Grande Dépression et la menace d’effondrement du capitalisme, dans les années 1930, ne viennent ébranler les certitudes.
II. Le libéralisme bridé par le New Deal, le keynésianisme et l’État social
L’optimisme des gens d’affaires est à son comble lorsque, le 24 octobre 1929, le krach de la Bourse de New York sonne la fin de l’euphorie. La crise financière s’internationalise et asphyxie progressivement tout le système économique. De 1929 à 1933, la production industrielle mondiale chute de 40 %, le commerce international, de 60 %. Aux États-Unis, le chômage culmine à 24 %. Les prix agricoles accusent une baisse de 30 % à 50 %. Le produit national brut (PNB) perd 30 % de sa valeur par rapport à 1930.
Le système capitaliste, qui depuis 150 ans paraissait s’autoréguler, gît en panne, incapable de se requinquer. Contrairement à ce que l’on a trop souvent écrit, le krach boursier n’a pas causé la Grande Dépression. La spéculation effrénée qui régnait sur le parquet de la Bourse n’en a été que l’élément déclencheur. La véritable cause du krach économique doit être cherchée dans l’insuffisance de la demande étouffée par la rapacité des grands capitalistes.
Désemparé face à la crise qui perdure, le Big Business, avouant son échec, supplie le nouveau président des États-Unis d’intervenir. Franklin Delano Roosevelt, qui s’installe à la Maison-Blanche au début de 1933, est un pragmatique. Il n’attendra pas l’apport de nouvelles théories macroéconomiques pour s’attaquer aux problèmes de chômage et de pauvreté qui ravagent le pays.
Il propose aux différents intervenants économiques un nouveau contrat social : le New Deal. Il s’agit, dans un premier temps, d’un vaste programme d’infrastructures pour relancer l’investissement et stimuler l’emploi. Il met au pas la finance par diverses mesures et surtout par la Loi Glass-Steagall qui sépare les banques d’affaires, dédiées au développement des grandes compagnies, des banques commerciales qui font crédit aux entrepreneurs et aux ménages. La deuxième phase du New Deal comprendra un train de mesures sociales présentées comme des droits et non de l’assistance : assurance-chômage, règlementation des conditions de travail, pensions de vieillesse, relèvement des prix agricoles, etc.
Sur les entrefaites apparaît dans le paysage universitaire et politique du Royaume-Uni, John Maynard Keynes, l’économiste le plus influent du XXe siècle. Se qualifiant lui-même de penseur hétérodoxe, il cherche à comprendre les « calculs trompeurs » qui ont entraîné le monde dans une si profonde dépression. Il conteste le dogme néolibéral du marché autorégulateur. Dans La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, parue en 1936, il démontre que l’État doit intervenir pour remédier aux carences du marché, notamment dans le domaine de l’emploi et de la distribution des revenus et de la richesse. Keynes réhabilite le politique.
Mais il aura fallu la catastrophe de la Deuxième Guerre mondiale pour que la classe politique l’écoute et remette en question les dogmes du libéralisme économique. Secoués par ce conflit apocalyptique qu’ils n’ont pas su éviter, les dirigeants se sentent interpellés : les solutions d’après-guerre devront être inédites, sociales et révolutionnaires pour répondre aux attentes des classes populaires dont l’effort de guerre a requis tant « de sang, de sueurs et de larmes1 ».
Au plus noir du conflit, alors que Londres croule sous les bombes, le premier ministre Winston Churchill appelle un vieil ami, William Beveridge, et lui demande de réfléchir à un modèle social en phase avec les attentes de la population. Beveridge, homme de cœur engagé de longue date dans les mouvements sociaux, prend la chose au sérieux. Il consulte Keynes, son allié et complice. En novembre 1942, il dépose son rapport qui recommande non seulement de soulager la misère provoquée par la guerre, mais d’éradiquer les maux endémiques qui affligent le monde ouvrier : chômage, malnutrition, insalubrité des logements, ignorance, inaccessibilité des soins de santé.
Sitôt élu, en juillet 1945, le gouvernement travailliste de Clement Attlee appliquera à la lettre les recommandations du rapport Beveridge. C’est la naissance du Welfare State : l’État du bien-être ou l’État social – péjorativement appelé État-providence, dans le but implicite de le dénigrer. Ce programme novateur va servir de modèle à de nombreux pays, dont le Canada. Au début des années 1940, le gouvernement de Mackenzie King, influencé par des disciples de Keynes qui se sont introduits dans la fonction publique fédérale, commencera à mettre en place les premières mesures de l’État social.
Au Québec, le keynésianisme sera fraîchement accueilli par les élites politiques, économiques et ecclésiastiques qui le jugent contraire à la doctrine sociale de l’Église. Celle-ci prône plutôt une sorte de corporatisme2 comme solution aux maux de l’époque. Ce n’est qu’avec la Révolution tranquille, dans les années 1960, que commencera à s’implanter en sol québécois l’État social, nourri par une grappe d’intellectuels sortis principalement de l’École des sciences sociales de l’Université Laval.
Pendant ce temps, alors que le libéralisme keynésien continue de se propager et de s’imposer dans le monde, un formidable ressac d’idées se trame dans l’ombre…
III. La bataille des idées pour imposer un libéralisme fondamentaliste
Au début des années 1960, les lobbies d’affaires se rendent compte qu’en plus d’avoir perdu des points sur le terrain proprement économique, ils ont perdu la bataille des idées. C’est alors qu’aux États-Unis, le Parti républicain décide d’organiser la riposte. Il lance un vaste programme de rééducation piloté par la Message Machine républicaine3 : la Machine à fabriquer et diffuser des idées conservatrices.
Une cinquantaine de fondations et d’agences dites philanthropiques se portent volontaires pour financer la fabrication et la diffusion d’idées de droite. La somme fabuleuse de trois milliards de dollars de l’époque est allouée à des think tanks – réservoirs d’idées – et à d’autres institutions néoconservatrices. La campagne de rééducation emprunte toutes les voies : publicité, articles, pamphlets, essais, conférences, entrevues, contrôle de maisons d’édition, infiltration des médias – radio, télévision, journaux, magazines –, financement de programmes d’études et de professeur·e·s invités, subventions à des chercheur·e·s complaisants.
Une poignée d’économistes fondamentalistes constitue l’avant-garde de cette contre-offensive idéologique. Milton Friedman, cofondateur et grand gourou de l’École de Chicago, publie en 1962 un petit livre intitulé Capitalism and Freedom, véritable manifeste du néolibéralisme4. Friedman y fait l’apologie d’un marché totalement déréglementé, présenté comme la réalisation la plus parfaite de l’idée de liberté. Il conclut à la supériorité du marché sur la démocratie politique. S’il faut choisir entre la démocratie politique et le marché, le vrai démocrate choisira le marché, lieu suprême de liberté et donc de démocratie. Le marché, soutient-il, « permet le consensus sans la coercition. Le marché est de fait un système de représentation proportionnelle5 ».
Les intellectuel·le·s regroupés autour de Friedman ont longtemps passé pour des idéologues excentriques et marginaux. Ils ont cependant persévéré, jusqu’au jour où les conditions pour réaliser leur programme se trouvèrent réunies. Cela s’est produit à la fin des années 1970, quand les multinationales les plus opulentes se sont transformées en transnational corporations. Des compagnies devenues si puissantes qu’elles transcendent les États et imposent aux élu·e·s leur vision de la société.
Désormais sous influence, la classe politique va produire des politiciennes et politiciens imbus d’idées et de croyance néolibérales. Les chefs de file proviendront des deux pays les plus puissants de la planète : le Royaume-Uni et les États-Unis. Margaret Thatcher, élue en 1979, et Ronald Reagan, en 1980, feront rapidement des émules. Partout dans le monde, les politiciens adopteront le mot d’ordre de la « Dame de fer » : There is no alternative – Il n’y a pas d’alternative ! Nos élu·e·s, que l’on croyait voués à la défense du bien commun, s’avouent impuissants, forcés de se plier aux règles disciplinaires du néolibéralisme : déréglementation, privatisation, libéralisation, flexibilité du travail.
Le néolibéralisme pousse l’idéologie libérale à ses extrêmes limites. Alors que le libéralisme classique reconnaissait la nécessité d’une certaine intervention de l’État pour protéger le marché contre ses propres excès, le néolibéralisme prône un marché totalement à l’abri des normes gouvernementales. Il considère la fonction redistributrice de l’État comme destructrice de la liberté individuelle et de l’esprit d’entreprise. Il ne souhaite pas néanmoins sa disparition. Il a besoin d’un État fort pour assurer le maintien de l’ordre, la mise en place d’infrastructures adéquates et la protection du droit de propriété et d’accaparement illimité.
Pour être efficaces, les règles disciplinaires du néolibéralisme doivent être enchâssées dans un cadre légal, dûment avalisé par les décideurs politiques. Au cours des années 1980, les États-Unis ont imaginé et mis en oeuvre une formule inédite de libre-échange qui viendra transformer les idées néolibérales en programme politique. Pour cela, il fallait que les dirigeants politiques signent leur abdication. Ils ont effectivement signé une panoplie d’accords de néolibre-échange bilatéraux, régionaux et multilatéraux. Traditionnellement, le libre-échange ne s’appliquait qu’aux marchandises, produits agricoles exceptés. Le néolibre-échange y inclut les services, les investissements, la protection des brevets et les produits agroalimentaires.
Cette nouvelle organisation du monde, qui tend à englober dans la sphère marchande toutes les ressources de la planète et toutes les activités humaines, y compris la vie elle-même, a un nom : la globalisation. L’objectif est la création d’un seul et unique marché planétaire, déréglementé : one single global unregulated market. Aucun régime politique n’a jamais réalisé la totalité de ce programme démentiel. Cela n’infirme pas pour autant l’utilité pratique du credo qui le sous-tend, dont le rôle est de fournir aux gouvernants un cadre de pensée et un répertoire complet de justifications pour l’application de mesures conservatrices, antisociales et anti-écologiques.
Le néolibéralisme s’est implanté au Canada et au Québec grâce à l’activisme d’institutions engagées à fond dans la lutte en faveur des idées conservatrices. Au premier chef, il faut signaler le militantisme tenace et bien financé du Conseil canadien des chefs d’entreprise (CCCE). Se sont joints à cette campagne, de puissants think tanks comme l’Institut C. D. Howe et le très conservateur Institut Fraser de Vancouver. À la fin des années 1990, un nouveau réservoir d’idées de droite, parrainé par l’Institut Fraser, prend pied au Québec : l’Institut économique de Montréal (IEDM), qui deviendra le think tank le plus cité au Québec. L’IEDM publie de nombreuses études et recherches et multiplie les interventions dans les médias qui convergent toutes dans la même direction : l’éloge du secteur privé au détriment de l’État social. Et conséquemment, appui à la dérèglementation, à la privatisation des services, au partenariat public privé, à la réduction du « fardeau » fiscal, etc.
Mais le thème de prédilection de l’IEDM demeure le coup de dent contre l’urgence climatique et environnementale et, en contrepartie, la défense des intérêts pétroliers et gaziers. On ne peut s’empêcher de voir dans cet insistant négationnisme la main du puissant lobby du pétrole. Cette question a intrigué le journaliste André Noël dont les recherches ont démontré les liens qui existent entre l’IEDM et des think tanks étatsuniens financés par les magnats du pétrole, dont les frères Charles et David Koch6. Des liens non seulement idéologiques, mais de toute évidence financiers. L’IEDEM fait partie du réseau de think tanks pro-pétrole Atlas Network, généreusement financé par les fondations étatsuniennes conservatrices. Notons, en passant, que l’IEDM a obtenu de Revenu Canada le statut d’organisme de bienfaisance, avec les avantages fiscaux correspondants.
Enfin, il n’est pas inintéressant de souligner la présence dans la députation du gouvernement caquiste de Youri Chassin, qui a été économiste puis directeur de recherche à l’IEDM pendant de nombreuses années. Avant d’être adoubé candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Saint-Jérôme, en avril 2018, il a profité de tribunes grand public comme invité privilégié à Radio-Canada et chroniqueur au Journal de Montréal. Cet ardent défenseur des intérêts pétroliers n’a pu être admis dans les rangs caquistes sans qu’il existe une communauté de pensée entre lui et le chef de la CAQ. Le peu d’intérêt que manifeste le gouvernement Legault pour les problèmes environnementaux a sans doute des racines idéologiques plus profondes qu’on ne le pense.
IV. La guerre des idées pour renverser l’ordre néolibéral et sauver notre maison commune
L’ordre néolibéral montre aujourd’hui des signes de faiblesse, comme si les inégalités et l’accaparement avaient atteint les limites du supportable pour l’humanité et la planète. Forbes, le magazine des ultrariches décomplexés qui dresse chaque année le palmarès des milliardaires, les plus grands accapareurs de la planète, constate dans son édition de mars 2019 que c’est la première fois depuis la Crise des années 1930 que « la primauté du système de libre marché [lire : le capitalisme] est si largement remise en question ». Pis, « les milliardaires sont devenus les têtes de Turc » de la population. Ils se voient de plus en plus décriés, enviés, détestés, et de moins en moins admirés. De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) s’inquiète de « la colère grandissante que provoque la montée des inégalités imputables à la mondialisation ». Le FMI souligne le danger d’ignorer la persistance d’« inégalités excessives7 ». Malgré ses évidentes failles, le néolibéralisme n’en demeure pas moins une force culturelle et politique redoutable qui a colonisé les mentalités de générations entières. « On ne réalise pas à quel point il pénètre l’intime de nos esprits », remarque la philosophe française Barbara Stiegler. Cela explique, conclut-elle, « comment, un peu partout dans le monde, les gauches de gouvernement ont pu devenir néolibérales sans le savoir8 ». Il est fascinant de constater comment cette analyse s’applique aux partis politiques du Canada et du Québec de centre gauche ou de gauche.
Cela signifie que l’on ne peut guère compter sur la classe politique pour contrer l’hégémonie néolibérale. La bataille va se livrer – se livre déjà – à la base, où « un million de révolutions tranquilles » s’affairent à changer le monde9. Cette multitude d’initiatives partage certaines caractéristiques essentielles : un désir indéracinable d’un monde plus juste et d’une Terre mieux soignée; une mobilisation citoyenne; une gouvernance démocratique; un développement fondé sur un ancrage territorial. Il s’agit de construire et de tester ensemble des voies de remplacement. De là, l’importance d’encourager et de rallier les organisations comme ATTAC-Québec, le Réseau québécois d’intégration continentale (RQIC), l’Institut du Nouveau Monde, l’Union paysanne, Via Campesina, Nature Québec, Environnement jeunesse et des centaines d’autres.
La remise en question du néolibéralisme ne peut être que radicale. Il s’agit de contester non seulement les diverses pratiques du système, mais les valeurs mêmes qui le fondent. À celles et ceux qui, par crainte de trop brusquer l’ordre établi, n’osent aller au bout de leurs principes et de leurs convictions, il convient de rappeler les leçons que nous ont laissées les fondateurs de l’ordre néolibéral : (1) ne pas craindre d’aller à contre-courant des idées et des politiques dominantes; (2) n’accepter comme immuable aucune institution, aucune pratique; (3) ne pas édulcorer les principes.
L’histoire n’a pas dit son dernier mot
En 1992, au lendemain de l’implosion de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), Francis Fukuyama publie un essai intitulé La fin de l’histoire et le dernier homme10. Selon le politologue étatsunien, différents modes d’organisation socioéconomique et politique ont été explorés au fil de l’histoire, jusqu’à ce que le néolibéralisme s’impose à l’humanité, comme LE système indépassable, le plus conforme à ses besoins et à ses aspirations. Un quart de siècle plus tard, l’actualité vient démentir les prophéties de Fukuyama. Le néolibéralisme a conduit l’humanité dans une double impasse délétère : les dérèglements climatiques et l’explosion des inégalités.
Nous le savions : rien n’est éternel. Le néolibéralisme volontairement conçu, promu et défendu par une poignée d’intellectuels a eu un commencement et aura certainement une fin… pour autant qu’une réelle détermination et une stratégie intelligente animent ses opposants et opposantes.
1 Selon les mots de Churchill dans son célèbre discours devant la Chambre des communes, le 13 avril 1940.
2 La doctrine sociale de l’Église prône l’instauration d’institutions réunissant ouvriers et patrons qui subordonnent leurs intérêts à ceux de l’entreprise. Ce corporatisme se voulait une alternative au capitalisme et au socialisme.
3 Voir Lewis H. Lapham, « Tentacles of rage. The Republican propaganda mill, a brief history », Harper’s Magazine, septembre 2004.
4 En fait, il faut situer en 1947 la naissance d’une opposition organisée aux idées keynésiennes par la création de la Société du Mont-Pèlerin, sous le leadership de l’Autrichien Friedrich von Hayek, mentor de Milton Friedman. Celui-ci a participé activement à cette fondation dans la bourgade du Mont-Pèlerin, en Suisse.
5 Milton Friedman, Capitalism and Freedom, Chicago, University of Chicago Press, 1962, p. 23.
6 André Noël, « Youri Chassin, la CAQ et le lobby du pétrole », Ricochet, 18 et 19 septembre 2018, <https://ricochet.media/fr/2334/youri-chassin-la-caq-et-le-lobby-du-petrole> et <https://ricochet.media/fr/2337/youri-chassin-la-caq-et-le-lobby-du-petrole>.
7 Agence France-Presse, « Le FMI invite à un changement de cap », Le Devoir, 17 juillet 2019.
8 Dans un entretien à Alternatives Économiques, n° 390, 12 avril 2019, « On sous-estime l’hégémonie culturelle du néolibéralisme », <www.alternatives-economiques.fr/on-estime-lhegemonie-culturelle-neoliberalisme/00088862>.
9 Bénédicte Manier, Un million de révolutions tranquilles. Comment les citoyens changent le monde, 2e éd., Paris, Les liens qui libèrent, 2016.
10 Francis Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1993.